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Fini les visas pour les pays touchés par l'Ebola

TORONTO – Le Canada suspend immédiatement l’octroi de visas aux ressortissants des pays d’Afrique de l’Ouest touchés par le virus Ebola, comme l’a fait plus tôt l’Australie, mais à l’encontre des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le gouvernement fédéral a indiqué vendredi, dans la Gazette du Canada, que ses agents «suspendent temporairement le traitement des demandes présentées par des ressortissants étrangers qui ont été physiquement présents dans un pays désigné par l’OMS comme ayant une propagation soutenue et à grande échelle de la maladie à virus Ebola».

Cette formulation, qui vise essentiellement la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia, exclut par ailleurs les États-Unis, qui comptent actuellement au moins un cas d’Ebola sur leur territoire. Ces changements n’ont pas non plus d’incidence sur les Canadiens qui sont actuellement en Afrique de l’Ouest, y compris les travailleurs de la santé, qui seront autorisés à rentrer au Canada, a indiqué le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration.

Par contre, les citoyens canadiens, les résidents permanents et les ressortissants étrangers qui possèdent actuellement un visa, ainsi que les ressortissants étrangers qui n’ont pas besoin d’un visa, continueront à être contrôlés aux points d’entrée «et peuvent être assujettis à des dispositions pertinentes de mesures de contrôle sanitaire, et d’autres mesures de la Loi sur la mise en quarantaine», précise le ministère.

Kevin Menard, porte-parole du ministre Chris Alexander, a indiqué que cette mesure est un peu moins contraignante que celle adoptée cette semaine par le gouvernement australien.

La directrice de l’OMS, la docteure Margaret Chan, avait vertement dénoncée mercredi cette mesure, et soutenu que la fermeture des frontières n’empêcherait pas la propagation du virus Ebola.

Violation d’un traité international

David Fidler, professeur de droit international à l’université de l’Indiana, estime quant à lui que le Canada et l’Australie violent ainsi le Règlement sanitaire international, un traité dont les deux pays sont signataires.

Ce traité, chapeauté par l’OMS, vise à «prévenir la propagation internationale des maladies (…) par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux».

En 2003, lors de l’épisode de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en Ontario, l’OMS avait conseillé aux voyageurs d’éviter tous les endroits du monde aux prises avec des éclosions graves — notamment Toronto —, un type de mise en garde qui n’a jamais été émis depuis. Le ministre ontarien de la Santé à l’époque, Tony Clement — aujourd’hui ministre dans le gouvernement Harper —, s’était insurgé contre l’avis de l’OMS. Il avait aussitôt dirigé une délégation au siège de l’OMS à Genève pour faire renverser la décision, avec succès.

En vertu du Règlement sanitaire international amendé en 2005 après l’épisode du SRAS, justement, les pays signataires acceptent de ne pas restreindre le trafic et le commerce au-delà de ce que recommande l’OMS dans le cadre de son Plan d’urgence de santé publique de portée internationale. L’OMS a décrété le 8 août que l’épidémie d’Ebola constitue effectivement une urgence de santé publique de portée internationale, mais a répété à plusieurs reprises depuis que les pays ne devraient pas fermer pour autant leurs frontières aux pays d’Afrique de l’Ouest touchés par le virus.

Le Règlement sanitaire international prévoit que les pays qui décident d’aller au-delà des recommandations de l’OMS doivent démontrer clairement pourquoi, chiffres et données scientifiques à l’appui. Ce que le Canada et l’Australie seront incapables de faire, estime le juriste Fidler.

Selon le plus récent bilan de l’OMS, au moins 13 567 personnes ont été infectées par le virus depuis le début de l’actuelle épidémie d’Ebola, et 4951 en sont mortes.

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