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Accord ÉU-Chine: des critiques contre Ottawa

Photo: The Canadian Press

OTTAWA – Le gouvernement Harper voit d’un bon oeil l’accord sur le climat entre les États-Unis et la Chine, mais ses critiques doutent que cela ne l’incite à mettre les bouchées doubles afin de s’ajuster aux cibles prévues dans l’entente.

La ministre fédérale de l’Environnement, Leona Aglukkaq, a déclaré mercredi par voie de communiqué que le gouvernement «est depuis longtemps d’avis que les plus grands émetteurs doivent faire partie de la solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.»

Le président américain Barack Obama et son homologue chinois Xi Jinping ont annoncé mercredi que leurs deux pays — conjointement responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale — s’étaient entendus pour lutter contre les changements climatiques.

Alors que Washington s’engage à réduire de 26 à 28 pour cent ses émissions de GES d’ici 2025 par rapport aux niveaux de 2005, Pékin prévoit un plafonnement des siennes d’ici 2030 avant de commencer à inverser la courbe, selon l’agence Associated Press.

Le député libéral Stéphane Dion estime que cette entente vient démolir l’un des principaux arguments du premier ministre canadien Stephen Harper.

Car le gouvernement soutient depuis des lustres que sans l’engagement des plus grands pollueurs à l’échelle planétaire, une entente globale sur le climat serait inefficace, a-t-il rappelé.

«Cela met donc de la pression sur M. Harper. Il disait qu’il ne pouvait s’engager si la Chine ne le faisait pas et soutenait qu’il devait s’aligner sur les États-Unis», a analysé M. Dion.

En point de presse à Vancouver, le chef libéral Justin Trudeau a dit espérer «que M. Harper va enfin se réveiller et se rendre compte qu’il faut adresser (sic) les changements climatiques».

La porte-parole néo-démocrate en matière d’Environnement, Megan Leslie, juge que le «plan ambitieux» de réduction des émissions de carbone entre les deux nations les plus pollueuses au monde met encore davantage en relief «l’inaction» des conservateurs à ce chapitre.

Le développement inattendu entre Washington et Pékin — que le président Obama a qualifié d’«historique» — pourrait donner le ton à la prochaine conférence internationale sur le climat, qui se tiendra à Paris en décembre 2015.

Et maintenant, c’est à Ottawa de jouer: il est grand temps que le gouvernement canadien emboîte le pas et cesse de travailler «avec le monde plutôt que contre la planète», a plaidé mercredi le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Thomas Mulcair.

«J’ai honte que sous Stephen Harper, le Canada soit devenu le seul pays au monde à se retirer de l’accord de Kyoto», a poursuivi M. Mulcair en point de presse à Toronto, mercredi après-midi.

Lors de sa visite d’État au pays, celui qui sera l’hôte de la conférence de Paris, le président français François Hollande, avait enjoint Ottawa à s’engager pleinement dans la lutte aux changements climatiques en prévision du rendez-vous international.

«Notre objectif, depuis notre arrivée en fonction, est d’établir un protocole universel parmi les grands émetteurs avec des cibles qui sont obligatoires», avait signalé Stephen Harper en conférence de presse conjointe avec M. Hollande, le 3 novembre dernier.

Mais «il reste beaucoup de travail à faire à l’échelle internationale pour que nous puissions obtenir ce que nous souhaitons tous, c’est-à-dire une entente internationale avec des obligations pour tous les grands émetteurs», avait-t-il ensuite spécifié en anglais.

L’environnementaliste Steven Guilbeault ne se fait guère d’illusions en ce qui a trait à la réaction canadienne ou celle de la ministre Aglukkaq, une «marionnette» qui «sert la rhétorique vide» du gouvernement sans avoir aucune réelle influence sur les politiques.

Car les troupes de Stephen Harper «cherchent depuis 2006 toutes les excuses possibles et imaginables pour ne rien faire (sur le plan climatique) et ça ne changera pas d’ici les élections», a déploré en entrevue téléphonique le porte-parole d’Équiterre.

La commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, Julie Gelfand, a conclu dans un rapport déposé le 7 octobre dernier qu’Ottawa raterait vraisemblablement sa cible en matière de réduction de GES.

En signant l’accord de Copenhague en 2009, le gouvernement s’était engagé à réduire la production de GES pour la ramener à 17 pour cent d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005.

«En 2012, nous avions conclu qu’il était peu probable que l’approche réglementaire fédérale contribue à réduire suffisamment les émissions pour permettre l’atteinte de la cible de 2020 de l’accord de Copenhague. Deux ans plus tard, tout indique que la hausse des émissions ne pourra pas être inversée à temps et que la cible ne sera pas atteinte», est-il écrit dans le rapport de la commissaire Gelfand.

Stéphane Dion se demande donc comment, à la lumière de ce rapport, le gouvernement pourrait espérer s’engager dans une voie comparable à celle qui semblent vouloir emprunter les États-Unis et la Chine.

«Comment voulez-vous annoncer des objectifs pour 2025 en sachant où l’on en est par rapport à ceux de 2020? On est très loin du compte», s’est désolé le député, selon qui l’accord sino-américain ne va pas assez loin.

Steven Guilbeault abonde dans le même sens, mais il se montre malgré tout optimiste: «On pourrait être en face d’une entente historique, d’une entente qui change un peu le cours des choses au niveau des négociations internationales, des objectifs et du momentum que la communauté internationale se donne pour lutter contre les changements climatiques».

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