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Aide sociale: un réfractaire doit subir les conséquences, selon Hamad

Un assisté social qui décide de ne pas “faire l’effort” doit “subir les conséquences”, a plaidé mercredi le ministre de l’Emploi, Sam Hamad, pour défendre sa réforme controversée de l’aide sociale.

Il a ainsi confronté un regroupement d’assistés sociaux mercredi matin, au début de la commission parlementaire sur le projet de loi 70 du gouvernement Couillard.

Ce projet de loi prévoit notamment de réduire les prestations des nouveaux bénéficiaires qui refuseraient les démarches d’employabilité proposées par le ministère. Leur chèque d’aide sociale pourrait être ainsi amputé de moitié. Le gouvernement compte ainsi épargner, à terme, jusqu’à 50 millions $ par an.

Le Parti québécois, Québec solidaire et plusieurs regroupements ont vertement dénoncé cette approche jugée “punitive” qui ne fonctionne pas, selon eux.

En commission parlementaire, la Coalition pour un Québec sans pauvreté a livré une charge à fond de train contre le projet de loi.

“Absolument rien ne justifie de couper dans les prestations des personnes assistées sociales, des personnes dont le revenu n’est pas décent”, a déclaré Serge Petitclerc, en invoquant notamment la Charte québécoise des droits et libertés qui prévoit qu’une personne dans le besoin a droit à de l’assistance.

“Punir les personnes assistées sociales parce qu’elles sont pauvres, c’est tout simplement immoral, sinon illégal”, a-t-il poursuivi, tandis que sa collègue, Virginie Larivière, affirmait que le projet de loi était “odieusement rempli de préjugés”.

La Coalition exige plutôt un meilleur accompagnement personnalisé et une hausse des prestations. En riposte, le ministre Sam Hamad a soutenu que l’argent et l’approche volontaire ne suffisaient plus.

Pas moins de 12 000 jeunes font une première demande d’aide sociale chaque année, et 6200 sont issus de familles prestataires, alors qu’il y a pourtant des milliers d’emplois à combler au Québec, a-t-il fait valoir, en précisant qu’ils sont aptes à l’emploi, n’ont pas de problème de toxicomanie, de santé mentale, ne sont pas des mères monoparentales, etc.

“La société, le monde me dit sur le terrain: est-ce qu’on peut les laisser tomber? (…) Quand la société investit et qu’on demande un effort à quelqu’un, la personne doit faire l’effort à sa mesure, et si la personne décide elle-même de ne pas faire l’effort, ce n’est pas la société qui décide de couper (ses prestations), c’est elle-même qui décide de ne pas faire l’effort et subir les conséquences.”

Sam Hamad a évoqué les pays scandinaves qui ont recours à des mesures semblables. “On n’a pas inventé la roue à trois boutons, a-t-il dit, provoquant l’hilarité. C’est une nouvelle expression.”

Le Parti québécois et Québec solidaire ont fait front commun pour la cause mercredi matin, en conférence de presse, au côté de plusieurs mouvements de défense des assistés sociaux.

“C’est un projet de loi qui va créer davantage de pauvreté, qui s’attaque aux plus démunis de notre société, aux pauvres, et qui ne s’attaque malheureusement pas aux préjugés qu’on peut avoir, a déploré le député péquiste de Saint-Jean, Dave Turcotte. C’est un gouvernement qui fait en sorte que ces préjugés passent par loi maintenant.”

“Je vais me battre bec et ongles pour que cette réforme ne voie pas le jour, particulièrement dans son aspect le plus coercitif et le plus détestable, le fait d’aller jusqu’à couper un chèque d’aide sociale de moitié si un nouveau demandeur de moins de 30 ans refuse de faire un parcours, a dit Françoise David, de Québec solidaire. (…) C’est indécent. On ne coupe pas de moitié un chèque qui permet à peine de survivre.”

Pour sa part, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec a soutenu que d’administrer un “électrochoc” au nouveau demandeur de l’aide sociale était inapproprié, parce qu’il est alors vulnérable.

“On est fragilisé, on a eu des situations de vie difficiles, a affirmé son représentant, Yann Tremblay-Marcotte. Ce n’est peut-être pas le bon moment pour justement entreprendre des démarches intensives d’emploi. On a besoin de se reposer, d’avoir des ressources pour nous aider. Cet électrochoc-là se base sur un préjugé de manque de volonté des personnes alors que c’est plutôt le contraire.”

Une porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Émilie E. Joly, voit dans ce projet de loi une manoeuvre des employeurs, qui soutiennent le gouvernement afin d’avoir accès à des travailleurs forcés.

“Les seuls appuis que le ministre Hamad reçoit sont ceux des organisations patronales qui semblent saliver à l’idée d’une main-d’oeuvre bon marché et forcée, et ça, même si clairement les emplois offerts vont être précaires, à salaire minimum, à temps partiel et à horaires atypiques la majorité du temps.”

En après-midi, le Conseil du patronat (CPQ) a d’ailleurs appuyé le projet de loi 70, qu’il juge “essentiel” et “très stratégique” pour les employeurs, qui manquent de main-d’oeuvre. Son président, Yves-Thomas Dorval, a rappelé le défi démographique du Québec, sa population vieillissante et ses milliers d’emplois à combler.

La réforme permettra de briser le “cercle vicieux” de l’aide sociale, a-t-il fait valoir: plus une personne reste longtemps prestataire, plus il sera difficile pour elle de revenir sur le marché du travail. “Il faut éviter que la personne se ”chronicise“ dès le départ (…). On a des droits et responsabilités. Je rappelle l’importance de ramener le plus vite possible les gens sur le marché du travail.”

M. Dorval a toutefois reconnu que l’allocation mensuelle de l’aide sociale était peu élevée, mais a salué la bonification qui serait accordée par le gouvernement aux prestataires qui participeraient aux programmes d’employabilité.

En effet, ceux qui accepteront de faire des démarches d’emploi pourront avoir droit à une prime. Québec met de côté 5 millions $ par an à cette fin.

L’organisme Manufacturiers et Exportateurs du Québec a également appuyé le projet de loi “dans son ensemble”. Il demande toutefois au gouvernement de préciser certaines notions, entre autres, celle d’emploi “convenable” qu’un prestataire devrait accepter, ou encore les conditions pour signifier son refus de l’accepter.

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