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Crédit d'impôt solidarité: perte de contrôle

QUÉBEC – Un manque de contrôle au ministère des Finances et à Revenu Québec a permis à de nombreux ménages de bénéficier d’un crédit d’impôt auquel ils n’avaient pas droit.

C’est la conclusion à laquelle en arrive le vérificateur général par intérim du Québec, Michel Samson, dans un rapport sur l’optimisation des ressources gouvernementales déposé jeudi à l’Assemblée nationale.

En 2012, le crédit d’impôt pour solidarité devait totaliser 1,3 milliard $ à retourner aux familles, mais finalement il en aura coûté 1,7 milliard $ au trésor public.

Un certain flou dans les règles d’admissibilité au programme explique en partie l’écart de près de 400 millions $ entre l’objectif initial et le résultat final.

On avait prévu que 1,2 million de ménages pourraient se prévaloir du crédit d’impôt, alors que dans les faits plus de 2 millions de ménages ont réussi à faire croire qu’ils répondaient aux critères, trop mal définis à la base et mal appliqués.

Le crédit d’impôt pour solidarité vise à aider financièrement les ménages à faible ou moyen revenu.

C’est Revenu Québec qui applique le programme élaboré aux Finances et le vérificateur déplore le laxisme et le manque de contrôle dans ce dossier, notamment dans l’application des critères reliés à la situation familiale et au lieu de résidence des requérants.

Ainsi, sans preuve ni justification, une personne peut choisir de déclarer qu’elle habite seule pour avoir droit au crédit d’impôt maximal, même si c’est faux. Le mensonge rapportera: au lieu de recevoir un crédit de 320 $, il atteindra alors plus du double, soit 659 $. Pour un couple, le crédit d’impôt devient plus alléchant à 1318 $, plutôt qu’à 640 $, s’il déclarait sa véritable situation.

En 2013, le tiers des 807 784 bénéficiaires déclaraient vivre seuls, tout en partageant leur logement, selon diverses données de Revenu Québec croisées par le vérificateur.

Seulement en ce qui concerne le critère du logement, Québec a versé environ 80 millions $ en trop aux familles en une seule année, selon les calculs du vérificateur.

«C’est certain que ce n’est pas normal. Il y a des lacunes au niveau contrôle», a commenté en conférence de presse M. Samson, en ajoutant que ce laxisme fait en sorte qu’il y a «des gens qui reçoivent le crédit qui ne devraient pas le recevoir, et il y a en a d’autres qui ne le reçoivent pas et qui devraient le recevoir».

«Ce qu’on dit à Revenu Québec: revoyez vos façons de faire!», a-t-il tranché.

Il reproche par ailleurs au ministère des Finances de ne pas avoir suffisamment examiné les divers scénarios disponibles, lors de la création du crédit d’impôt en 2011, avant de définir son mode de gestion.

De plus, le système informatique (coût 33,8 millions $) ne répond pas aux besoins, tandis que Revenu Québec ne fait pas le suivi adéquat des coûts de gestion du crédit d’impôt, qui ont excédé de 3 millions $ les prévisions.

Le vérificateur s’interroge aussi sur l’explosion des coûts d’administration de ce programme. Pour gérer les trois anciens crédits d’impôt, 14 personnes suffisaient, encadrées par un budget évalué au total à 493 000 $. Le nouveau crédit d’impôt solidarité est administré par 192 personnes et occasionne des coûts directs de 14 millions $.

Dans une perspective plus large, M. Samson, qui est en poste sur une base intérimaire depuis maintenant trois ans, a exprimé son malaise quant à son statut précaire, en conférence de presse. Il a réaffirmé qu’il serait «souhaitable» que sa situation soit «régularisée» le plus rapidement possible.

C’est l’Assemblée nationale qui nomme le vérificateur général sur recommandation du gouvernement, qui ne semble pas pressé d’agir, se disant «en réflexion» chaque fois que la question est posée.

Dans son rapport, M. Samson a pris soin de noter par ailleurs qu’il n’était pas indifférent au processus d’assainissement des finances publiques présentement en cours au gouvernement.

De son plein gré, il dit accepter de contribuer à l’effort collectif, même si son organisme, qui relève de l’Assemblée nationale, ne fait pas partie des ministères et organismes visés par le processus de compressions entrepris par Québec.

La masse salariale dont dispose le bureau du vérificateur général sera donc amputée «de notre propre chef» de 2 pour cent et les dépenses de fonctionnement diminuées de 3 pour cent, pour l’exercice 2014-2015.

A Dakar, au Sénégal, où il assiste au Sommet de la Francophonie, le premier ministre Philippe Couillard a convenu que les sommes en cause n’étaient pas à négliger, surtout au moment où le gouvernement est à assainir les finances publiques en procédant à diverses compressions.

«Les chiffres qu’il mentionne sont importants», a-t-il dit en point de presse, peu après son arrivée à Dakar, reconnaissant qu’«on n’est pas à l’époque où on peut se permettre de dépenser plus que ce qui est prévu pour un programme».

«On va regarder ça de très près», a-t-il ajouté.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, s’est engagé quant à lui à «corriger la situation». Il a mis sur pied un comité de travail chargé d’identifier les moyens susceptibles d’améliorer la gestion du crédit d’impôt solidaire.

À la Coalition avenir Québec (CAQ), on demande au gouvernement «d’assurer un suivi rigoureux» des recommandations du vérificateur, a commenté le député de Groulx, Claude Surprenant.

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