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Gestion de l'offre: Bernier change de position

Maxime Bernier. Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld / La Presse Canadienne

OTTAWA – Après avoir promis de défendre bec et ongles le système de gestion de l’offre «par solidarité ministérielle», Maxime Bernier a confirmé qu’il changeait son fusil d’épaule.

Le candidat à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC) a été catégorique, mardi: ce système «totalement injuste» et «inefficace» qui régit les productions de lait, d’oeufs et de volaille devrait être graduellement aboli.

La gestion de l’offre «maintient des prix artificiellement élevés (…) par le contrôle de la production, l’interdiction des importations et la fixation des prix par des bureaucrates», a-t-il exposé en conférence de presse à Ottawa, mardi.

Alors qu’il était ministre d’État à l’Agriculture, il avait promis à des producteurs en colère venus le visiter à son bureau de circonscription, en juillet dernier, que les conservateurs protégeraient intégralement la gestion de l’offre dans le Partenariat transpacifique (PTP).

Mais voilà, cette position était — et demeure — celle du PCC, et «comme député et ministre au sein d’un gouvernement qui appuie la gestion de l’offre, je n’étais pas en position de remettre en question la décision du parti ou (de trahir) la solidarité ministérielle», a insisté M. Bernier.

«Lors de la négociation des ententes de libre-échange, le Canada a toujours mis l’accent sur la protection des secteurs couverts par la gestion de l’offre plutôt que sur l’ouverture des marchés pour les autres produits agricoles», a-t-il déploré.

«Nous limitons le développement de milliers d’autres entreprises agricoles à travers le pays en empêchant la création de milliers d’emplois afin de satisfaire un petit — mais puissant — lobby», a ajouté celui qui se revendique de la mouvance libertarienne.

Le député de Beauce propose de suivre le modèle australien en éliminant graduellement le système, sur une période de cinq à dix ans. La compensation de «la pleine valeur des quotas» se chiffrerait, selon l’élu, à un montant oscillant entre 18 et 28 milliards $.

À terme, au lieu de débourser 2,6 milliards $ par année «à la suite de la fixation des prix au-dessus du prix du marché mondial», les contribuables canadiens subventionneraient l’industrie à hauteur d’environ 10 millions annuellement, a évalué Maxime Bernier.

L’abolition intégrale du système canadien de la gestion de l’offre menacerait de 4500 à 6000 fermes et pourrait faire disparaître jusqu’à 24 000 emplois directs au pays, selon une nouvelle étude commandée par Agropur, dont les résultats ont été rendus publics en juillet dernier.

Oui, «il y a certaines fermes qui vont devoir fermer, ça va être leur choix», a laissé tomber M. Bernier lorsqu’on lui a demandé quel impact aurait sa proposition sur l’industrie.

«Mais je peux vous dire que si on regarde le modèle australien, il y a peu de fermes qui ont fermé. Plusieurs fermes ont profité de l’occasion de pouvoir exporter leur produit», a-t-il fait valoir.

La position de Maxime Bernier fait déjà des mécontents au sein du caucus conservateur du Québec, tout particulièrement son collègue Luc Berthold.

«Avis: avec mes prod(ucteurs) laitiers, je n’appuierai pas un candidat qui se prononce contre la gestion de l’offre. Point», a écrit sur Twitter l’élu de la circonscription de Mégantic—L’Érable.

Les députés Gérard Deltell et Alupa Clarke ont pour leur part dit appuyer la position du parti en matière de gestion de l’offre, tout comme leur collègue Jacques Gourde — ce dernier copréside la campagne à la direction de M. Bernier.

En mettant ainsi cartes sur table, mardi, le député beauceron vient de «partager le fond de la pensée du Parti conservateur, qui a toujours été opposé à la gestion de l’offre et le voit comme une ingérence dans le marché libre», a analysé le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Selon lui, Maxime Bernier «refuse de comprendre que les Américains mettent plus d’argent public dans leur industrie laitière que nous», par voie de subvention directe.

«C’est notre système qui est le plus conforme aux règles du marché, parce que c’est l’utilisateur qui est le payeur. Aux États-Unis, c’est tous les gens qui paient, même s’ils ne consomment pas de produits laitiers», a suggéré M. Mulcair en point de presse.

Le chef intérimaire bloquiste, Rhéal Fortin, prédit que la proposition ne passera pas au Québec, qui compte quelque 5900 des 11 960 fermes laitières au pays, et qui serait donc parmi les provinces les plus touchées, d’après l’étude commandée par Agropur.

Elle pourrait aussi nuire au député de Beauce dans sa quête d’appuis au Québec dans le cadre de la course à la direction conservatrice, a soumis le leader bloquiste.

«C’est clair. Écoutez, j’ai de la misère à voir où il s’en va avec ça (…) Je serais bien étonné qu’il gagne des votes avec ça», a affirmé M. Fortin.

Tracteurs en route vers Ottawa

Pendant que Maxime Bernier pourfendait la gestion de l’offre au parlement, des agriculteurs exaspérés au volant d’un convoi de tracteurs se dirigeaient vers Ottawa pour la défendre.

Partis de Québec lundi, les producteurs devraient arriver dans la capitale fédérale jeudi, où se tiendra un rassemblement devant le parlement.

Ils exigeront des garanties que le fédéral les compensera pour les dommages annuels estimés à 400 millions $ que causera l’entrée en vigueur du PTP et de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

«Le gouvernement canadien doit comprendre que des milliers d’entreprises agricoles sont à bout de souffle à cause des pertes encaissées et que les producteurs n’ont plus de patience», a déclaré dans un communiqué le président des Producteurs de lait du Québec (PLQ), Bruno Letendre.

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