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John Baird: départ d'un ministre «coriace»

OTTAWA – Les parlementaires ont salué mardi la contribution politique d’un adversaire «coriace» mais «charismatique» en apprenant la démission inopinée du ministre fédéral des Affaires étrangères, John Baird.

Les banquettes de la Chambre des communes étaient moins clairsemées qu’à l’habitude en matinée pour entendre M. Baird annoncer officiellement qu’il renonçait à ses fonctions de ministre et qu’il délaissait son poste de député de la circonscription ontarienne d’Ottawa-Nepean.

Dans un discours au ton optimiste prononcé exclusivement en anglais, il a soutenu que le Canada pouvait désormais se targuer d’avoir une posture enviable sur la scène internationale grâce à la politique étrangère du gouvernement Harper.

«Je suis incroyablement optimiste pour l’avenir de ce pays. Optimiste, car au cours des neuf dernières années, j’ai vu la stature de notre pays grandir aux yeux du monde», a-t-il affirmé en ouverture de son allocution.

Car le Canada «se tient debout» aux côtés de ses alliés, notamment Israël, et participe à la lutte contre le terrorisme et «l’expansionnisme en Europe de l’Est» en plus d’entretenir des «liens commerciaux solides qui permettront d’assurer une prospérité durable pour les générations futures», a exposé M. Baird.

Le teigneux député ontarien, qui se privait rarement d’une occasion d’enguirlander ses adversaires pendant la période des questions aux Communes, a dit mardi avoir appris au fil des ans à mettre de côté la partisanerie pour faire avancer les dossiers politiques.

Il en aura piloté une kyrielle pendant son aventure politique, qui a débuté à l’âge de 25 ans avec son élection à titre de député conservateur en Ontario, sous la houlette de l’ancien premier ministre provincial Mike Harris.

Il y sera demeuré dix ans avant de faire le saut en politique fédérale, passant la décennie suivante à s’imposer comme l’un des plus influents collaborateurs de Stephen Harper, héritant d’un portefeuille prestigieux après l’autre.

Le ministre démissionnaire a annoncé son départ au premier ministre lundi soir, mais il avait pris la décision de jeter l’éponge il y a une dizaine de jours, selon une source gouvernementale.

Après une vingtaine d’années passées en politique, John Baird se recyclera vraisemblablement dans le secteur privé — il étudie actuellement ses options, mais il n’y a rien d’officiel à annoncer pour l’instant, a précisé cette même source.

En coulisses, on murmure que le ministre réfléchissait à son avenir politique depuis un bon moment et on identifie le décès de l’ex-ministre des Finances Jim Flaherty, en avril dernier, comme l’un des catalyseurs de cette réflexion.

Ce départ inopiné n’a rien à voir avec une querelle avec le premier ministre ou son entourage, ont assuré plusieurs députés et sources conservatrices.

John Baird a en outre réitéré son soutien à l’endroit de M. Harper pendant sa prise de parole aux Communes, disant considérer le dirigeant comme un «ami» et un «mentor», et assurant les troupes conservatrices de son soutien pendant la campagne électorale qui se profile à l’horizon.

Le premier ministre a réagi au départ de son ministre par voie de communiqué, déclarant avoir accepté «avec beaucoup de regret» la démission de «l’un des meilleurs ministres» avec qui il a eu «le privilège de travailler».

Il s’agit d’une grosse perte pour le gouvernement, ont reconnu, tous partis confondus, les élus croisés mardi au foyer des Communes.

«John, c’est un joueur-clé, donc c’est sûr que ça va laisser un trou. On ne peut pas faire comme si de rien n’était», a laissé tomber en mêlée de presse le ministre du Développement international et de la Francophonie, Christian Paradis.

«Ça laisse quand même de gros souliers à chausser, c’est quelqu’un de très haut calibre, de très respecté», a-t-il ajouté.

La démission de l’un des ténors du gouvernement tombe par ailleurs à un moment où Ottawa est très actif sur la scène internationale.

«C’est certainement une période délicate avec tout ce qui se passe ces jours-ci en Ukraine, au Moyen-Orient et à travers le monde», a lâché le porte-parole libéral en matière d’affaires étrangères, Marc Garneau.

Les députés de l’opposition n’ont pas voulu se prononcer dans les détails sur l’héritage que laissera derrière lui M. Baird, entre autres reconnu pour ses prises de position sans compromis en faveur de l’État hébreu et de ses déclarations vitrioliques sur les velléités «militaristes» du président russe Vladimir Poutine.

La plupart d’entre eux ont préféré emprunter la voie diplomatique, mardi matin.

«J’étais loin d’être d’accord avec l’ensemble de la politique étrangère sous le ministre Baird, mais en même temps, le ministre Baird, c’était quelqu’un avec qui on pouvait ne pas être d’accord, mais parler et même rigoler parfois», a offert la néo-démocrate Hélène Laverdière, porte-parole adjointe en matière d’affaires étrangères.

On peut remettre en question les objectifs poursuivis par le gouvernement Harper en ce qui a trait à la politique extérieure canadienne, mais il est difficile de nier que M. Baird les a portés avec brio et «robustesse», fait remarquer Philippe Lagassé, professeur agrégé d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa.

«Il a vraiment mis l’accent sur l’idée d’une politique étrangère plus prononcée, plus catégorique. Il faisait des distinctions claires et nettes entre adversaire et ami, entre bon et mal», a illustré le politologue en entrevue téléphonique.

«C’est un ministre qui a vraiment voulu abandonner les nuances que l’on retrouvait dans les politiques étrangères des gouvernements libéraux», a-t-il poursuivi, plaidant que la rupture entre les dernières administrations fédérales s’était surtout opérée dans le ton, mais pas forcément au chapitre des politiques.

Le départ de John Baird à la barre du ministère des Affaires étrangères est effectif immédiatement, mais il quittera ses fonctions de député «dans les semaines à venir», selon ce que le principal intéressé a annoncé en Chambre.

Le ministre du Commerce international, Ed Fast, prendra le relais sur une base intérimaire en attendant la nomination d’un successeur.

Le bureau du premier ministre n’a pas voulu annoncer à quel moment un nouveau ministre des Affaires étrangères serait choisi et assermenté.

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