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Matricule 728 connaîtra sa sentence jeudi

MONTRÉAL – Stéfanie Trudeau, l’ex-policière montréalaise connue sous le sobriquet de «matricule 728», connaîtra sa sentence jeudi.

Présente lors des représentations sur sentence, elle n’a pas caché son impatience à maintes reprises, allant jusqu’à marmonner son désaccord, lorsque le juge Daniel Bédard, de la Cour du Québec, a expliqué les raisons de sa réticence éventuelle à lui accorder l’absolution qu’elle réclame.

Stéfanie Trudeau, aujourd’hui âgée de 44 ans, a été reconnue coupable le 25 février dernier de voies de fait sur Serge Lavoie lors de son arrestation musclée en 2012.

Son avocat, Me Jean-Pierre Rancourt, a cherché à faire valoir que la policière, maintenant à la retraite, était en quelque sorte une victime de la forte médiatisation de son dossier, qu’elle avait été remise au travail alors qu’elle était encore traumatisée par un autre événement précédent où on l’avait filmée aspergeant des manifestants de poivre de Cayenne.

Me Rancourt a notamment mis en preuve plusieurs rapports de psychiatres faisant état de stress post-traumatique chez Stéfanie Trudeau et a fait valoir que sa cliente, qui prenait régulièrement des vacances aux États-Unis avec sa conjointe et ses deux enfants, ne pourrait plus s’y rendre advenant une condamnation.

«Il faudrait que la Cour puisse sympathiser; cette femme était traumatisée», a plaidé le juriste.

La Couronne, pour sa part, réclame une peine suspendue de 12 mois assortie de 60 heures de travaux communautaires.

Le procureur Jean-Simon Larouche n’a pas hésité à faire valoir que Stéfanie Trudeau ne reconnaît aucunement ses torts et n’a aucune compassion envers ses victimes: «l’accusée ne reconnaît aucune responsabilité et n’a surtout pas de remords», a-t-il fait valoir devant le juge Bédard.

Sans vendre la mèche tout à fait, le magistrat a tout de même donné un aperçu de ses intentions lorsqu’il a averti l’avocat de l’accusée des limites dans lesquelles une absolution peut être donnée à un policier.

D’une part, il a souligné que Stéfanie Trudeau avait elle-même contribué à la médiatisation de son dossier en publiant un livre et en se livrant à une tournée des médias.

Mais surtout, le juge a clairement rappelé que si le public comprend et accepte que la société démocratique donne des pouvoirs très larges aux policiers, il sait et exige aussi qu’un «policier ne peut pas brutaliser un citoyen.»

«Le public s’attend à ce que le tribunal fasse passer le message aux policiers qu’ils traversent la ligne», a laissé tomber le juge devant une Stéfanie Trudeau qui se tenait alors le visage en secouant la tête.

Stéfanie Trudeau a cependant porté en appel ce verdict, dans lequel le juge Bédard avait également écorché sévèrement au passage ses collègues du SPVM, mettant en doute la véracité de leurs témoignages en marge de l’incident du 2 octobre 2012.

L’affaire avait débuté lorsque Stéfanie Trudeau avait interpellé un citoyen qui se trouvait à l’extérieur de son local, sur le Plateau Mont-Royal, une bière à la main, alors qu’il était allé ouvrir la porte à un ami.

Lorsqu’elle avait demandé à Rudi Ochietti de s’identifier et que celui-ci lui avait demandé pourquoi, la policière l’avait maîtrisé de force, alléguant un refus de s’identifier. Or, le juge Bédard estime qu’il s’agit là d’une «interpellation qui a eu lieu de manière brusque et dénuée de tout civisme» assortie de l’utilisation d’une «force excessive.»

Le magistrat avait conclu qu’il s’agissait donc d’une arrestation illégale et qu’à compter de ce moment, la policière n’était plus dans l’exercice légitime de ses fonctions.

Puis, un ami d’Ochietti, Serge Lavoie, avait commencé à filmer la scène et à l’insulter; la policière s’était alors lancée à sa poursuite pour le rattraper dans l’escalier menant au local de la rue Papineau, l’empoignant au cou à deux reprises. La justification de cette intervention était que Serge Lavoie se livrait à une entrave au travail policier.

Le juge Bédard avait conclu là aussi qu’il n’y avait pas là d’entrave puisque l’arrestation était illégale.

Il avait qualifié de «brutale et dangereuse» l’intervention de Stéfanie Trudeau, ajoutant que «c’est la rage et non la nécessité qui guide l’accusée.» Il avait aussi insisté à quelques reprises sur le caractère démesuré et excessif de la force utilisée alors qu’elle n’était «même pas nécessaire.»

Le juge avait également qualifié de «surprenant» le témoignage de tous les autres policiers qui avaient pris charge des citoyens arrêtés lors de l’incident, leur reprochant de vouloir démontrer qu’ils étaient intoxiqués alors que ni la preuve, ni les témoignages de Rudi Ochietti, Serge Lavoie et leurs amis, ni même les nombreuses bandes vidéo des événements ne démontraient quelque signe d’intoxication que ce soit.

Le juge Bédard s’était toutefois bien gardé d’accuser les membres du SPVM impliqués de se livrer à un camouflage pour protéger leur collègue, rappelant que sa décision ne portait que sur les gestes de Stéfanie Trudeau.

Sanction en déontologie

Par ailleurs, Stéfanie Trudeau a également été sanctionnée le 1er mars dernier en déontologie policière pour avoir arraché et jeté au sol les écouteurs d’un citoyen.

Elle avait reconnu sa responsabilité dans cette affaire. Le comité de déontologie lui avait imposé une sanction d’inhabilité à exercer ses fonctions pour une durée de trois mois.

Bien que Stéfanie Trudeau ait quitté le SPVM en octobre 2015, cette sanction fait en sorte qu’elle ne pourrait occuper un poste d’agent de la paix ailleurs jusqu’au 1er juin prochain.

Le comité de déontologie avait jugé que la policière ne s’était pas comportée de manière «à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction».

Dans cette affaire, qui s’est déroulée à Montréal en 2012, le plaignant avait reproché à une chauffeuse d’autobus d’être arrivée à l’arrêt en retard sur un ton assez agressif pour que l’employée appelle les policiers.

L’agente Trudeau était arrivée sur les lieux et avait demandé à deux reprises au plaignant ce qui s’était passé et, voyant qu’il avait des écouteurs sur les oreilles, les lui avait enlevés et lancés au sol. Le plaignant avait été menotté, puis libéré sans être accusé.

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