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Laïcité: le débat reprend de plus belle à Québec

OTTAWA – Le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans le dossier de la prière à Saguenay a fait renaître de ses cendres le débat sur la laïcité — et le crucifix de l’Assemblée nationale — à Québec.

Les trois partis d’opposition sont d’avis que le jugement vient réaffirmer la nécessité, pour le gouvernement libéral de Philippe Couillard, de déposer un projet de loi sur la laïcité de l’État.

La décision du plus haut tribunal au pays «ne nous libère pas, comme élus, de notre responsabilité (…) d’inscrire la laïcité de nos institutions dans une loi», a martelé en point de presse le député Bernard Drainville, du Parti québécois (PQ).

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a tenu sensiblement le même discours, se montrant un peu plus cinglant à l’endroit du premier ministre Couillard.

«Tant que Philippe Couillard va avoir peur d’agir et va attendre, on va avoir toutes sortes de jugements et d’interprétations», a-t-il dit aux journalistes en point de presse.

«Il y a une urgence, là», a insisté M. Legault.

Après avoir réagi timidement en matinée, plaidant vouloir «analyser la portée du jugement» avant de «commenter et de faire une série de suppositions», la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, est passée à l’offensive en après-midi, s’en prenant à la défunte charte des valeurs du PQ.

Selon son analyse, «ce jugement-là nous confirme d’une certaine façon que la charte des valeurs allait à l’encontre (…) de ce principe de neutralité de l’État envers les citoyens qui reçoivent des services».

La controversée charte, qui était parrainée par M. Drainville, prévoyait notamment l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique.

La porte-parole du PQ en matière de laïcité, Agnès Maltais, dit ne pas saisir à quoi la ministre Vallée faisait référence.

«En fait, personne ne comprend ce qu’elle veut dire. Sa première réaction avait été de dire qu’elle lirait le jugement; je pense qu’elle aurait dû s’en tenir à ça», a-t-elle ironisé en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Quelques heures avant cette reprise des hostilités, la Cour suprême déterminait à l’unanimité que le fait de prononcer une prière en conseil municipal contrevenait à la liberté de conscience et de religion garantie par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Même si le plus haut tribunal du pays a décidé de ne pas se prononcer sur la question des symboles religieux, son jugement a redonné un second souffle au débat sur la présence du crucifix qui trône au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale.

Stéphanie Vallée a laissé entendre qu’elle privilégiait le statu quo, rappelant que l’Assemblée nationale avait adopté à l’unanimité, en 2008, une motion en faveur de son maintien au Salon bleu.

De son côté, le PQ est ouvert à l’idée de débattre d’une possibilité de le déplacer ailleurs dans l’hôtel du Parlement, ont signalé la députée Maltais et son collègue Drainville.

Ce n’est pas une option pour la CAQ: «Oui», a répondu du tac au tac son chef, François Legault, lorsqu’on lui a demandé si le crucifix devait rester.

«Je pense que ça fait partie de notre tradition, ça fait partie de notre patrimoine», a-t-il plaidé.

«C’est pas vrai qu’on va commencer à enlever la croix sur le mont Royal, qu’on va commencer à enlever tous les signes, les ‘Saint’ dans les noms des écoles», a illustré le chef caquiste.

Pour Québec solidaire, la cause est entendue: le crucifix doit être déplacé à un autre endroit.

«Si l’on veut respecter la liberté de conscience et de religion des gens (…), je pense qu’un crucifix au-dessus de la tête du président de l’Assemblée nationale n’a pas sa place à cet endroit», a exposé la porte-parole parlementaire du parti, Françoise David.

La Cour suprême a beau n’avoir pas tranché sur la question des symboles religieux, elle formule néanmoins des opinions sur la question de la neutralité de l’État, estime l’avocat Luc Alarie, qui représentait le Mouvement laïque québécois (MLQ) dans cette cause.

Dans le jugement, le juge Clément Gascon écrit au nom de ses collègues que «si, sous le couvert d’une réalité culturelle, historique ou patrimoniale, l’État adhère à une forme d’expression religieuse, il ne respecte pas son obligation de neutralité».

Cela vient démontrer que les arguments entourant le caractère patrimonial du crucifix ne tiennent pas la route, estime Me Alarie.

«La réponse, on l’a dans le jugement de la Cour suprême, a-t-il résumé. Pour moi, ça relève des responsabilités du président de l’Assemblée nationale de respecter le caractère neutre de l’enceinte.»

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