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Viols en Afghanistan: des Canadiens savaient

OTTAWA – Une enquête militaire a conclu que les soldats canadiens en Afghanistan n’avaient pas reçu l’ordre de leurs supérieurs d’ignorer des allégations d’agressions sexuelles commises par des militaires et interprètes afghans contre de jeunes garçons il y a dix ans.

Par contre, la commission d’enquête relève certains cas où les échelons inférieurs de la chaîne de commandement canadienne avaient été informés de possibles activités sexuelles entre des soldats afghans et des enfants en 2006, mais qu’aucun rapport n’avait été transmis au haut commandement à Ottawa, parce que les directives n’étaient pas claires.

L’état-major a déjà déterminé qu’aucun Canadien — militaire ou civil — n’avait été impliqué dans ces agressions sexuelles.

L’armée avait mis deux ans avant de réagir à ces allégations, en 2008 — et c’est à la suite du témoignage dans les médias d’un militaire canadien, qui accusait même l’état-major de vouloir camoufler toute l’affaire.

La commission d’enquête militaire a complété son rapport en 2010 mais il a ensuite fallu attendre encore six ans avant que le chef d’état-major ne l’approuve et le rende public. Ce long délai est attribué à «la portée et la complexité» des recommandations émises par la commission, de même qu’à la «concurrence des priorités» au sein de l’armée, explique-t-on aujourd’hui.

Mais le ministère de la Défense nationale soutient qu’il n’a pas attendu la fin des travaux de la commission avant d’améliorer ses procédures internes et de «combler les lacunes les plus pressantes». Le chef d’état-major de la défense a ainsi transmis dès juin 2008 une directive «ordonnant aux militaires de signaler et rapporter les incidents lorsqu’ils étaient témoins d’agressions sexuelles commises sur des enfants afghans, et d’intervenir si possible», indique mardi le ministère.

Le commandant du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre a aussi convoqué en 2008 une commission d’enquête pour se pencher sur les allégations d’agressions sexuelles.

Et si les militaires ont mis tant de temps à réagir aux allégations, c’est qu’au moment des incidents, l’armée «participait à une opération très difficile et en constante évolution, au cours de laquelle un grand nombre de ses soldats ont été tués ou blessés, et qu’elle avait un nombre élevé de problèmes graves à régler simultanément», lit-on dans le résumé du rapport de la commission d’enquête, publié mardi.

Par ailleurs, lors de leur entraînement avant le déploiement à l’étranger, les militaires doivent dorénavant apprendre à «analyser des enjeux éthiques et des violations du droit international des droits de la personne et y réagir, notamment en faisant rapport sur les agressions commises sur des femmes et des enfants dans une zone opérationnelle».

La commission attribue en effet l’inaction de l’armée en partie au fait que les militaires sur le terrain ne savaient pas exactement quoi faire de ces allégations d’agressions sexuelles commises contre des mineurs. Certains militaires ont même pu croire que ces agressions sexuelles étaient tolérées dans la culture afghane et qu’elles ne méritaient pas d’être signalées, conclut la commission.

À cause de ce manque de clarté dans les directives, l’état-major à Ottawa n’a pas été informé de ces allégations et n’a pu alerter les autorités gouvernementales et la diplomatie canadienne, conclut la commission.

«J’accueille favorablement les conclusions de la commission et je reconnais qu’il reste du travail à accomplir sur plusieurs fronts, notamment en ce qui concerne le temps qu’il nous a fallu pour rendre ce rapport public, a admis l’actuel chef d’état-major, le général Jonathan Vance.

«En revanche, je suis ravi de constater que les Forces armées canadiennes ont déjà donné suite à bon nombre de ses recommandations, ce qui contribuera à assurer la sécurité des populations vulnérables dans les théâtres d’opérations actuels et à venir.»

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