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ÉI: les partis en désaccord sur le rôle que devraient jouer les soldats

OTTAWA – S’il y a une chose sur laquelle s’entendent les partis fédéraux à Ottawa, c’est qu’ils ne s’entendent pas sur le rôle que devraient jouer les soldats canadiens pour contrer le groupe armé État islamique (ÉI).

Les conservateurs ont défendu bec et ongles jeudi aux Communes leur motion prévoyant une campagne militaire de bombardements aériens en Syrie et le prolongement d’un an de la présence des troupes dans la région.

Leur discours ne convainc aucunement le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui veut rapatrier «dès que possible» les militaires prenant part à la mission contre l’ÉI — mais la motion néo-démocrate réclamant ce retrait, elle, ne réussit pas à persuader les libéraux.

Pour le gouvernement Harper, cependant, l’affaire est entendue: les militaires canadiens doivent combattre l’ÉI, un groupe qui a en horreur les valeurs du Canada et qui commet des atrocités de nature génocidaire.

L’intensité déployée par les conservateurs pour défendre cette position est telle que l’un des deux ministres porteurs du dossier, Rob Nicholson, aux Affaires étrangères, se met parfois le pied dans la bouche dans des élans d’enthousiasme.

Cela s’est produit lors du débat en Chambre, jeudi, alors qu’il a affirmé que le Canada s’impliquait pour soutenir non seulement l’Irak, mais également la Syrie.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, a bondi en entendant cette déclaration et a demandé au chef de la diplomatie canadienne de clarifier ses propos.

Mais après avoir martelé qu’il était «très clair» que le gouvernement Harper ne soutenait pas le régime du président syrien Bachar el-Assad, il s’est enlisé encore davantage.

«Par contre, la population innocente en Syrie et nos alliés en Syrie ont besoin de l’appui de la coalition», a-t-il lâché.

Invité à préciser ce que le ministre voulait dire par «alliés en Syrie», en fin de journée, jeudi, son bureau a commencé par dire qu’il parlait du peuple syrien pour ensuite dire, quelques minutes après, qu’il parlait finalement des membres de la coalition qui bombardent en territoire syrien.

Ces explications ne satisfont pas Mme May, selon qui le «discours confus» de M. Nicholson témoigne de sa «méconnaissance» du dossier.

«Si le Canada veut intervenir militairement dans une situation aussi complexe que celle de la Syrie, il devrait au moins comprendre quelles pourraient en être les conséquences», a-t-elle laissé tomber en entrevue avec La Presse Canadienne.

Les propos n’ont rien pour rassurer le NPD non plus, qui a accusé le gouvernement Harper de «tomber dans le piège» de Bachar el-Assad en décidant d’intervenir sur son territoire.

Le parti a donc déposé jeudi une motion demandant au gouvernement «de mettre fin à la participation des troupes des Forces canadiennes au combat, aux bombardements et à la formation de conseil et d’assistance en Irak et en Syrie dès que possible».

La démarche a évidemment peu de chances de réussite, puisque les conservateurs détiennent la majorité en Chambre et que les ténors du gouvernement ont clairement témoigné de leur volonté d’aller de l’avant avec le prolongement d’un an de la mission et son expansion en Syrie.

Le Parti libéral, qui s’oppose à la mission en Syrie, ne présentera pas d’amendements, a-t-on signalé du côté de la formation politique.

Et ses députés ne voteront pas en faveur de la motion qui a été mise de l’avant par les néo-démocrates, puisqu’elle exclut les rôles de formation pour les forces canadiennes, a expliqué Mylène Dupéré, la directrice des communications de Justin Trudeau.

«Contrairement au NPD, nous croyons que le Canada a un intérêt évident à former et à équiper les forces irakiennes dans le but de combattre et d’anéantir l’État islamique», a-t-elle expliqué dans un courriel.

«Nous pouvons et nous devrions dispenser cette formation loin des lignes de front, comme l’ont fait nos alliés», a complété Mme Dupéré.

Le député libéral Irwin Cotler, par contre, s’abstiendra de voter, comme il l’avait fait lors de la motion initiale d’une durée de six mois en octobre dernier.

Il a expliqué dans une déclaration écrite que cela équivaudrait à cautionner le régime de Bachar el-Assad, sous qui un soulèvement populaire s’est transformé en une guerre civile ayant fait plus de 200 000 victimes au cours des quatre dernières années.

«Je demeure incapable de soutenir le gouvernement dans ce dossier, parce que son projet d’expansion de la mission du Canada continue de permettre à Assad d’agresser les civils syriens en toute impunité», explique le député montréalais.

En vertu de la motion présentée par le premier ministre Stephen Harper, les CF-18 des Forces armées canadiennes commenceront à mener des frappes aériennes en Syrie, et ce, sans attendre de «consentement explicite» du président El-Assad.

Le gouvernement Harper a invoqué le droit à l’autodéfense pour justifier la légalité de ces bombardements en matière de droit international.

Le ministre Kenney a soutenu mercredi en point de presse que les opérations militaires en Syrie étaient «justifiées en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies, précisément en ce qui a trait au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective».

L’enjeu de la légalité de l’intervention en territoire syrien a enflammé la période des questions aux Communes et mené à de vigoureux échanges entre le premier ministre Harper et le chef du NPD, Thomas Mulcair.

Le chef conservateur a suscité l’ire des néo-démocrates mercredi en faisant une remarque qui a été interprétée comme un signe de mépris à l’égard du droit international.

«Je ne suis pas certain de comprendre ce que le chef du NPD veut dire. S’il suggère qu’il existe un risque juridique significatif que des avocats de l’État islamique puissent traîner le Canada devant les tribunaux et avoir gain de cause, la position du gouvernement est que les risques que cela ne se produise sont négligeables», a offert M. Harper en réponse à une question de son adversaire.

M. Mulcair a bondi de son siège et s’est dit abasourdi de constater que l’on vivait «dans un Canada où ce genre d’idiotie tient lieu d’argument».

Il a ensuite martelé: «Le premier ministre du Canada se croit au-dessus des lois internationales, mais il ne l’est pas. Le Canada ne l’est pas non plus, d’ailleurs».

Le vote sur la motion et les amendements doivent avoir lieu lundi aux Communes.

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