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Eaux usées: le ministère sait depuis l'an dernier

OTTAWA – Environnement Canada avait bel et bien été averti l’an dernier de l’intention de Montréal de déverser 8 milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent, révèlent des documents obtenus par La Presse Canadienne.

Sur son fil Twitter, la ministre fédérale de l’Environnement, Leona Aglukkaq, a pourtant écrit mercredi matin que son bureau avait été informé «la semaine dernière» du plan de la Ville.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, affirmait la veille qu’Environnement Canada était au courant du dossier depuis septembre 2014.

Un document daté du 3 septembre 2014 et rédigé par le directeur de l’épuration des eaux usées de Montréal, Michel Malo, informe en effet le gouvernement du Québec du plan de la métropole de dériver les eaux usées vers le fleuve. Sandra Giguère, d’Environnement Canada, figure en copie conforme. Quelques semaines plus tard, un autre agent d’Environnement Canada informe M. Malo que le dossier «concernant les divers travaux effectués nécessitant des dérivations des eaux usées» changeait de main au sein du ministère.

Par ailleurs, dans un courriel daté du 29 septembre 2015, une fonctionnaire d’Environnement Canada, Julie Hinse, écrit à M. Malo avoir été informée la veille «que nous avions été avisés de votre projet en septembre 2014».

Ces correspondances semblent entrer en contradiction avec les propos que l’on peut lire sur le fil Twitter de la ministre Aglukkaq.

«La semaine dernière, mon bureau a été informé du plan de Montréal de déverser des milliards de litres d’eaux usées dans le Saint-Laurent», a-t-elle écrit mercredi matin. Elle ajoute que ce plan est «préoccupant» et que son bureau agit de façon responsable en «explorant des options pour l’empêcher dans l’attente de nouvelles données».

Loin de se laisser impressionner, M. Coderre a plutôt servi un avertissement à la ministre, mercredi. «Il y a des gens qui essaient de s’en sortir. Quand elle parle, elle devrait faire attention à ce qu’elle dit, parce que le ministère, Environnement Canada, est au courant», a-t-il signalé en point de presse.

En fin d’après-midi, le directeur des communications de la ministre, Ted Laking, a apporté ces précisions: «En dépit du fait qu’il est clair que les fonctionnaires savaient dès septembre 2014 les plans de la Ville de Montréal, la ministre l’a seulement appris la semaine dernière», a-t-il spécifié.

Bras de fer

Le bras de fer entre Ottawa et Montréal se poursuit, alors que M. Coderre a lancé mardi un ultimatum de trois jours aux fonctionnaires d’Environnement Canada. Le gouvernement conservateur lui a demandé de suspendre le déversement, initialement prévu entre le 18 et le 25 octobre. Pour M. Coderre, les troupes de Stephen Harper cherchent à «gagner des petits points politiques» avec cet enjeu.

Interrogé sur le dossier, le premier ministre sortant a souligné que l’annonce d’un déversement avait suscité beaucoup d’inquiétudes «à Montréal et à travers le Québec».

«Nos ministres ont déjà exprimé leurs préoccupations à cet égard et nous encourageons la Ville à rencontrer Environnement Canada et à considérer d’autres possibilités pour régler cette affaire», a indiqué M. Harper à Saskatoon.

Le chef bloquiste Gilles Duceppe a déploré le fait que ce soit «deux poids, deux mesures» pour Montréal, alors que Toronto déverse régulièrement des eaux usées dans les Grands Lacs, et Vancouver dans l’océan, sans pour autant qu’Environnement Canada s’en offusque.

«Chose certaine, c’est de l’hypocrisie totale du fédéral, quand ils n’ont rien fait au niveau des infrastructures. (…) Quand on ne fait rien et qu’ensuite on crie au scandale, on devrait se regarder dans le miroir. Ce sont les premiers responsables d’une telle chose», a-t-il soutenu en point de presse à Montréal.

Le chef libéral Justin Trudeau a pour sa part affirmé que les conservateurs ne se préoccupent pas de la science et n’interviennent dans un dossier que lorsqu’ils voient un avantage politique à le faire. «Pour moi, ça souligne à quel point on a besoin d’un gouvernement fédéral qui est prêt à être un meilleur partenaire pour les municipalités à travers le pays», a-t-il lancé à London, en Ontario.

Mardi, Thomas Mulcair avait estimé que l’idée de relâcher dans le fleuve des milliards de litres d’eaux usées était tellement saugrenue qu’un gouvernement néo-démocrate ne l’autoriserait pas.

Montréal juge le déversement nécessaire pour lui permettre de relocaliser une chute à neige, afin d’aller de l’avant dans le chantier de l’autoroute Bonaventure.

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