Soutenez

Le Canada a répondu présent dans les conflits contre l’ÉI et contre Moscou

OTTAWA – Il est bien possible que 2014 demeure l’année au cours de laquelle le Canada a remplacé un conflit armé par deux autres.

L’unifolié venait à peine d’être descendu du mât de la base canadienne en Afghanistan, après une présence militaire de 12 ans dans ce pays, que déjà des CF-18 décollaient de Bagotville et de Cold Lake pour aller combattre en Irak des militants du groupe armé État islamique (ÉI). Mais cette offensive a aussi coïncidé avec la crise en Ukraine, gracieuseté de Vladimir Poutine. Ces deux conflits sont sortis de nulle part, avec leur lot de foi ou de nationalisme exacerbés, et d’actes horribles captés sur des vidéos à glacer le sang.

Mais l’un de ces conflits s’est aussi invité en sol canadien, les 20 et 22 octobre, alors que deux militaires étaient tués, d’abord à Saint-Jean-sur-Richelieu puis à Ottawa. Les deux assassins, des djihadistes en herbe, avaient bien peu de liens avec le groupe ÉI, mais les militants de ce groupe islamiste ont tôt fait de revendiquer une parenté avec les deux jeunes Canadiens. De même, le gouvernement Harper a immédiatement lié les deux attentats au terrorisme international.

Dans une entrevue de fin d’année accordée de Bruxelles à La Presse Canadienne, le général de l’armée de l’air américaine Philip Breedlove, à la tête du commandement suprême des forces de l’OTAN, a soutenu que le monde est maintenant moins stable et potentiellement plus dangereux, notamment parce que la Russie dispose de l’arme nucléaire. D’autres estiment même que le monde est au bord d’une nouvelle «guerre froide».

Au plus fort de la crise ukrainienne, le gouvernement Harper avait été prompt à déployer des avions de combat CF-18 pour patrouiller l’espace aérien au-dessus des pays baltes. Il a aussi dérouté le NCSM Toronto pour qu’il se joigne aux forces de l’OTAN qui patrouillent la mer Noire au large de l’Ukraine.

Le groupe armé État islamique, lui, représente une menace différente, à plus long terme, pour le monde, une menace que l’Occident tente encore d’appréhender. «Il sera ardu de remporter cette bataille tant que nous ne nous attaquerons pas aux causes profondes de l’islamisme», a estimé le général Breedlove. Une analyse qui rejoint d’ailleurs celle du chef libéral Justin Trudeau, qui lui avait occasionné de sévères critiques de ses adversaires conservateurs.

Poutine

Mais c’est l’affrontement entre l’Occident et la Russie qui préoccupe le plus le général américain de 59 ans. «Si on ne peut plus compter sur Moscou comme partenaire — et si ce conflit ne peut être résolu —, alors on fait face à un enjeu existentiel, à cause du type d’armement que possède la Russie.»

Son analyse semble polie si on la compare à celle de certains universitaires et politiciens en Pologne et dans les États baltes, qui croient que l’objectif à long terme de Vladimir Poutine est de détruire la crédibilité de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, en démontrant à la face du monde que l’OTAN ne fera pas usage de la force, quelle que soit la provocation.

Ce sentiment n’est certes pas contredit par les propos de parlementaires russes comme Vyacheslav Nikonov, qui soutenait au Financial Times en octobre dernier que la crise en Ukraine «constitue le plus dangereux épisode dans les relations entre la Russie et l’Occident depuis la crise des missiles cubains» en 1962, qui avait presque précipité dans une guerre nucléaire Washington et Moscou — et le monde entier avec eux.

L’analyste canadien George Petrolekas, colonel à la retraite, avançait récemment que la chute des prix du pétrole, accélérée par l’Arabie saoudite, avait fait plus pour freiner les ardeurs de la Russie que tout ce que l’Occident a déployé — particulièrement l’OTAN — depuis le début de la crise en Ukraine l’hiver dernier.

Le lieutenant-général Jonathan Vance, à la tête depuis septembre du Commandement des opérations interarmées du Canada, soutient de son côté que les conflits du 21e siècle se jouent à l’extérieur de la sphère militaire. Le défi, maintenant — et particulièrement en Russie — est d’éviter la «stratégie de la corde raide», où les dangers de prix du pétrole très bas et les sanctions créent finalement une énorme instabilité, estime-t-il.

«La réaction du Canada et de ses alliés de l’OTAN face aux gestes de la Russie était mesurée. Je crois qu’il est rarement utile de déstabiliser davantage une situation: nous préférons habituellement améliorer la situation», soutient le grand responsable de tous les militaires déployés au Canada et à l’étranger, notamment au Moyen-Orient.

Et la participation canadienne aux opérations de la coalition menée par les États-Unis dans cette région du globe occupe davantage l’attention du lieutenant-général Vance pour l’instant, et continuera encore jusqu’en 2015, alors que le gouvernement Harper devra décider s’il prolonge après avril la mission de six mois des CF-18 canadiens.

Le commandement américain a prévenu que la guerre contre les extrémistes, en utilisant les forces terrestres en Irak et les rebelles en Syrie, pourrait durer jusqu’à trois ans. La prochaine phase de cette campagne devrait comprendre l’entraînement des militaires en Irak, l’an prochain. Et le Canada est déjà engagé dans cette phase, avec son contingent de la «force spéciale» déployé auprès des Kurdes à Irbil, a indiqué le lieutenant-général Vance.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.