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Crise syrienne: Alexander a repris sa campagne

Mélanie Marquis - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le ministre de l’Immigration n’aura pas suspendu sa campagne électorale pendant bien longtemps, ce qui laisse perplexes certains adversaires politiques et suscite l’indignation de l’un de ses ex-collègues diplomates.

Les révélations entourant le naufrage d’une famille syrienne qui tentait de faire son chemin jusqu’au Canada avaient incité Chris Alexander à interrompre ses activités partisanes pour revêtir ses habits de ministre afin de gérer la crise.

Il a passé la journée de jeudi à Ottawa à rencontrer ses fonctionnaires et divers intervenants pour faire la lumière sur le lien canadien dans la tragédie survenue au large de la Turquie, après que la photo du petit corps inanimé d’Alan Kurdi, gisant sur une plage, eut fait le tour du monde.

Mais il a rapidement repris le chemin de Toronto et redémarré la machine — «You bet!», a écrit son attachée lorsqu’on lui a demandé si le candidat, dont le siège dans la circonscription d’Ajax est sérieusement en danger selon les projections de TooCloseToCall.ca, avait repris sa campagne.

M. Alexander n’était pas disponible pour une entrevue, vendredi. La veille, il avait fait le point avec les médias et expliqué que contrairement aux informations qui avaient circulé jeudi matin, Ottawa n’avait pas reçu de demande de statut de réfugié de la famille du petit Alan.

Cet apparent empressement à reprendre le collier a été vigoureusement critiqué par Ferry de Kerckhove, qui a travaillé avec Chris Alexander à l’ambassade du Canada à Moscou vers le milieu des années 1990.

«Il y a un refus de considérer que cette crise est une crise fondamentale qui a besoin de bien plus que simplement un aller-retour à Ottawa pour parler à quelques fonctionnaires. Ça, c’est très clair», a martelé le diplomate de carrière.

Le fait que M. Alexander, «dont l’ambition déborde de son collet de chemise», ait décidé de reprendre aussi vite ses activités partisanes n’étonne «absolument pas» M. de Kerchove, qui s’est montré très peu tendre à l’endroit de son ancien collègue de travail en entrevue téléphonique.

Mais selon Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing à l’UQAM, il y avait une limite à ce que le ministre pouvait faire de plus à partir du moment où son chef Stephen Harper a signalé qu’il ne changerait pas sa politique migratoire.

«Il n’a pas le choix, il ne peut pas arriver par en arrière et dire: ‘En fait, vous savez, on va changer (de politique)’. Quand la machine de la campagne est en marche et que la position est élaborée, c’est le ‘war room’ qui décide, et on avance avec ça», a-t-il illustré.

Au Parti libéral du Canada, on n’a pas voulu jeter de l’huile sur le feu, vendredi, déclinant l’invitation de faire réagir un candidat sur le retour en selle de Chris Alexander.

La veille, le chef Justin Trudeau avait tenu des propos sévères à son endroit. «On ne découvre pas la compassion en milieu de campagne. Tu l’as ou tu ne l’as pas», a-t-il lâché en point de presse.

De son côté, la candidate néo-démocrate dans Ajax, Stephanie Brown, a formulé le souhait que l’enjeu des réfugiés syriens demeurera prioritaire pour son adversaire — peu importe qu’il porte son chapeau de ministre ou celui de candidat conservateur — tout au long de la campagne électorale.

«La crise des réfugiés syriens a touché une corde sensible chez les Canadiens, et je crois que nous devons tous travailler ensemble pour s’attaquer à l’horreur dont nous avons été témoins cette semaine», a-t-elle déclaré par voie de communiqué, vendredi.

«Je sais que les gens d’Ajax vont surveiller cela étroitement», a complété Mme Brown dans la même déclaration.

Libéraux et néo-démocrates ont critiqué l’inaction du gouvernement Harper dans la foulée du drame de la famille Kurdi, qui est aussi celui de milliers d’autres migrants qui tentent de fuir la guerre civile en traversant la Méditerranée pour rejoindre l’Europe.

Même si les deux partis le font depuis plusieurs mois à la Chambre des communes, certains ont vu en ces accusations lancées en pleine période électorale une façon de récupérer à des fins politiques une catastrophe humanitaire.

Il faudra que tous fassent preuve de prudence, selon M. Motulsky. «C’est délicat d’utiliser à des fins politiques un drame comme celui-là. Et la ligne a failli être franchie hier», a-t-il affirmé.

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