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PKP n'a pas besoin de fiducie

Photo: The Canadian Press

QUÉBEC – Le député péquiste Pierre Karl Péladeau n’aura pas à placer ses actifs dans une fiducie sans droit de regard même si des filiales de ses entreprises, comme Vidéotron, ont des contrats publics, a déclaré mardi le commissaire à l’éthique, Jacques Saint-Laurent.

L’article 18 du code d’éthique de l’Assemblée nationale prévoit qu’un député peut avoir une entreprise qui participe à un marché avec le gouvernement, un ministère ou un organisme public à la condition que ses actifs soient placés dans une fiducie sans droit de regard.

M. Saint-Laurent a expliqué que cette l’obligation ne s’applique pas quand c’est une filiale de cette entreprise qui transige avec l’État ou des organismes gouvernementaux.

«Il n’y a pas d’obligation de constituer automatiquement une fiducie ou un mandat sans droit de regard, a-t-il dit. (…) À ce moment-là, l’article 18 ne vise pas spécifiquement des interventions du commissaire lorsqu’on est rendu dans une cascade comme ça.»

Le commissaire a publié mardi les sommaires des déclarations d’intérêts des députés de l’Assemblée nationale, pour la première fois depuis l’élection, après avoir fait la même chose pour les membres du conseil des ministres au début du mois.

Les informations concernant M. Péladeau, actionnaire de contrôle du conglomérat Québecor, indiquent que ses actifs sont concentrés dans sept entreprises ou fiducies, dont Gestion MTRP, Placements Péladeau, Holding Péladeau, Fondation Péladeau et Fiducie PKP, dont le capital est fermé et qui ne se transigent pas sur les marchés boursiers.

«On a une série de compagnies, qui sont des compagnies ou des fiducies, qui sont des compagnies privées, a dit M. Saint-Laurent. Pour ces compagnies, M. Péladeau, personnellement, détient des intérêts ou agit comme fiduciaire, il n’y a pas d’entreprise qui fait affaire avec l’État directement là-dedans.»

Québecor, l’entreprise cotée en Bourse dont M. Péladeau a le contrôle, a par contre des filiales qui, elles, obtiennent des contrats de l’État ou d’organismes publics, a indiqué M. Saint-Laurent.

«Vidéotron a quelques activités avec l’État, les médias écrits et même télévisés diffusent, en contrepartie d’honoraires, des messages qui viennent du gouvernement, donc ils sont rémunérés pour ça, a-t-il dit. C’en est des contrats avec l’État.»

Le commissaire a néanmoins ouvert une enquête récemment, après la publication d’un reportage indiquant que M. Péladeau est intervenu auprès de décideurs publics concernant une transaction impliquant Québecor, une entreprise qui exploite notamment le réseau TVA, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.

Au début du mois, M. Péladeau, qui réfléchit à se porter candidat à la direction du PQ, s’est engagé à placer volontairement ses actifs dans une fiducie sans droit de regard s’il est élu chef. Pour l’instant seuls les membres du conseil des ministres, et les députés dont l’entreprise transige avec l’État, sont tenus de se conformer à cette disposition du code d’éthique de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, le Conseil de presse a refusé, mardi, un mandat pour examiner les questions soulevées par le cumul des fonctions de M. Péladeau, comme député, avec celles d’actionnaire de contrôle du conglomérat Québecor.

Un porte-parole du tribunal d’honneur des médias, Julien Acosta, a déclaré que l’organisme considère que cette question relève davantage du débat parlementaire que journalistique.

«Le conseil d’administration a décidé de refuser la demande, a-t-il dit au téléphone. Essentiellement parce que le mandat tel que formulé relève plus de l’éthique parlementaire plutôt que de l’éthique journalistique. Ce n’est pas le champ d’expertise du conseil de presse.»

M. Acosta a affirmé que le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, avait fait une proposition au Conseil, une instance où les patrons de presse, les journalistes et le public sont représentés, pour savoir s’il accepte d’entreprendre des audiences publiques.

«La proposition de M. Fournier reprenait essentiellement le texte de la motion du gouvernement sauf qu’on remplaçait la commission des institutions essentiellement par le Conseil de presse, a-t-il dit. Grosso modo c’est ça, c’est sur cette question-là que s’est prononcé le conseil d’administration du Conseil de presse. (…) Il ne s’agissait plus de l’envoyer en commission parlementaire mais de nous sous-traiter finalement cette question-là.»

M. Acosta n’a pas été en mesure de dire quelle aurait été la décision de l’organisme si M. Fournier avait cadré le débat autour du mandat proposé par le PQ, qui souhaite élargir la question à l’étanchéité des salles de presse et l’indépendance des médias.

«Je ne peux évidemment pas dire si le conseil d’administration aurait accepté ou refusé un mandat qui aurait été davantage calqué sur la proposition du Parti québécois», a-t-il dit.

Au cabinet de M. Fournier, un porte-parole, Félix Rhéaume, a contredit le porte-parole du Conseil de presse. Selon M. Rhéaume, M. Fournier a parlé des motions des libéraux et des péquistes sans définir le mandat.

«C’était sur la question de la relation entre le pouvoir médiatique et le pouvoir politique, tout le débat qui a eu lieu depuis deux semaines pour voir si eux étaient capables de le diriger, a-t-il dit. Mais ce n’était pas de prendre la motion qui avait été présentée par la Parti libéral.»

Plus tôt, M. Fournier s’était montré ouvert à la proposition du Parti québécois de mandater le conseil pour entendre des experts sur la question sans écarter pas la possibilité qu’une commission parlementaire soit ensuite mandatée pour écouter ses conclusions, malgré les réticences des péquistes qui veulent éviter un débat partisan contre M. Péladeau.

La semaine dernière, le Parti québécois a proposé de confier un mandat à un comité de travail, où seraient représentés le Conseil de presse, la Tribune de la presse et les trois ailes parlementaire de l’Assemblée nationale, afin d’examiner l’étanchéité des salles de presse et l’influence politique que peuvent avoir les propriétaires et l’actionnaire de contrôle des médias sur les journalistes.

Les libéraux ont inscrit en Chambre une motion qui se rapporte plus spécifiquement à la situation de M. Péladeau pour qu’une commission parlementaire examine les risques pour l’indépendance de la presse quand un député contrôle une entreprise médiatique.

M. Fournier, qui espère rallier le PQ à sa démarche, a également indiqué que la Tribune de la presse, qui représente les journalistes affectés à l’Assemblée nationale, a décliné l’invitation.

Mardi, M. Péladeau n’a pas écarté la possibilité de s’adresser aux tribunaux si jamais le gouvernement décidait de changer la loi afin de le forcer à choisir entre son siège et son entreprise.

«Je pense que c’est prématuré de déterminer ce qui va se produire, il y a des travaux parlementaires qui continuent et on verra la façon dont le gouvernement déterminera la suite à donner», a-t-il dit.

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