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Faire tomber les clichés sur les Autochtones

Photo: Colin Earp-Lavergne

Des groupes qui œuvrent pour battre en brèche les préjugés et favoriser le dialogue. Des projets culturels et éducatifs stimulants. Des jeunes qui travaillent pour leur nation. Parce que tout n’est pas noir dans les communautés autochtones, Métro présente l’autre côté de la médaille, à Montréal et en région. Dans cette deuxième partie, Métro est allé à la rencontre de personnes qui travaillent à bâtir des ponts entre Québécois et autochtones.

«Paies-tu tes taxes?», «Paies-tu l’Hydro?», «Si tu ne portes pas de fourrure, t’es pas une vraie autochtone». Des phrases comme celles-là, Bérénice Mollen Dupuis, qui est chargée de projets en éducation au centre Montréal autochtone, en a entendu souvent. Et elle n’est pas la seule.

«C’est pas tout le temps des questions, mais aussi des commentaires, précise Mélanie Lumsden. Quand tu dis que t’es autochtone et que t’as pas [le physique] de Pocahontas, les gens font “ah, je vois… tes joues, ton nez, tes yeux, oui, c’est vrai, je fais des liens.”»
Mélanie Lumsden est Inuit par sa mère et Belge par son père. Avec Widia Larivière, dont la mère est Algonquine, elle a récemment fondé l’organisme Mikana, qui a pour mission de sensibiliser les gens aux questions autochtones grâce à l’éducation, notamment. Mikana a, dans les derniers mois, produit avec le Wapikoni mobile une courte vidéo portant le titre Où sont tes plumes?, dans laquelle Bérénice Mollen Dupuis et sa sœur, Mélissa, reviennent sur des préjugés qu’elles entendent régulièrement.

L’approche de Mikana est axée sur les réalités sociohistoriques plutôt que sur les éléments culturels. Ainsi, Mélanie Lumsden et Widia Larivière préparent et donnent des ateliers, dans des organisations ou des cégeps par exemple, où sont abordées diverses questions comme le droit de vote (accordé aux autochtones par le Québec en 1969), la Loi sur les Indiens ou les pensionnats autochtones. Elles souhaitent mettre un terme au racisme et à la discrimination que subissent les Premières Nations et les Inuits, combler le fossé creusé par la méconnaissance des peuples et, ultimement, jeter les bases qui permettront de passer à un autre niveau, afin de pouvoir parler d’enjeux plus grands, comme l’autodétermination des peuples autochtones.

«J’aimerais que Mikana soit sollicité par des gouvernements pour les aider à implanter [des programmes] at large, de façon institutionnalisée, rêve à voix haute Widia Larivière. En ce moment, ça repose beaucoup sur des gens qui créent des initiatives super géniales, mais ponctuelles ou personnelles.»

«Quand t’es autochtone, les gens s’attendent à ce que tu sois expert en politique autochtone, en géographie, en éléments culturels, en langue… T’es censé être la référence ultime.» -Widia Larivière, coordonnatrice jeunesse de Femmes autochtones du Québec et cofondatrice de Mikana

Un théâtre qui rapproche
Pour les comédiens Charles Bender, Huron-Wendat, et Marco Collin, Innu de Mashteuiatsh, ainsi que pour le metteur en scène Xavier Huard, le rapprochement entre les cultures se fait à travers le théâtre. Leur compagnie, les Productions Menuentakuan, a présenté en février dernier Muliats, au Théâtre Denise-Pelletier. Ils planchent maintenant sur un projet de tournée dans les communautés autochtones et dans des villes en région afin de présenter la pièce, dont la prémisse est la rencontre entre Shaniss, Innu de Mashteuiatsh, et Christophe, son colocataire non-autochtone montréalais. Une rencontre qui ne se passe pas sans malaise – parce que l’un commet certains faux pas selon l’autre –, mais où il n’y a ni bon ni méchant.

«Dans Muliats, on rit un peu de cette ignorance. On montre son côté absurde et rigolo, mais c’est quand même quelque chose qui est grave», précise Xavier Huard. Après chaque représentation, le public était invité à discuter avec la troupe autour d’un thé du Labrador sur les réalités exposées. «La rectitude politique a vraiment beaucoup d’avantages, mais elle peut être mal utilisée, ou devenir un frein. Une fois qu’on brise ça [en abordant de front le malaise entre Shaniss et Christophe], on peut enfin se dire les vraies affaires sans avoir peur de s’enfarger dans les mots», croit Charles Bender.

Muliats a reçu un très bel accueil à Montréal, où elle a été présentée plusieurs soirs à guichets fermés à la salle Fred-Barry. Mais, en général, «dans [les milieux urbains], il y a très peu d’occasions pour les Québécois d’entrer en contact avec les Premières Nations», constate de son côté Alexandre Bacon, aussi Innu de Mashteuiatsh. M. Bacon est derrière le Cercle Kisis, une organisation implantée à Québec et à Gatineau qui vise le rapprochement entre les peuples et le rayonnement des cultures autochtones. Le Cercle Kisis mise sur la création de lieux d’échange et d’assemblées citoyennes ainsi que sur le soutien d’événements spéciaux qui permettent le rayonnement des cultures autochtones.

«Mon histoire, c’est pas moi qui l’ai écrite. Aujourd’hui, on essaie de rétablir des faits qui ont été écrits il y a tellement longtemps! C’est difficile.» -Marco Collin, comédien innu

Un pont implique un fossé
«Je ne suis pas d’accord avec l’histoire du pont, précise Réjean O’Bomsawin, élu au Conseil de bande de la nation abénakise d’Odanak. Comment peux-tu créer un lien entre deux groupes quand tu gardes le fossé entre les deux?»

M. O’Bomsawin illustre ses propos en utilisant l’image d’un pont-levis, prêt à être remonté en cas de besoin. «Il faudrait [plutôt] voir ça comme un métier à tisser. Chacun de nous est une fibre de la société québécoise.»

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