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Uber: les taxis évoquent des dérapages

Patrice Bergeron et Pierre Saint-Arnaud - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – L’industrie du taxi menace le gouvernement de «dérapages» s’il ne ferme pas la porte à la prolifération d’Uber X, qu’elle accuse de lui livrer une concurrence déloyale et illégale.

Des manifestations de chauffeurs et propriétaires de taxi ont eu lieu mardi non seulement à Montréal et à Québec, où Uber a pignon sur rue, mais aussi dans les villes de Trois-Rivières, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Rouyn et Saguenay, où l’industrie craint son éventuelle arrivée.

Les chauffeurs et propriétaires ont décidé de prendre la rue à la suite de la récente ouverture manifestée par le premier ministre Philippe Couillard, qui s’est dit disposé à encadrer ce genre de service.

«C’est la déclaration de M. Couillard qui a mis le feu aux poudres», a expliqué Benoît Jugand, porte-parole du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM) qui regroupe quelque 4000 chauffeurs à travers la province.

«M. Couillard est venu jeter un flou sur une position qui était claire au départ, où on savait que le ministre (des Transports) Robert Poëti et (le maire de Montréal) Denis Coderre étaient contre le transport illégal», a-t-il souligné.

À Québec, un peu plus d’une centaine de chauffeurs ont garé leurs véhicules devant l’Assemblée nationale, pour bloquer le carrefour, et ont exprimé leur ras-le-bol devant ces transporteurs qui n’ont ni permis ni assurances et qui échappent au fisc.

«Comment le premier ministre peut tolérer deux sortes de citoyens, un qui paie ses taxes, l’autre qui ne les paie pas?» a demandé le représentant des chauffeurs de taxi, Abdallah Homsy, dans un point de presse devant le parlement.

Menace d’escalade

Il a rappelé que les chauffeurs avaient manifesté leur désaccord pacifiquement jusqu’à maintenant, mais s’ils ne sont pas entendus, des meneurs plus radicaux pourraient prendre leur place.

«Je préviens le premier ministre des dérapages qui pourraient arriver», a dit M. Homsy, président de Taxis Coop et porte-parole du Regroupement des intermédiaires du taxi de Québec (RITQ).

Un message du même type a été transmis à Montréal, où plusieurs centaines de chauffeurs de taxi s’étaient regroupés dans un stationnement.

«Si on ne trouve pas une réponse satisfaisante, on va (organiser) un autre rendez-vous pour une autre manifestation, mais beaucoup plus musclée», a averti Wilson Jean Paul, le représentant des propriétaires de taxis au sein du Collectif des propriétaires et des chauffeurs de taxis de Montréal (CPCTM), sous les acclamations d’un auditoire approbateur.

Selon le président et directeur général de Taxi Diamond, Dominique Roy, la présence d’Uber commence à peser lourd sur l’industrie.

«Il y a une diminution du nombre de clients dans le taxi, c’est sûr parce que Uber est moins cher. Mais ce n’est pas toujours le cas; lorsqu’il y a beaucoup d’activité, c’est plus cher», a-t-il noté.

L’industrie du taxi incite donc le premier ministre à dissiper toute ambiguïté et à endosser la position du ministre Poëti.

«La déclaration de M. Couillard est très ambiguë. Le ministre Poéti a toujours tenu le même discours et, soudainement, le premier ministre dit l’inverse», a déploré M. Roy.

Uber réplique

Rejoint par La Presse Canadienne, le directeur général d’Uber au Québec, Jean-Nicolas Guillemette, a de nouveau évoqué le jugement rendu par la Cour supérieure de l’Ontario qui a tranché qu’Uber n’est pas une compagnie de taxi traditionnelle, mais plutôt l’application d’une nouvelle technologie.

Selon lui, Uber est un service de covoiturage urbain qui s’inscrit parmi une panoplie de nouvelles offres de transport au même titre que le bixi, le partage d’automobiles ou l’autobus et il évoque du coup l’argument écologique.

«Ce qu’on vise c’est à réduire le nombre d’autos solo et de réduire la congestion et la pollution», a-t-il dit.

Jean-Nicolas Guillemette s’est évidemment réjoui de l’ouverture manifestée par le premier ministre Couillard.

«Notre objectif c’est de discuter avec les gens qui écrivent les lois dans l’industrie du transport — des lois qui datent de plusieurs années. On souhaite que ces lois soient revues pour créer un cadre réglementaire entourant le covoiturage urbain», a-t-il précisé.

Uber a par ailleurs profité de la manifestation de mardi pour se livrer à une promotion et attirer des clients en offrant des réductions de prix, ce qui a ulcéré les représentants de l’industrie qui n’ont pas le droit de toucher aux tarifs.

«Ces gens-là n’ont aucune obligation et ils peuvent se permettre de baisser les prix alors que, pour les vrais taxis, ce n’est pas possible, c’est réglementé», a pesté Dominique Roy.

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