Soutenez

Un dernier au revoir à l'adjudant Patrice Vincent

LONGUEUIL, Qc – Reconnu pour sa discrétion, l’adjudant Patrice Vincent, tué dans un attentat le 20 octobre dernier, a, pour une rare fois été le centre d’attention, samedi, lors de funérailles au cours desquelles ses proches, ses collègues et de nombreux dignitaires se sont réunis pour souligner sa mémoire.

Visiblement émue au terme de la cérémonie, la soeur aînée de l’adjudant Vincent, Louise, s’est brièvement adressée aux médias en lisant une déclaration où elle a entre autres estimé que son frère était mort en «héros».

«Je sais que c’est difficile pour nous les Canadiens français d’utiliser ce mot, a-t-elle dit. À chaque jour, (Patrice) essayait d’être un homme meilleur. Cela l’a amené au rang de héros.»

Mme Vincent a cependant rappelé que personne n’avait «vu venir» l’attentat ayant coûté la vie à son frère lorsqu’il a été happé délibérément par un véhicule conduit par Martin Couture-Rouleau, un individu connu pour ses tendances djihadistes, abattu par les policiers après une courte poursuite.

«Imaginez ce que je ressens et multipliez cela par 100, a-t-elle souligné. Ça été une chose d’apprendre que mon frère est mort, mais c’est tellement différent d’apprendre que c’est à cause d’un acte haineux.»

Le pompier militaire, qui appartenait au 438e Escadron tactique d’hélicoptères situé à Saint-Hubert, laisse dans le deuil sa mère, trois soeurs et un frère.

Au terme de la cérémonie, qui s’est déroulée en la cocathédrale Saint-Antoine-de-Padoue, à Longueuil, le drapeau recouvrant le cercueil du militaire de 53 ans a été remis à sa mère à la suite d’une salve d’honneur, au cours de laquelle 36 coups ont été tirés par 12 soldats.

Trois hélicoptères ont également effectué un salut aérien en déployant la «formation du disparu».

De nombreux militaires, des représentants de différents corps de police ainsi que quelques dizaines de citoyens étaient également présents à l’extérieur de la cocathédrale, qui pouvait accueillir 1000 personnes.

Plusieurs dignitaires, dont le premier ministre Stephen Harper, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair, le chef du Parti libéral du Canada Justin Trudeau, ainsi que des élus provinciaux, ont assisté à la cérémonie, qui, à la demande de la famille, s’est déroulée de façon privée, sans la présence des médias.

En plus des chants et des mots de bienvenue, le premier ministre Harper s’est adressé à la famille de l’adjudant Vincent en rappelant qu’il ne méritait pas de mourir que «tout le Canada» partageait leur peine.

«Un être cher vous a été enlevé par le geste révoltant d’une personne motivée par une idéologie barbare, une idéologie contraire aux valeurs de justice, de liberté et de compassion que nous partageons comme Canadiens», a notamment souligné M. Harper.

Le premier ministre a également ajouté que la carrière de Patrice Vincent — qui s’est étalée sur 28 ans — représentait le contraire de «l’idéologie sauvage» lui ayant coûté la vie.

Son discours a aussi été politique. Il a aussi fait l’éloge du pays, utilisant, pour se faire, l’emblème national — la feuille d’érable — qu’il a décrit la feuille d’érable comme un «symbole de la liberté». Il a déclaré que l’emblème du Canada est «respecté sur tous les continents comme un symbole de courage et de démocratie, peut inspirer le mépris, même la haine, chez ceux qui ne croient ni en la justice ni en la liberté».

Sous le son des tambours et des cornemuses, la dépouille de l’adjudant avait été escortée par un important cortège militaire et accueillie par des dizaines de militaires, policiers et membres de la Gendarmerie royale du Canada. Recouvert du drapeau canadien et orné d’une gerbe de fleurs, c’est dans un lourd silence que le cercueil a été transporté à l’intérieur de la cocathédrale.

Décrit comme un passionné de l’armée et quelqu’un de discret, Patrice Vincent gagnait à être connu, selon ses collègues, en raison des nombreuses anecdotes qu’il pouvait raconter sur sa carrière s’étant étalée sur près de 30 ans.

«C’était incroyable! s’est exclamé l’officier de prévention des incendies maintenant retraité Robert Comeau, Patrice, c’était une machine à parler. J’en riais tellement il parlait. Il fallait seulement le connaître.»

M. Comeau a toutefois souligné que l’homme de 53 ans ne se serait jamais attendu à un tel déploiement pour ses funérailles en raison de sa discrétion.

Patrice Vincent s’était joint à l’armée canadienne en 1986 comme ingénieur de combat. Après avoir complété sa formation, il avait plus tard été assigné à la base de Valcartier, près de Québec. En 1990, il avait été affecté à plusieurs bases à travers le pays en tant que pompier militaire. Il a aussi parcouru le monde à bord de divers navires de guerre.

Rencontrés avant le début des funérailles, la caporale Nathalie Montchamp et le sergent Jocelyn Mayer ont également estimé que c’est grâce à sa longue carrière que l’adjudant Vincent avait autant d’histoires à raconter.

«Il était dédié et discret, a souligné la caporale Montchamp. Dès qu’on commençait à lui parler, il nous racontait ses histoires sur les bateaux par exemple.»

Le commandant Martin Rousseau s’est également souvenu de facette de la personnalité de l’adjudant Vincent, mais a toutefois tenu à rappeler à quel point le défunt était passionné par son travail.

«On pouvait avoir de très longues journées (en formation) où je tenais mon crayon (sous mon menton) pour rester réveillé et Patrice devait absolument poser une autre question à l’instructeur, a-t-il raconté. C’est à cause de ces questions que j’ai réussi à passer mes examens.»

Les funérailles de l’adjudant Vincent surviennent quatre jours après celles du caporal Nathan Cirillo, abattu par balles la semaine dernière alors qu’il montait la garde devant le Monument commémoratif de guerre, à Ottawa.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.