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Armes à feu: un registre québécois peu importe la décision?

OTTAWA – Le gouvernement québécois devrait se doter d’un registre des armes à feu peu importe la décision que rendra vendredi la Cour suprême du Canada, mais la rapidité de sa mise sur pied pourrait dépendre du jugement, indique-t-on du côté de Québec.

Au ministère québécois de la Sécurité publique, l’attaché de presse de la ministre Lise Thériault — qui n’a pas voulu accorder d’entrevue avant la décision qui tombera vendredi matin — a affirmé que l’intention du gouvernement était d’agir rapidement.

«On s’est arrangé pour être capable de bouger le plus vite possible», a dit Jean-Philippe Guay à La Presse Canadienne en début de journée, jeudi, insistant néanmoins sur le fait que même si Québec a gain de cause, «on ne sait pas dans quel état seront les données».

Du côté du bureau du premier ministre Philippe Couillard, on a semblé vouloir se montrer plus réservé en ce jour de dépôt du budget.

Après avoir initialement décliné de réitérer l’engagement du chef libéral à implanter un registre québécois en plaidant que le ministère de la Sécurité publique s’était prononcé, son attaché de presse, Harold Fortin, a écrit que M. Couillard avait «déjà affirmé» que le Québec «veut» le faire.

«L’objectif pour nous est de donner les outils appropriés aux policiers pour faire leur travail. Nous attendons la décision de la Cour suprême avant de faire d’autres commentaires sur le sujet», a-t-il écrit sans faire référence nommément à un registre.

L’Assemblée nationale a adopté le 8 octobre dernier une motion unanime pour «exprimer clairement son intention de maintenir un registre des armes au Québec, conformément à l’approche québécoise qui préconise la prévention en s’appuyant sur l’expérience et sur la science».

Ce même jour, après avoir plaidé sa cause devant le plus haut tribunal au pays, le procureur du gouvernement provincial affirmait que le Québec serait prêt à implanter son propre registre des armes à feu en l’espace «d’environ 45 jours».

Me Éric Dufour avait expliqué aux journalistes que tout était en place pour une mise sur pied rapide d’un registre des armes québécois — les locaux pour le personnel étaient déjà prévus et des simulations informatiques avaient été effectuées, avait-il souligné.

L’ancien ministre péquiste de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, croit lui aussi que tout devrait se dérouler rondement une fois que le plus haut tribunal au pays aura tranché.

Le député de Verchères rappelle d’ailleurs que le gouvernement de Pauline Marois avait déposé en février 2013 un projet de loi sur l’enregistrement des armes à feu qui avait suscité l’adhésion de l’ensemble des partis représentés à l’Assemblée nationale.

La mesure législative était morte au feuilleton avec le déclenchement des élections, en mars 2014, mais le gouvernement de Philippe Couillard a désormais le loisir de s’en inspirer pour en présenter un nouveau, a-t-il fait remarquer en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

«Techniquement, ils pourraient partir, si tel était leur désir, de ce projet de loi», a signalé M. Bergeron à l’autre bout du fil, jeudi.

Du côté d’Ottawa, depuis le début de cette saga, le gouvernement conservateur a exprimé à plusieurs reprises sa désapprobation face au maintien d’un registre des armes d’épaule au Québec.

Le porte-parole du ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, a confirmé de nouveau la méfiance qu’entretient le gouvernement Harper face à ces créatures.

«Nous nous sommes toujours opposés au registre des armes de chasse, une mesure inutile et inefficace, qui n’a rien fait pour protéger les Canadiens», a écrit Jean-Christophe de le Rue dans un courriel, jeudi.

«Il serait hasardeux pour nos corps policiers de s’appuyer sur des informations périmées et désuètes pour mener leurs opérations», a-t-il complété.

Les deux partis d’opposition déplorent l’attitude d’Ottawa dans ce dossier.

La porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de justice, Françoise Boivin, a accusé jeudi les troupes du premier ministre Stephen Harper d’agir comme «une gang de gros bébés».

«Ils disent: ‘Moi je le veux pas, pis toi tu l’auras pas’», a-t-elle lancé en point de presse avant son entrée à la Chambre des communes, en après-midi.

«Il me semble que ça jure tellement avec le fameux discours de fédéralisme coopératif du premier ministre en 2006 à Québec. Tout ce qu’il a fait, c’est démontrer comment ils sont fermés», a ajouté Mme Boivin.

Le député libéral Stéphane Dion a pour sa part formulé le souhait que «la bonne marche du fédéralisme va prévaloir».

Selon lui, l’idée que le gouvernement conservateur veuille détruire des données que le gouvernement québécois réclame est «inacceptable» et serait une démonstration de «mauvais fédéralisme».

La Cour suprême tranchera vendredi matin dans le litige opposant les deux ordres de gouvernement depuis que le fédéral a adopté la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule, en 2012.

Le gouvernement provincial avait aussitôt contesté la loi en cour pour préserver la partie du registre portant sur les propriétaires d’armes québécois, et le tout s’est rendu jusqu’en Cour suprême.

En septembre 2012, une décision de la Cour supérieure du Québec donnait raison à la province, mais elle a été renversée par la Cour d’appel.

En novembre 2013, la Cour suprême a accepté d’entendre l’appel de Québec et a ordonné que les enregistrements fédéraux soient préservés jusqu’à ce qu’elle rende une décision.

Lors des audiences devant le plus haut tribunal au pays, en octobre dernier, le procureur du gouvernement fédéral, Me Claude Joyal, a fait valoir que la Constitution permettait à Ottawa d’agir unilatéralement dans ce dossier.

«Ce n’est peut-être pas une position sympathique, mais il n’en demeure pas moins que sur le plan juridique, le registre des armes d’épaules est sous le contrôle du directeur en vertu d’une loi fédérale et que le Parlement a choisi de le détruire», a-t-il affirmé.

Le représentant du gouvernement québécois avait pour sa part plaidé que la décision unilatérale de détruire les données du registre était «contraire au fédéralisme».

La ministre Thériault et son homologue au fédéral doivent tous les deux réagir au jugement de la Cour suprême vendredi, ont confirmé leurs attachés de presse respectifs.

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