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Prix des médicaments: poursuite contre le Canada

Ross Marowits - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Le Canada pourrait perdre sa capacité à contrôler les prix des médicaments brevetés sur son territoire en raison d’une poursuite intentée par une entreprise américaine qui remet en question la constitutionnalité de l’organisme fédéral de régulation dans ce domaine.

Alexion Pharmaceuticals a déposé une poursuite devant la Cour fédérale contre le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qui a jugé «excessif» le prix fixé par l’entreprise pour son médicament Soliris.

La société conteste l’autorité du Conseil et son habileté à ordonner des réductions de prix, soutenant qu’il empiète sur les compétences provinciales.

Le médicament, réputé comme étant le traitement le plus dispendieux au monde pour deux maladies du sang et génétique rares et potentiellement mortelles, coûterait annuellement entre 500 000 et 700 000 $ par patient.

Selon Amir Attaran, un professeur de l’Université d’Ottawa spécialisé en droit de la santé, cette poursuite pourrait changer la donne et pas seulement pour Soliris.

M. Attaran a prévenu que si le tribunal donne raison à Alexion, cela pourrait mettre un terme à la capacité du gouvernement fédéral de contrôler les prix de tous les médicaments brevetés.

Il a même affirmé qu’il s’agissait de la plus grande menace à la stabilité des prix des médicaments de l’histoire du Canada.

L’expert a expliqué que l’entreprise essayait de forcer le Canada à adopter un système de prix en matière de médicaments semblable à celui des États-Unis, qui est le plus coûteux au monde. Parmi les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seuls les États-Unis et le Chili n’exercent aucun contrôle sur le prix des médicaments.

Cette situation a poussé certains Américains à traverser la frontière afin d’acheter des médicaments à meilleur prix au Canada.

Amir Attaran a indiqué qu’Ottawa avait commencé à réguler les prix des médicaments brevetés dans le cadre d’une entente conclue avec l’industrie pharmaceutique à l’occasion de l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). En échange de l’instauration d’un système de régulation des prix, le gouvernement canadien s’était engagé à respecter les brevets, qui étaient souvent ignorés à l’époque.

«Alexion tente d’obtenir à elle seule l’annulation de cette entente avec le gouvernement», a commenté M. Attaran.

Dans sa poursuite, Alexion fait valoir que le prix du médicament Soliris n’a pas augmenté depuis son introduction au Canada en 2009 ni diminué dans les autres pays.

L’entreprise a déclaré que les allégations du Conseil selon lesquelles le médicament aurait été vendu à un prix excessif entre 2012 et 2014 étaient le résultat de la fluctuation du dollar canadien.

«Le Conseil cherche donc à utiliser son pouvoir de contrôle des prix pour confisquer une part importante des revenus d’Alexion en se basant sur des forces du marché international sur lesquelles Alexion n’a aucun contrôle.»

À quasi-parité avec le dollar américain au début de 2012, le dollar canadien a chuté pour s’établir à environ 0,85 $ US à la fin de 2014.

Soliris a généré des revenus de 2,2 milliards $ US l’an dernier, une hausse de 44 pour cent par rapport à 2013.

Une porte-parole du Conseil a refusé de discuter de l’affaire puisque celle-ci se trouve présentement devant les tribunaux. Alexion n’a pas immédiatement répondu aux demandes d’entrevue de La Presse Canadienne.

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