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Aide à mourir: élargissement de l'accès proposé

OTTAWA – Les mineurs et les personnes atteintes de troubles psychiatriques devraient avoir accès à l’aide médicale à mourir, conclut le comité parlementaire mixte qui s’est penché sur la question.

Ces recommandations sont contenues dans le rapport de 70 pages du comité, qui avait pour mandat de guider le fédéral dans l’élaboration d’un cadre législatif sur l’aide médicale à mourir.

«Nous avons eu un peu plus de fil à retordre avec la question de l’âge», a expliqué jeudi en mêlée de presse le président du comité, le député libéral Rob Oliphant.

«Nous ne croyons pas que l’âge devrait être un facteur, a-t-il enchaîné. Par contre, nous avons aussi dit que des études plus approfondies devraient être menées.»

Dans son rapport déposé jeudi, le comité recommande à Ottawa de mettre en place «un processus législatif en deux phases»: l’aide médicale à mourir devrait s’appliquer immédiatement aux adultes «capables», puis au maximum trois ans plus tard dans le cas de mineurs «capables et matures».

D’ici là, le fédéral devrait «s’engager sans tarder à ce que soit réalisée une étude sur les aspects d’ordre moral, médical et juridique entourant la notion de ‘mineur mature’», prescrit le rapport majoritaire intitulé «L’aide médicale à mourir: une approche centrée sur le patient».

Les quatre députés conservateurs qui siégeaient au comité s’opposent farouchement à l’inclusion des mineurs et plaident, dans un rapport dissident, que si la Cour suprême avait voulu «rendre l’aide médicale à mourir accessible aux mineurs matures, elle l’aurait précisé».

Ils jugent également que les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique ne devraient pas avoir accès à l’aide médicale à mourir, soutenant que cette clientèle est particulièrement «vulnérable» lorsqu’il est question de consentement éclairé.

Le comité, pour sa part, reconnaît «que l’application des critères d’admissibilité (…) posera des problèmes particuliers» pour ces personnes, mais ne voit pas comment on pourrait «refuser un droit reconnu par la Charte à cause du trouble mental» dont elles sont atteintes.

Autre pomme de discorde entre la majorité et la dissidence: le droit à l’objection de conscience pour les professionnels de la santé.

Les conservateurs estiment que les médecins objecteurs de conscience ne devraient pas être tenus de diriger les patients vers un collègue. «Nous pensons qu’un tel régime est inutile et empièterait sur les droits des médecins prévus par la Charte», est-il spécifié dans leur exposé.

Mais pour le comité, si un professionnel de la santé peut refuser d’aider un patient à mourir, il devrait en revanche être de son devoir d’«aiguille(r) correctement le patient pour qu’il obtienne l’aide demandée».

Vers une loi fédérale

La balle est maintenant dans le camp du gouvernement libéral. Ottawa a jusqu’au 6 juin pour adopter un cadre législatif pour encadrer l’aide médicale à mourir, ayant obtenu un délai de quatre mois de la Cour suprême du Canada.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a accueilli favorablement, mais prudemment, le rapport, esquivant les questions sur l’ouverture de l’accès de l’aide médicale à mourir aux mineurs ou aux personnes souffrant de troubles psychiatriques.

En point de presse dans le foyer des Communes, jeudi après-midi, elle n’a pas voulu dire si cette la date butoir du 6 juin serait respectée, se contentant d’assurer que le gouvernement «travaillerait fort» pour y arriver.

Les conservateurs, néo-démocrates et bloquistes pourront tous voter selon leur conscience.

Du côté des libéraux, après avoir indiqué que ce vote serait soumis à une ligne de parti, le leader du gouvernement en Chambre, Dominic LeBlanc, a laissé entendre que les députés pourraient voter librement.

«Nous allons discuter avec le caucus et d’autres personnes comme cabinet aussi quand nous aurons vu le projet de loi et quand nous aurons eu le bénéfice du rapport du comité de parlementaires», a-t-il dit en mêlée de presse mardi dernier.

«Ce sera à ce moment-là, je crois, le moment opportun de prendre une décision quant au vote ultime», a enchaîné M. LeBlanc.

Impact sur la loi québécoise

Du côté de Québec, on attend de voir le projet de loi d’Ottawa avant de spéculer sur les conséquences qu’il aurait sur la loi québécoise en matière de soins de fin de vie. «On traversera le pont quand on arrivera à la rivière», a déclaré le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

Mais pour l’avocat Jean-Pierre Ménard, qui a participé à l’élaboration de la loi québécoise, celle-ci devra forcément être ajustée.

«C’est clair que Québec va devoir réfléchir de quelle manière on va rendre la loi québécoise plus conciliable avec la Charte canadienne, qui a préséance», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

«Il y a maintenant moins de restrictions à cause de l’évolution du droit criminel, mais pour se faire une idée précise, il faudra voir la mesure exacte de la législation fédérale et voir jusqu’où le fédéral veut s’étirer le cou dans le champ de compétence des provinces», a poursuivi Me Ménard.

Autres recommandations

Au total, le rapport majoritaire contient 21 recommandations.

Sur la question du consentement préalable, le comité propose que l’on autorise le recours aux demandes anticipées «à tout moment, après qu’une personne aura reçu un diagnostic de problème de santé qui lui fera vraisemblablement perdre ses capacités ou un diagnostic de problème de santé grave ou irrémédiable, mais avant que les souffrances ne deviennent intolérables».

Les demandes d’aide médicale à mourir devraient par ailleurs être formulées par écrit et en présence de deux témoins n’étant pas «en situation de conflits d’intérêts», recommande le comité mixte.

Et tous les établissements de santé financés par l’État devraient être tenus d’offrir l’aide médicale à mourir, qui pourrait être administrée seulement lorsque deux médecins indépendants auront déterminé que le patient répond aux critères, est-il suggéré.

Le comité qui a produit le rapport était composé de 11 députés et cinq sénateurs. Il a tenu 16 réunions et entendu 61 témoins en plus d’avoir reçu plus d’une centaine de mémoires.

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