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Cigarettiers: recours collectif de 17,8 milliards

Photo: Métro

MONTRÉAL – La Cour supérieure a commencé lundi à entendre les plaidoiries finales dans le colossal recours collectif intenté il y a 16 ans par des fumeurs québécois contre trois grands cigarettiers canadiens.

L’action collective de 17,8 milliards $ serait la plus importante jamais intentée au Canada. Environ un million de Québécois sont impliqués dans ce recours qui vise les fabricants Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges ainsi que JTI-MacDonald. Les plaidoiries finales devraient s’échelonner jusqu’à la mi-novembre, devant le juge Brian Riordan.

Les requérants plaident que les manufacturiers ont comploté pour cacher de l’information à la population pendant 40 ans sur les effets néfastes du tabac pour la santé des fumeurs. Des documents présentés en preuve — notamment des notes internes des fabricants — soutenaient la thèse selon laquelle certains consommateurs ignoraient les dommages causés par le tabagisme, ou en saisissaient mal l’ampleur.

Les cigarettiers, quant à eux, ont plaidé que les méfaits du tabac étaient connus depuis des décennies, et qu’ils n’ont participé à aucun complot pour cacher de l’information à la population. Ils ont aussi martelé que les produits du tabac sont vendus légalement et avec l’approbation des gouvernements.

«Les gens connaissaient depuis des décennies les risques associés au tabagisme, tout comme le gouvernement fédéral, qui nous accorde les permis afin de vendre ces produits», a résumé Éric Gagnon, porte-parole d’Imperial Tobacco Canada. «Alors, nous ne croyons pas que l’industrie du tabac devrait être tenue responsable des choix individuels de gens qui devaient bien connaître ces risques.»

14 ans plus tard

Deux recours collectifs sont en fait entendus simultanément par le juge Riordan dans le cadre de ce procès: un premier regroupe 162 000 fumeurs et ex-fumeurs québécois victimes de cancers du poumon, de la gorge ou d’emphysème, et un second regroupe 918 000 Québécois dépendants du tabac.

La requête initiale pour intenter un recours collectif, déposée en 1998, demandait 27 milliards $ et touchait 1,8 million de Québécois, mais les règles définissant les requérants ont été resserrées en 2013. La Cour supérieure avait donné son feu vert à l’action collective en 2005, et les audiences sur le fond ont débuté en 2012. La cour a entendu depuis 78 témoins en 234 jours d’audiences, et quelque 27 000 documents ont été déposés en preuve. Depuis le début des procédures, 90 jugements de toutes sortes ont été rendus dans cette affaire.

Il aura donc fallu 14 ans avant que la cause ne soit entendue sur le fond — les avocats des cigarettiers ont déposé de nombreuses requêtes et demandes d’appels.

«Malheureusement, après 16 années de procédures, plusieurs membres n’auront pas la chance de voir l’issue de ce procès, comme Jean-Yves Blais, le membre désigné du recours des victimes de maladies causées par le tabac, décédé en 2013», déplorait lundi Mario Bujold, directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé, corequérant.

M. Blais, qui fumait depuis les années 1950, est décédé après de multiples tentatives pour arrêter. Sa veuve Lise et son fils Martin assistaient d’ailleurs aux plaidoiries lundi matin, au palais de justice de Montréal. Mme Blais a raconté qu’elle et son mari avaient beau essayer d’arrêter de fumer, l’étalage de paquets de cigarettes au dépanneur du coin les faisait constamment rechuter.

Conscient que la décision pourrait être portée en appel par les trois grands canadiens du tabac, M. Bujold souhaite que la Cour supérieure rende un jugement qui s’appliquerait en partie immédiatement, peu importe la suite des choses.

Cette cause est distincte des poursuites intentées par plusieurs provinces afin de récupérer auprès des cigarettiers les énormes coûts de soins de santé imputables aux ravages du tabagisme, mais les plaidoiries sont sensiblement les mêmes. Des procureurs d’autres provinces étaient d’ailleurs présents au palais de justice de Montréal lundi pour se faire l’oreille.

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