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Turcotte peut rester en liberté d'ici à son procès

MONTRÉAL – Guy Turcotte pourra demeurer en liberté en attendant son deuxième procès pour le meurtre de ses deux enfants: la Cour d’appel vient de rejeter la demande de la Couronne, qui voulait qu’il demeure incarcéré.

En septembre dernier, le juge André Vincent, de la Cour supérieure, a autorisé la remise en liberté de l’ex-cardiologue, jugeant qu’il ne représentait plus un danger pour son ex-conjointe et pour la société en général. De plus, selon lui, un «public raisonnablement informé» des tenants et des aboutissants de la cause ne serait pas choqué par cette décision.

Insatisfaite de ce jugement, la Couronne l’a porté en appel. Elle a plaidé que cette décision pourrait miner la confiance du public envers l’administration de la justice. Il s’agit là d’un motif qui permet de refuser une demande de remise en liberté.

Mais mercredi, la Cour d’appel a rejeté toutes ses prétentions. Selon le banc de trois juges, la décision du juge Vincent est bien fondée et la demande de la Couronne est «sans valeur».

La Couronne avait plaidé que le juge Vincent avait utilisé un critère trop élevé en évaluant ce qu’est un «public raisonnable», le traitant comme si ce public était composé uniquement d’avocats.

Les procureurs du ministère public ont ainsi déposé plusieurs articles de journaux publiés après la libération de Guy Turcotte, alléguant que certains d’entre eux — ceux qui déploraient la libération de l’homme — représentaient la «réelle opinion du public».

La Cour d’appel a rejeté tous les arguments des avocats de la Couronne.

Selon elle, le juge Vincent s’est appuyé sur des jugements qui réfèrent au bon critère de public, «c’est-à-dire un public en mesure de se former une opinion éclairée, en pleine connaissance de la cause et du droit applicable et qui n’est pas mû par la passion mais par la raison».

Quant à une preuve qui serait faite avec des articles de journaux, comme l’a tenté ici la Couronne, la Cour d’appel a qualifié cette méthode de «dangereuse».

Elle souligne que les articles déposés présentent des «opinions diverses, plus ou moins nuancées et plus ou moins superficielles, que plusieurs exposent des faits inexacts ou ne rapportent pas ceux qui sont essentiels et que certaines opinions attisent la colère et dénaturent le débat».

Bref, la Cour refuse entièrement cette façon de procéder. «Cela laisserait à l’humeur des opinions un rôle que le législateur a confié au juge», tranche-t-elle.

«Certains se demandent dans quelle situation une remise en liberté sera refusée si elle ne l’est pas dans le cas de l’intimé (Turcotte), écrit la Cour. Il n’y a pas de réponse universelle à cette question, sinon que l’accusé qui présente un risque pour la sécurité ou la protection du public ne sera pas mis en liberté et que l’accusé dont on craint qu’il s’esquive de son procès ne le sera pas davantage».

Guy Turcotte aura un nouveau procès en septembre 2015. En 2011, il avait été déclaré non criminellement responsable du meurtre de ses enfants Olivier et Anne-Sophie, à l’issue d’un premier procès. Il avait été traité pendant un certain temps à l’institut psychiatrique Philippe-Pinel de Montréal, puis a été remis en liberté.

Il a été incarcéré à nouveau lorsque la tenue d’un deuxième procès a été ordonnée par la Cour d’appel en 2013, mais a été libéré provisoirement en septembre, avec de nombreuses conditions et restrictions.

La Couronne dit prendre acte de la décision de la Cour d’appel. Selon son porte-parole Jean Pascal Boucher, la décision sera analysée avec attention pour voir s’il y a lieu, ou pas, de demander à la Cour suprême du Canada de se pencher sur cette affaire.

Les avocats de Guy Turcotte n’ont pas retourné les appels de La Presse Canadienne.

Quant au sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui suit l’affaire de près, il a fait savoir sa déception face à cette décision.

«Je pense que la Cour d’appel avait l’occasion de préciser dans quelles circonstances une décision de la cour mine la confiance du public dans le système de justice. Elle ne l’a pas fait et c’est décevant. La population souhaite comprendre les motifs qui guident la justice dans certaines de ses décisions. C’est avec un tel objectif pédagogique que la justice sera mieux comprise et mieux acceptée par l’opinion publique», a-t-il écrit dans un communiqué diffusé mercredi.

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