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Jouer avec l’actualité à la manière des sites satiriques

Photo: Yves Provencher/Métro

Ils font réagir les internautes avec leurs nouvelles satiriques partagées sur les réseaux sociaux. Ils choquent et font rire en jouant avec l’actualité. Des sites comme La Pravda et Le Navet, qui sort son deuxième recueil de textes aujourd’hui, ont maintenant une réputation qui n’est plus à faire. Entretien avec les plumes derrière l’écran.

Théophile Paul-Henri de Bourguignon, Le Navet

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’écriture de nouvelles satiriques?
On fait rire les gens avec l’actualité, mais c’est aussi une façon de faire de la critique sociale, de dire quelque chose qui est profondément vrai. On peut faire dire des choses à des gens ce qu’ils diraient probablement s’ils allaient jusqu’au bout de leurs idées. On aime quand nos lecteurs disent: «Wow, Le Navet a mis le doigt sur le bobo aujourd’hui, il dit exactement ce que je pense.»

Qui sont vos cibles?
On tape sur tout le monde. C’est important pour qu’on garde notre crédibilité. Nous sommes engagés, on dénonce l’injustice, mais sans être partisans.

À quel moment réussissez-vous à «mettre le doigt sur le bobo»?
Quand il y a eu une injustice flagrante. Par exemple, il y a eu des compressions récemment dans le Régime québécois d’assurance parentale. Nous avons publié un texte qui disait que les femmes enceintes devraient désormais accoucher après cinq mois pour économiser. Ce texte a vraiment bien marché. On mettait le doigt sur le bobo.

Est-ce que les lecteurs croient que vos textes sont de vraies nouvelles?
Ça n’arrive pas souvent. On n’écrit pas pour piéger les gens. Certains lecteurs se sont fait prendre par contre avec notre texte qui disait que le PQ soumettrait les tatouages à la Loi 101. Mais on pense que les citations étaient tellement énormes dans notre texte que ça ne se pouvait pas que ce soit vrai. Ça représente peut-être une peur sous-jacente des lecteurs par rapport aux décisions des politiciens.

Est-ce que ça pose un problème éthique?
Ça dit quelque chose sur la société si des lecteurs se font piéger, quelque chose de très profond sur l’alphabétisation. On a appris que beaucoup de monde n’est pas capable de lire un article de journal modérément difficile. On fait un travail important, c’est une façon de réveiller les gens.

Comment voulez-vous faire réfléchir vos lecteurs avec vos textes?
On cherche à éveiller les consciences, mais en même temps, on ne veut pas imposer notre façon de voir les choses. On veut semer le doute dans les réflexions et les opinions politiques des gens. On critique tout le monde, on fait douter tout le monde. Je crois que c’est le signe d’une démocratie en santé lorsque la satire existe.

Ludovic Schneider, La Pravda

Pravda
Au contraire du Navet, le site de nouvelles satiriques La Pravda, piloté par Ludovic Schneider, s’affiche clairement comme partisan. Indépendantiste affirmé, Ludovic fustige les politiques du Parti libéral du Québec (PLQ) et se sert ouvertement de ses textes comme d’un moyen citoyen pour poursuivre son militantisme.

«Des journaux comme ceux de Gesca, qui ont des lignes éditoriales définies, franchissent la ligne entre le journalisme et la propagande, selon moi. Il n’y a aucun autre média qui fasse contrepoids à la propagande fédéraliste», estime-t-il.

Ainsi, il désire recréer un «équilibre médiatique», sans cacher que son principal souffre-douleur est le PLQ. «Ils ont déjà une machine médiatique de leur bord», clame sans gêne M. Schneider.

Même s’il essuie quelques critiques de lecteurs qui estiment que ses textes sont financés par les partis indépendantistes, Ludovic Schneider n’en démord pas.

«J’attaque des idées que j’estime être de la propagande et je fais une contre-propagande», affirme l’auteur, qui reconnaît épargner les autres partis, «désavantagés médiatiquement».

La Pravda diffusait notamment un texte lundi en titrant: «“Arrêter de mentir était une cible, pas une promesse”, affirme [Carlos] Leitao», faisant référence au propos du ministre des Finances, qui a soutenu que l’engagement libéral de créer 250 000 emplois sur 5 ans était une cible et non une promesse.

«Le commentaire que j’aime le plus lire sur mes textes, c’est: “Ayoye, ça frappe fort!”» – Ludovic Schneider

M. Schneider estime que les lecteurs «ont besoin» de ce genre de textes, «ils ont besoin d’en rire».

«La vie est souvent méchante. On va détruire une pouponnière de bélugas pour faire passer du pétrole, c’est sûr que ça choque. Faut que quelqu’un leur dise [aux politiciens] qu’ils sont fous, mais plus personne ne le fait», se désole l’auteur, qui veut «soulever l’incohérence des discours» politiques grâce au rire.

Un autre point le rapproche de ses confrères du Navet: sa volonté d’éveiller les lecteurs aux dangers du web. Certains lecteurs ont cru à ses «nouvelles», malgré les indices évidents qu’il estime placer dans ses nouvelles, et il déplore cette situation. «Je veux conscientiser les gens à faire attention à ce qu’ils lisent. Regarde, lis, va voir les sources! C’est bon pour n’importe quel autre site. Il faut s’assurer de la véracité des nouvelles», insiste-t-il.

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La portée virale des sites de fausses nouvelles

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