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Places fantômes en garderie: le flou demeure

QUÉBEC – Les parents qui ont réussi à décrocher une place subventionnée en garderie, mais qui n’en profitent pas à temps plein, doivent s’attendre à la possibilité de recevoir une facture du gouvernement du Québec.

La ministre de la Famille, Francine Charbonneau, qui a assimilé cette pratique à une «fraude», est partie à la chasse aux «places fantômes» et soutient que les parents vont devoir assumer leurs responsabilités. Cela pourrait vouloir dire payer une amende.

Mais elle maintient le flou sur l’importance des pénalités financières que devront assumer les parents jugés coupables de laisser vacante la place occupée par leur enfant quelques jours par semaine, alors que Québec finance cette place à temps complet.

Sa position ambigüe ne contribuera en rien à apaiser les tensions existantes entre le gouvernement et le milieu des garderies, qui rejette catégoriquement l’idée même d’imposer une amende aux parents qui sous-utilisent leur place dans une garderie subventionnée ou un Centre de la petite enfance (CPE).

Mme Charbonneau a entrepris jeudi une consultation sur son projet de loi 27, déposé en novembre et qui vise notamment à contrer le phénomène des places subventionnées sur une base de cinq jours par semaine, mais utilisées à temps partiel.

Le projet de loi semble faire l’unanimité contre lui.

Dès le dépôt de son projet de loi en novembre, l’intention gouvernementale de mettre à l’amende les parents jugés délinquants avait soulevé un tollé.

Les amendes pouvaient aller jusqu’à 3600 $ pour les parents, soit l’équivalent de trois mois de subvention gouvernementale. L’amende serait moindre, entre 250 $ et 1000 $ pour l’administration d’une garderie fautive.

Deux jours après la présentation de son projet, la ministre Charbonneau avait reculé, en disant que ce volet du projet de loi serait réévalué.

Mais jeudi, en point de presse, juste avant le début de la consultation, la ministre s’est contentée de faire valoir qu’elle voulait écouter les intervenants, refusant de se commettre sur les modifications éventuelles apportées à sa législation.

Chose certaine, le principe à la base du projet, soit la responsabilité des parents, sera maintenu intact, a-t-elle affirmé. Les parents d’enfants «fantômes» doivent donc s’attendre à être pénalisés, d’une façon ou d’une autre.

«On est toujours sur le principe des responsabilités», a-t-elle convenu.

Plus tard, en commission parlementaire, elle a avoué qu’elle n’avait «pas beaucoup de suggestions» à formuler pour améliorer son projet de loi.

Premier regroupement à témoigner devant la ministre, l’Association québécoise des CPE (AQCPE) est venue rappeler son opposition farouche au principe même des sanctions imposées aux parents.

«On vient rétablir les faits», a plaidé le président de l’AQCPE, Louis Sénécal, en point de presse, en disant être venu pour «décrier la question des sanctions aux parents», qui apparaît toujours dans le projet de loi 27.

La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a dit juger que le projet de loi 27 n’était pas «la réponse appropriée à un problème complexe». Elle a émis des «doutes sérieux» quant à l’impact du projet de loi pour accroître l’accessibilité au réseau de services de garde. Les moyens choisis ne sont tout simplement pas les bons, selon elle.

La présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Julie Miville-Dechêne, a demandé à la ministre d’augmenter le nombre de places à temps partiel. Pénaliser les parents qui n’utilisent pas une place tous les jours n’est certainement «pas la voie à suivre», a-t-elle fait valoir, jugeant le système actuel trop rigide.

Elle a contesté les calculs faits par la commission de révision permanente des programmes, qui concluait que Québec avait déboursé l’an passé 280 millions $ en trop pour financer des places fantômes. Selon elle, ces calculs ne reposent pas sur «de véritables chiffres sur lesquels on peut se baser».

«Est-ce qu’on va envoyer des garderies-macoutes faire des décomptes?», a demandé la présidente du CSF.

Le député péquiste de Terrebonne, Mathieu Traversy, a demandé également à la ministre de renoncer clairement aux sanctions: «Pourquoi entretenir ce flou sur les sanctions et sur les nouvelles façons de faire de son ministère? Le projet de loi 27 est improvisé et ne s’attaque pas aux vrais problèmes, qui sont la rareté des places et le manque de souplesse dans l’offre de services de garde.»

Du même souffle, Québec solidaire a exigé que la ministre renonce à imposer des pénalités financières aux familles.

La directrice générale du Conseil québécois des services de garde éducatifs à l’enfance, Francine Lessard, a renchéri pour estimer qu’un parent «ne devrait pas être sanctionné» parce qu’il n’est pas vraiment informé par le gouvernement du financement du réseau.

L’Association des garderies privées du Québec s’est elle aussi prononcée «farouchement contre» le projet de loi 27, en raison des sanctions prévues, et «parce qu’il ne tient pas compte du bien-être de l’enfant», du côté humain du service fourni, a plaidé la vice-présidente, Mona Lisa Borrega.

La subvention gouvernementale atteint 60 $ par jour, par enfant, qu’il soit présent ou non au service de garde sur une base régulière.

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