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Réfugiés syriens: Ottawa invité à voir plus grand

OTTAWA – Le Canada devrait ouvrir ses portes à 25 000 réfugiés syriens par année sur une période de cinq ans, suggère le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme et des migrants, François Crépeau.

Accueillir 125 000 réfugiés syriens sur cinq ans constituerait «un bel effort pour un petit pays de 36 millions d’habitants» en plus d’envoyer un «signal de solidarité», a soutenu en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne le professeur de droit à l’Université McGill.

«Le Canada reçoit 280 000 résidents permanents et à peu près 200 000 travailleurs migrants temporaires annuellement, donc presque un demi-million de personnes. Vingt-cinq mille réfugiés, ça ne me paraît pas un très gros chiffre par rapport à ces chiffres-là», a-t-il illustré.

S’il salue la promesse du gouvernement libéral d’accueillir 25 000 réfugiés syriens d’ici la fin de l’année, François Crépeau la juge irréaliste et croit que les libéraux devraient repousser de six mois l’échéancier.

«C’était peut-être utile en campagne électorale de proposer avant la fin de l’année, mais je pense que tout le monde est en train de se rendre compte qu’il y a peu de chances que ça se produise», a suggéré le rapporteur spécial des Nations unies.

«Prenons le temps de le faire bien la première fois et répétons ça année après année», a-t-il enchaîné à l’autre bout du fil.

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, a réitéré mercredi que l’objectif des libéraux demeurait «ferme». La veille, il précisait que près de 10 000 réfugiés syriens étaient déjà «enregistrés» pour venir au Canada.

Il n’a pas voulu s’avancer sur les plans à plus long terme en matière d’accueil de réfugiés syriens.«On n’a pas de chiffres à part des 25 000 parce qu’il faut se concentrer sur le projet immédiat, qui prend plus ou moins tout notre temps», a-t-il dit à La Presse Canadienne.

«Mais nous avons dit que nous encourageons le secteur privé à accueillir plus de réfugiés de la Syrie, et donc, les 25 000 sont un minimum qu’on garantit. Le reste dépendra en grande partie de la réponse du secteur privé», a ajouté M. McCallum.

La cible de 125 000 sur cinq ans que propose François Crépeau pour le Canada est largement supérieure à celle qu’ont annoncée certains pays européens, géographiquement plus près de la Syrie.

La Grande-Bretagne, par exemple, a promis d’accueillir d’ici 2020 quelque 20 000 Syriens qui fuient la guerre, tandis que la France se prépare à ouvrir ses portes à un total de 33 000 réfugiés au cours des deux prochaines années.

Ces nations «ne font pas leur effort» — et «par rapport à l’Allemagne et à la Suède, le Canada n’a à peu près rien fait jusqu’à présent. Si on annonce et qu’on réalise 25 000 par année pendant cinq ans, on envoie un signal de solidarité aux Européens», a exposé M. Crépeau.

La cible a le défaut d’être peu pragmatique, selon l’ex-ministre de l’Immigration Ron Atkey, qui était en poste lorsque le Canada a accueilli 60 000 réfugiés d’Indochine ayant fui le Vietnam à bord d’embarcations de fortune après que les communistes eurent pris le contrôle d’Hanoï.

«Ce serait un engagement noble. Mais le travail des élus est de mesurer l’appui de la population en ce qui a trait aux mouvements de réfugiés», a-t-il laissé tomber en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

«La magie du mouvement des Vietnamiens, c’était que tout s’est produit rapidement, et il y avait un appui de la population pendant une période de 18 mois», s’est souvenu M. Atkey.

«Mais on ne pouvait avoir aucune garantie que ce soutien se maintiendrait. Et selon ce que j’ai observé, il avait commencé à décliner un peu», a-t-il poursuivi à l’autre bout du fil.

Le comité spécial qui a été mandaté pour se pencher sur l’accueil des réfugiés de la Syrie, présidé par la ministre de la Santé, Jane Philpott, doit soumettre ses recommandations au conseil des ministres jeudi.

La logistique entourant cette vaste opération humanitaire est complexe: il faut notamment se pencher sur la sélection des réfugiés, les contrôles de sécurité et les questions de santé tout en organisant le transport et l’hébergement.

«Nous comprenons que l’objectif pour la fin de l’année est agressif, mais c’est pour ça qu’on a un comité spécial du cabinet (…) et des dizaines de fonctionnaires qui travaillent d’arrache-pied depuis des semaines», a plaidé le ministre McCallum.

Le transport des réfugiés syriens installés dans des camps situés en Turquie, au Liban et en Jordanie — ils pourraient venir de chacun de ces pays, d’une combinaison de deux d’entre eux ou encore d’un seul — devrait s’effectuer par bateau ou par voie aérienne.

La transporteur Air Canada a déjà offert au gouvernement fédéral de noliser des appareils afin de participer à l’effort. La compagnie ferroviaire Canadien National a également approché le gouvernement pour lui offrir ses services au pays, a signalé mercredi M. McCallum.

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