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Confusion sur l'aide canadienne en Afghanistan

OTTAWA – Le ministère canadien des Affaires étrangères fait fi des inquiétudes soulevées par les États-Unis sur les statistiques des inscriptions à l’école en Afghanistan qui pourraient avoir été exagérées ou carrément falsifiées, ce qui est susceptible de remettre en question l’efficacité de l’aide internationale au pays.

Le gouvernement canadien répète fréquemment le chiffre des 8 millions d’enfants afghans qui vont maintenant à l’école. Cela témoigne, selon le gouvernement, du succès de son programme d’aide. C’est une donnée qui est aussi utilisée par l’agence humanitaire américaine USAID.

Or, ce chiffre a été remis en question dans les dernières semaines après que des politiciens afghans eurent suggéré que le bilan était exagéré, ajoutant qu’il y avait au pays plusieurs «écoles fantômes».

À la suite de ces déclarations, John Sopko, qui supervise le déploiement de l’aide financière américaine pour la reconstruction en Afghanistan, a réclamé des explications à USAID sur la provenance de ces estimations. Il lui a aussi demandé si l’aide financière était seulement octroyée aux écoles existantes.

«Ces allégations suggèrent que les États-Unis et d’autres donateurs ont peut-être payé pour des écoles où les élèves ne vont pas et pour des salaires de professeurs qui n’enseignent pas», a écrit M. Sopko dans une lettre adressée à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID, aux États-Unis).

Les politiciens et fonctionnaires canadiens font état d’une augmentation considérable des inscriptions scolaires en Afghanistan, ce qui prouve selon eux, que les quelque 227 millions $ investis surtout dans la construction de dizaines d’écoles ont eu les effets escomptés.

Le ministère canadien des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement a d’abord dit être au courant que le gouvernement afghan avait tendance à gonfler les chiffres dans les médias, tout en défendant la véracité de ses données.

«(Le ministère) est conservateur lorsqu’il rapporte les chiffres des inscriptions à l’école en Afghanistan, qui disent que plus de 8,4 millions d’enfants afghans, dont presque 39 pour cent sont des filles, sont inscrits dans des écoles formelles ou communautaires (en 2013). C’est une hausse considérable par rapport à seulement un million d’inscriptions de garçons en 2001», a assuré le porte-parole François Lasalle, dans un courriel.

Les statistiques, selon M. Lasalle, ont été vérifiées et rendues publiques par le Système d’information de gestion de l’éducation de l’Afghanistan.

Le problème est que ce sont ces chiffres précis qui sont remis en question par les Américains.

«USAID a parlé d’un bond dans les inscriptions à l’école — de 900 000 (enfants) en 2002 à plus de 8 millions en 2013 — comme un indicateur de progrès. Les données utilisées par USAID proviennent du Système d’information de gestion de l’éducation que (l’agence) ne peut pas vérifier et qui, semble-t-il, auraient été falsifiées par des représentants de l’administration Karzaï (le président de l’Afghanistan de 2004 à 2014)», a poursuivi M. Sopko.

En mai dernier, selon les médias locaux, le ministre afghan de l’Éducation Asadullah Haneef Bakhi a déclaré au Parlement que l’ancien gouvernement avait transmis des données erronées pour pouvoir recevoir une aide plus généreuse de la communauté internationale.

Après que John Sopko eut confié ses inquiétudes, le ministre Bakhi a réitéré les siennes.

«Dans certaines zones précaires, il n’y a pas d’école, mais les bénéfices (…) ont été reçus», a-t-il constaté, lors d’un entretien avec le réseau télévisé TOLOnews, selon une traduction anglaise apparaissant sur le site de la chaîne.

Questionné sur ces nouveaux développements, le ministère semble avoir changé d’approche. Il a indiqué que ses chiffres avaient plutôt été confirmés par la Banque mondiale, qui surveille la mise en place de nombreux programmes en éducation. Ces données indiquent qu’il y aurait eu 7,6 millions d’inscrits dans les écoles primaires en 2010.

«Étant donné le conflit, l’insécurité initiale et la région accidentée, il est difficile pour les différents intervenants de confirmer complètement ces données», a dit une autre porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Diana Khaddaj.

En réaction aux déclarations de M. Sopko, USAID a précisé que les propos du ministre Bakhi avaient été mal interprétés. Il n’aurait pas parlé d’une réelle fraude, mais bien d’une compilation des données erronée par l’ancien gouvernement, qui avait tendance à exagérer le nombre d’inscriptions.

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