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Zunera Ishaq fustige le gouvernement conservateur

Zunera Ishaq is pictured in a lawyer's offices in Toronto on Thursday, October 8, 2015. THE CANADIAN PRESS/Chris Young Photo: The Canadian Press

TORONTO — La femme qui s’est battue pour porter son niqab lors de sa cérémonie de citoyenneté au Canada craint que le débat qui a enflammé la campagne électorale ait terni la façon dont les Canadiens perçoivent leurs compatriotes de confession musulmane.

Zunera Ishaq a affirmé lors d’un entretien avec La Presse Canadienne que les récentes discussions sur le port du voile intégral se fondaient sur une méconnaissance de l’islam, du niqab et des femmes qui le portent.

Mme Ishaq, une diplômée universitaire âgée de 29 ans, estime que le gouvernement conservateur est responsable de la propagation de ces informations erronées. Elle accuse d’ailleurs le premier ministre sortant Stephen Harper d’avoir fait de son choix personnel un enjeu stratégique pour gagner des votes en vue de l’élection du 19 octobre. Et elle a bien peur que cela fonctionne.

«(Le public) n’est pas informé. (Les Canadiens) sont induits en erreur par le gouvernement sur cet enjeu particulier. Ils adoptent le point de vue que les femmes musulmanes qui portent le niqab refusent de dévoiler leur identité pour des raisons de sécurité, mais ce n’est pas le cas. L’image des femmes musulmanes, et de toute la communauté musulmane, a été abîmée par cela», a-t-elle regretté.

Le Parti conservateur n’a pas immédiatement répondu à une demande d’entrevue de La Presse Canadienne.

La controverse sur le niqab remonte à 2011, lorsque le gouvernement conservateur a adopté un règlement pour interdire aux futurs citoyens de porter un voile qui masque leur visage lors de leur cérémonie de citoyenneté.

Mme Ishaq avait refusé de se soumettre à ce règlement pour des raisons religieuses et elle s’est rendue devant les tribunaux pour le contester.

La Cour fédérale du Canada a invalidé le règlement des conservateurs en février et la Cour d’appel a maintenu ce jugement en septembre. Les conservateurs ont toutefois refusé de lâcher prise; ils ont annoncé qu’ils porteraient leur cause en appel devant la Cour suprême du Canada.

Le chef conservateur affirme constamment que la prestation de serment à visage découvert reflète les valeurs canadiennes et qu’il s’agit d’une mesure nécessaire pour assurer la sécurité nationale.

«Nous ne devons pas cacher notre identité. Nous faisons cela pour des raisons raisonnables et il est nécessaire d’avoir une loi. C’est une mesure appuyée par la population et nous voulons assurer l’égalité entre les hommes et les femmes au Canada», a-t-il déclaré lors un récent débat électoral en français.

Loin de reculer, le chef conservateur semble même avoir raffermi sa position lors d’une entrevue au réseau anglais de Radio-Canada. Il a déclaré que son gouvernement se pencherait sur la possibilité d’interdire le niqab dans la fonction publique canadienne s’il était réélu.

Mme Ishaq considère que de parler du port du niqab dans une optique de sécurité nationale est trompeur, précisant qu’elle n’avait jamais résisté aux autorités quand elles lui ont demandé de vérifier son identité. Elle a accepté de retirer son voile devant une fonctionnaire, a-t-elle indiqué.

Le débat a contribué à répandre des stéréotypes sur la communauté musulmane, selon elle. Elle s’insurge contre ceux qui prétendent que le niqab est un symbole d’oppression de femmes peu instruites qui sont soumises aux hommes de leur famille.

Zunera Ishaq n’avait pas l’intention de porter le niqab lors de sa jeunesse au Pakistan, a-t-elle relaté. Elle a changé d’idée à l’âge de 15 ans, inspirée, dit-elle, par des enseignantes qui le portaient.

Elle dit avoir beaucoup lu sur la signification religieuse du voile et elle a conclu que cela concordait avec ses croyances. Elle a même convaincu d’autres femmes de sa famille de l’imiter.

Depuis son arrivée en Ontario il y a sept ans, Mme Ishaq affirme avoir été bien acceptée auprès des Canadiens, mais selon elle, il y a eu un changement depuis le début du débat sur le niqab.

«Lorsque nous sommes là et que nous parlons avec eux, il n’y a jamais, jamais eu de difficulté pour communiquer avec nous et ils n’avaient pas d’attitudes négatives envers nous. Mais maintenant, on a créé une situation en disant des termes bien précis, comme « cela vient d’une culture antifemme » et des choses comme ça qui n’ont aucun fondement», a-t-elle déploré.

Mme Ishaq, qui s’attend à devenir citoyenne canadienne à temps pour voter le 19 octobre, craint que la rhétorique actuelle nuise à l’image du Canada en tant que société multiculturelle.

Elle souhaite malgré tout que les Canadiens qui en connaissent sur le sujet puissent redorer l’image du pays.

«Si nous allons auprès des membres du public pour leur dire la vérité, ils seront convaincus que ce n’est pas la réalité, et que (l’information) qu’on leur a donnée est fausse», a-t-elle conclu.

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