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Printemps érable: un tribunal blâme l'UQO

GATINEAU, Qc – Près de quatre ans après le printemps érable qui avait enflammé les campus du Québec, les professeurs de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) estiment avoir remporté une manche contre la direction de l’établissement.

Ils ont dévoilé jeudi la décision d’un tribunal d’arbitrage rendue le 4 décembre qui critique sévèrement la réponse de la direction de l’UQO à la grève étudiante de 2012.

Le tribunal condamne notamment l’UQO à verser 25 000 $ en dommages à un professeur en sciences sociales, Thibault Martin, arrêté le 17 avril 2012 dans un couloir de l’université d’une façon qualifiée dans la décision d’«arbitraire», avec une «force excessive».

L’arbitre Francine Lamy blâme le recteur de l’époque, Jean Vaillancourt, pour avoir commenté dans les médias l’arrestation du professeur par le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG), sans pourtant en connaître les circonstances. Elle déplore que M. Vaillancourt ait approuvé «sans réserve» l’intervention policière, «sans faire d’enquête, sans vérifier quoi que ce soit en dépit qu’il s’agisse d’un événement porteur de stigmate et de réprobation pour un professeur d’université de réputation internationale».

Une autre professeure, Stéphanie Demers, touchera 2000 $ pour des préjudices moraux, dont la moitié sera versée par la police. Au cours de cette même journée, la professeure avait été bousculée par les policiers, s’était fait tordre le bras et avait été qualifiée «d’agent perturbateur» alors qu’elle se livrait à un cours magistral dans la cafétéria.

Le campus de l’UQO avait été particulièrement chaud lors du printemps 2012. Une cinquantaine d’étudiants avaient obtenu une injonction de la Cour supérieure forçant la tenue des cours coûte que coûte. La direction avait choisi de respecter l’injonction et de nombreux policiers et agents de sécurité avaient été dépêchés sur les lieux. Ses relations avec le corps professoral s’étaient envenimées, et le syndicat des professeures et professeurs de l’UQO (SPUQO) était allé jusqu’à demander la démission du recteur Vaillancourt et du secrétaire général Luc Maurice.

Outre les griefs individuels impliquant les deux professeurs, le SPUQO avait déposé deux griefs syndicaux, qui ont été accueillis partiellement par Me Lamy.

L’arbitre rejette notamment la demande de compensation de 109 200 $ que le syndicat réclamait pour un groupe de professeurs, estimant que des demandes individuelles auraient dû être remplies. Me Lamy déclare néanmoins que l’Université a «manqué à ses devoirs de protéger la santé, la sécurité et la dignité des professeurs».

Elle ne juge pas non plus approprié d’ordonner des excuses publiques pour l’ensemble de ces griefs, comme le demandait le syndicat.

Malgré ces nuances, pour la présidente du SPUQO, Louise Briand, la décision rendue par le tribunal constitue une victoire pour les professeurs. «Il y a un blâme sévère qui est porté sur la gestion de l’occupation policière», signale-t-elle.

Elle espère maintenant que la direction et son nouveau recteur, Denis Harrisson, accepteront la proposition du syndicat de créer un comité paritaire pour étudier comment protéger les professeurs dans ce genre de situation. «Parce que, croyons-nous, des grèves, il y en aura d’autres», lance-t-elle.

Réagissant par communiqué, la direction de l’UQO a indiqué prendre «acte» et accueillir «favorablement» la décision de Me Lamy.

Elle signale les passages de la décision lui étant favorables, notamment que «l’injonction faite à l’UQO d’offrir ses cours normalement l’obligeait à demander aux professeurs qu’ils fournissent la prestation d’enseignement prévue à l’horaire des étudiants».

La direction conclut en admettant que de tels événements sont «regrettables» et en disant comprendre «que des professeurs les ont vécus difficilement».

L’une des deux professeurs touchés par les griefs, Stéphanie Demers, s’est pour sa part déclarée satisfaite de la décision de l’arbitre, mais elle a déploré que la liberté d’expression ne se soit pas beaucoup améliorée au pays depuis le printemps érable.

«Tout ce qui est manifestation, contestation, est durement réprimé, violemment réprimé, même», s’est-elle désolée.

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