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Initiative de Muskoka: les femmes comme outils

OTTAWA – L’initiative canadienne lancée par le gouvernement conservateur pour la santé maternelle traite les femmes comme des outils pour fabriquer des bébés, de l’avis du directeur d’un organisme onusien.

Cette critique, Babatunde Osotimehin, directeur général du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), dit avoir eu peu d’occasions de la servir au Canada alors que Stephen Harper était au pouvoir.

«Nous devons admettre que (l’Initiative de Muskoka) a eu un impact sur la santé maternelle. (…) Mais je crois que ce que nous essayons de dire c’est que nous ne devrions pas traiter les femmes comme des corps servant à accoucher des bébés, mais plutôt comme des êtres humains ayant des droits et une dignité», a-t-il lancé lors d’un point de presse, mardi matin, dans l’édifice parlementaire.

M. Osotimehin était de passage à Ottawa en ce 8 mars pour livrer son rapport de 2015 sur l’état de la population mondiale, un rapport qui s’inquiète du sort des femmes et des filles dans un «monde en crise». La veille, il avait participé à une annonce du nouveau gouvernement libéral à Ottawa — 5 millions $ au UNFPA pour l’achat de contraceptifs.

Depuis le lancement en 2010 par le gouvernement Harper de l’Initiative de Muskoka pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dans les pays en développement, le Canada n’avait plus financé l’achat et la distribution de contraceptifs par l’UNFPA. L’organisme se décrit comme le plus important distributeur de contraceptifs dans l’espace public, au monde.

«À la conférence de Toronto (…), même l’annonce (…) incluait, à contrecoeur, la contraception. Mais nous n’avons jamais eu un sou pour la contraception», s’est souvenu le directeur de l’UNFPA.

Il a à nouveau applaudi le gouvernement Trudeau pour les 5 millions $ offerts la veille. «Il y a 225 millions de femmes et de filles dans le monde qui veulent de la planification familiale et qui n’y ont pas accès», a-t-il insisté.

Depuis l’élaboration de l’Initiative de Muskoka, le gouvernement canadien a été critiqué par plusieurs pour son refus de financer des avortements dans les pays en développement, une pratique que le gouvernement Trudeau n’a pas encore modifiée, même s’il a promis de le faire.

«L’Initiative de Muskoka (…) a instrumentalisé les femmes comme porteuses d’enfants et a fait passer les vies des mères avant celles d’autres femmes», a critiqué Sandeep Prasad, aux côtés de M. Osotimehin. M. Prasad est directeur général du groupe Action Canada pour la santé et les droits sexuels.

Il a reproché à l’initiative canadienne d’avoir «exclu» l’avortement et «négligé» la contraception, «malgré le fait qu’il est prouvé que ces deux interventions sont nécessaires».

M. Prasad s’attend maintenant à ce que le gouvernement de Justin Trudeau renverse définitivement la vapeur.

Encouragé par le geste de la veille, il en attend «beaucoup plus» et bientôt.

«Nous avons besoin de voir le gouvernement financer l’accès à des services d’avortement sécuritaires et augmenter davantage l’investissement pour les services de planification familiale que cet investissement initial», a-t-il réclamé.

M. Prasad dit avoir la patience d’attendre «quelques mois» encore.

Les conservateurs persistent et signent

Rona Ambrose, la leader par intérim du Parti conservateur, s’est dite navrée d’entendre ces critiques.

«Je pense que c’est un commentaire malheureux. (…) Au dernier compte, ceci avait sauvé les vies de six millions de femmes et de bébés. C’est un programme très respecté», a-t-elle dit de l’Initiative de Muskoka.

Mme Ambrose qui mène aujourd’hui l’opposition officielle, a refusé de prendre position que ce soit sur le droit à l’avortement ou sur son financement à l’étranger. Pressée de questions sur le sujet, elle a préféré quitter le point de presse. C’est alors qu’un de ses adjoints a reproché aux journalistes d’avoir posé des questions sur l’avortement devant une fillette de 12 ans.

Cette enfant, Mme Ambrose l’a invitée à se joindre à son point de presse à la sortie des Communes, pour souligner le 8 mars. Mme Ambrose a entamé son point de presse en lançant un appel à l’aide pour les femmes yazidies «capturées, torturées, violées et utilisées comme esclaves sexuelles par l’EI (le groupe État islamique)».

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