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Lise Thibault n’aurait pas fraudé si Québec avait bâti une résidence officielle

Si le Québec avait bâti une résidence officielle à Lise Thibault, elle n’aurait pas eu à frauder, a fait valoir son avocat vendredi devant la Cour d’appel, afin d’obtenir une peine de 18 mois dans la collectivité plutôt que la peine actuelle en prison.

Me Marc Labelle estime que le jugement en première instance aurait dû tenir compte du fait que Lise Thibault était la première lieutenante-gouverneure au Québec à ne pas avoir de résidence officielle et qu’elle avait donc dû gérer un système de subvention inédit.

Au cours d’une courte audience au palais de justice de Québec, l’avocat de la défense a aussi argué que le juge Carol St-Cyr, de la Cour supérieure, dans sa décision en première instance, aurait dû tenir compte du mauvais état de santé de l’ex-représentante de la reine, mais aussi de l’humiliation qu’elle a subie dans les médias. Me Labelle requiert par conséquent une peine de 18 mois à purger chez elle.

À l’inverse, le procureur de la Couronne, Marcel Guimont, a plutôt réclamé quatre ans de pénitencier, en se fondant notamment sur la jurisprudence. Il estime que la peine de 18 mois est “nettement déraisonnable”, en regard de la gravité des infractions, et qu’elle ne tient pas “suffisamment” compte du degré de préméditation.

Les juges Louis Rochette, Jacques J. Lévesque et Jean-François Émond ont pris la cause en délibéré. La date de leur décision n’a pas été déterminée.

Lise Thibault n’était pas présente à l’audience, mais son compagnon de vie et ancien aide de camp, Réal Cloutier, a déclaré aux journalistes en sortant de l’audience: “je suis persuadé que peu importe ce que je vais vous dire, cela n’aidera pas Mme Thibault”.

Dans son mémoire, Me Labelle soutient que le juge St-Cyr “a pris le mauvais chemin à quelques reprises”.

“Ce qui a déclenché les événements, c’est le fait que l’accusée était la première lieutenant-gouverneur à ne pas avoir de résidence permanente”, et si le magistrat en avait tenu compte, il aurait renoncé à vouloir faire preuve de dissuasion et d’exemplarité en recourant à un peine de prison, a écrit l’avocat.

“Si elle avait eu une résidence officielle, probablement que la situation ne se serait pas présentée”, a dit Me Labelle en point de presse après l’audience. Rappelons que l’ancienne résidence officielle avait été détruite par le feu et le gouvernement Bouchard de l’époque avait choisi de ne pas la reconstruire, mais plutôt d’allouer une subvention au lieutenant-gouverneur. Et c’est pour la gestion frauduleuse de cette subvention que Lise Thibault a été condamnée.

En outre, Me Labelle reproche des “erreurs de principe” au juge St-Cyr dans l’individualisation de la peine, notamment de ne pas avoir tenu compte de l’hypermédiatisation du dossier et de la mauvaise santé de Lise Thibault.

“La couverture a été nettement exagérée, biaisée et qu’elle n’avait pour but que d’humilier, ridiculiser et accabler la justiciable”, peut-on lire dans son mémoire.

“Cela a dépassé les bornes, c’est une médiatisation qui n’était pas sobre, cela visait selon nous à l’humilier”, a déclaré Me Labelle en point de presse.

Pour sa part, Marcel Guimont a affirmé que le juge en premier instance s’était “bien dirigé”, mais a remis en cause le quantum pour exiger une peine plus lourde, en citant la jurisprudence.

Le procureur de la Couronne a rappelé qu’il ne fallait pas perdre de vue la condamnation pour abus de confiance et que “toutes les institutions du Québec et du Canada ont été mises en cause par les agirs de madame”.

“En matière de fraude et d’abus de confiance par des personnes d’autorité, la règle, c’est l’emprisonnement”, a conclu Me Guimont.

En octobre, Lise Thibault a passé six nuits en prison avant d’être libérée sous cautionnement, quand la Cour d’appel a accepté d’entendre sa requête. C’était la première fois au Canada qu’une ancienne représentante de Sa Majesté se retrouvait derrière les barreaux.

Cette saga judiciaire sans précédent qui dure depuis 2009 se prolonge pour une septième année encore.

Lise Thibault a été condamnée, à fin de septembre 2015, à 18 mois d’incarcération et au remboursement de 300 000 $ aux gouvernements du Canada et du Québec.

Dans sa décision, le juge Carol St-Cyr avait déploré la “culture de tromperie” entretenue par la lieutenante-gouverneure, ainsi que son absence de remords.

En décembre 2014, elle avait plaidé coupable à quatre chefs d’accusation de fraude et deux autres d’abus de confiance. La Couronne réclamait alors quatre ans de prison et un remboursement de 430 000 $, c’est-à-dire la somme fraudée estimée par une experte de la poursuite. La défense plaidait plutôt pour une peine de 12 mois dans la collectivité et un remboursement de 310 000 $.

Durant son règne, de 1997 à 2007, Lise Thibault avait obtenu de façon indue des remboursements pour des activités familiales, des fêtes, des excursions à la cabane à sucre, des sorties de golf et de ski, des REER, l’achat de terrains, le transport de voiturettes de golf en Floride, etc.

La lieutenante-gouverneure avait déjà évoqué sa condition de femme handicapée pour justifier les frais reliés à ses déplacements, ses activités et sa sécurité.

Les vérificateurs généraux du Québec et du Canada avaient tous les deux évalué à 700 000 $ les dépenses injustifiées de la lieutenante-gouverneure.

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