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Garde: ceux qui dépensent moins plus avantagés

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Mélanie Marquis - La Presse Canadienne

OTTAWA – Le gouvernement Harper semble contourner l’esprit de sa loi sur la prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE), qui visait à aider les familles «à faire des choix» en cette matière.

Selon un nouveau rapport du directeur parlementaire du budget (DPB), ce sont les familles qui consacrent le moins d’argent aux frais de garde d’enfants qui seront les plus avantagées par les bonifications récentes à la PUGE.

Des familles qui, donc, n’ont pas à faire de choix.

«Ce qu’on constate, c’est que les familles qui n’ont aucune dépense pour les frais de garde obtiennent une augmentation d’environ 1,2 pour cent de leur revenu net grâce à ce nouveau programme», a résumé mardi en point de presse Mostafa Askari, le DPB adjoint.

«C’est plus élevé par rapport à ce qu’obtiennent les autres familles», a-t-il poursuivi.

Les conservateurs ont annoncé en octobre dernier une bonification de l’actuelle prestation mensuelle, la faisant passer de 100 $ à 160 $, ainsi que l’instauration d’une nouvelle prestation de 60 $ par mois pour les enfants âgés de six à 17 ans, qui n’y étaient auparavant pas admissibles.

C’est l’expansion du programme qui engendre une distorsion des visées législatives et une forme de déséquilibre — car plus un enfant vieillit, plus les dépenses en matière de frais de garde diminuent.

En vertu de cette nouvelle proposition, les familles ayant des enfants de 13 ans et plus toucheront des prestations huit fois plus importantes par rapport au montant réel de leur facture pour les frais de garde, a illustré le DPB, Jean-Denis Fréchette.

Ces familles verront leur part du gâteau passer de 34 pour cent en 2013-2014 à 51 pour cent en 2015-2016, est-il précisé dans le rapport produit par l’agent indépendant du Parlement.

Quant à celles dont les enfants sont âgés de moins de 13 ans et ont des frais de garde, elles auront droit à 49 pour cent des prestations fédérales en 2015-2016, soit moins qu’en 2013-2014, où leur part était à environ 66 pour cent, selon le DPB.

Mais cela n’enlève rien au fait que toutes les familles qui ont des enfants âgés jusqu’à 18 ans bénéficieront des bonifications à la PUGE, a tenu à souligner l’équipe de M. Fréchette.

Et au Québec, cette majoration permettra à certaines d’entre elles d’absorber les hausses prévues aux tarifs dans les services de garde.

«C’est évident qu’avec une politique fédérale comme celle-ci, les familles vont transférer cet argent-là vers leurs frais de garde qui vont être plus élevés au Québec», a analysé M. Fréchette.

«D’une certaine façon, ça vient compenser», a-t-il poursuivi.

Le ministre du Développement social, Pierre Poilievre, qui a déposé vendredi dernier un projet de loi prévoyant la mise en oeuvre de ces mesures, soutient en outre que les Canadiens réclament et apprécient ces prestations — peu importe si elles respectent l’esprit de la loi ou pas.

«Les enfants de six ans ou plus nécessitent certains coûts aussi, et le gouvernement Harper veut mettre l’argent directement dans les poches des parents pour aider avec ces coûts», a-t-il plaidé en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

«C’est toujours un défi de payer les factures pour les parents ayant des enfants de tous les âges», a poursuivi le ministre Poilievre, accusant au passage les deux partis d’opposition de vouloir annuler ces mesures.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est engagé dans le passé à maintenir la PUGE et a assuré mardi que cela n’avait pas changé, même si le chef de la formation, Thomas Mulcair, a critiqué ses modalités d’application en Chambre.

«Le rapport du DPB est cinglant: les familles qui n’ont pas recours aux garderies reçoivent plus que celles qui doivent payer des milliers de dollars par mois pour des services de garde», a-t-il tonné.

«Pourquoi les conservateurs dépensent-ils des milliards pour un programme de garde d’enfants qui ne garde pas les enfants?», a-t-il demandé pendant la période des questions, rappelant la promesse néo-démocrate de créer un réseau national de garderies.

De son côté, le chef libéral Justin Trudeau a refusé de clarifier la position de son parti sur la PUGE.

«On est en train de regarder dans notre projet de plateforme ce qu’on va faire ou ce qu’on ne va pas faire», s’est-il contenté d’offrir en point de presse dans le foyer des Communes.

«La priorité du Parti libéral, c’est d’aider les familles de la classe moyenne et tous ceux qui travaillent fort pour se joindre à la classe moyenne», a poursuivi M. Trudeau.

La question des prestations de frais de garde en est une délicate pour les libéraux, qui ont traîné comme un boulet pendant des années une remarque controversée à ce sujet.

«Ne donnez pas aux familles 25 dollars par jour pour qu’elles aillent le dépenser en bière et en popcorn, donnez-leur des places en garderie», avait lâché en 2005 Scott Reid, le directeur des communications de l’ex-premier ministre Paul Martin, en pleine campagne électorale.

On entend encore les mots «bière» et «popcorn» sortir des bouches conservatrices à la Chambre des communes quand vient le temps d’écorcher les libéraux.

Selon le DPB, Ottawa a dépensé environ 3,3 milliards $ en 2013-2014 pour l’ancienne mouture de la PUGE et la déduction pour frais de garde d’enfants (DFGE).

Les bonifications de la PUGE et de la DFGE porteront ces dépenses à 7,7 milliards $ environ en 2015-2016, évalue l’agent indépendant du Parlement.

Avec le fractionnement du revenu, la bonification et l’élargissement de la PUGE font partie du vaste plan fiscal que les troupes du premier ministre Stephen Harper ont ébauché à l’intention des familles en prévision des élections fixées au 19 octobre 2015.

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