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The Bad Kids: de beaux p’tits bums

Photo: The Film Collaborative

Le documen­taire qui leur est consacré s’appelle The Bad Kids. Pourtant, les jeunes qu’on y voit mener un combat perpétuel pour avoir une vie meilleure sont tout sauf méchants.
Au contraire.

Au cœur du désert de Mojave, dans une ville qui «avale ses habitants et les tire vers le bas» et où «il n’y a vraiment rien à faire, sauf des mauvais coups», l’école secondaire de Black Rock accueille des jeunes qui en ont trop vu pour leur âge. Certains vivent dans la rue après s’être fait mettre dehors par leurs parents, d’autres ont été évincés et ont trouvé refuge chez des amis. Chez ceux qui restent à la maison, l’environnement est souvent marqué par la violence, la drogue, la négligence, la faim.

Gagnant du prix du jury au dernier festival de Sundance, The Bad Kids montre non seulement les cycles dans lesquels ces adolescents se trouvent plongés et aspirés contre leur gré, mais surtout la force et la détermination qu’ils déploient pour s’en sortir. Et les profs qui les guident et leur offrent du soutien n’en sont pas dénués eux non plus.

L’histoire se déroule en Californie, mais elle pourrait se dérouler ici, à plein d’endroits. Se positionnant en observateurs, sans passer de commentaires, les réalisateurs Keith Fulton et Louis Pepe se glissent dans les salles de classe, laissent parler les sujets, font défiler leurs remarques en voix hors champ. Les bruits de leurs confessions s’entremêlent, deviennent une cacophonie de paroles toutes plus douloureuses les unes que les autres à entendre. «Beaucoup de gens sont coincés dans cette ville.» «Je ne veux pas être comme mes parents.» «Je veux juste sortir d’ici.»

Les cinéastes pénètrent aussi dans la salle de réunion des professeurs, qui mettent tout leur cœur dans leur profession et s’inquiètent de leurs élèves. «Ont-ils un endroit où dormir?» «De quoi manger?» «De l’eau?» «Des vêtements?»

Certaines phrases peuvent sonner «télégraphiées»; pourtant, on comprend que c’est le bagage du passé qui donne ce regard perceptif sur la vie aux protagonistes qui «n’ont pas vraiment eu d’enfance». «J’ai 18 ans depuis que j’en ai 13», note un jeune homme avec sagesse. «Je suis heureuse d’avoir vécu ce que j’ai vécu, souligne l’une de ses camarades de classe. Même si c’était très, très dur, ça m’a rendue plus forte. Je suis devenue une meilleure personne.»

Parfois difficile à regarder, le documentaire – enrobé par la musique de l’artiste polonais Jacaszek, réputé pour son mélange d’électro et de classique – n’offre pas trop d’explications. Ainsi, dans une scène, une élève déterminée, issue d’un milieu compliqué, se prépare à célébrer une réussite scolaire. Au téléphone, elle prie : «Maman, t’es mieux de venir!» Dans la scène suivante : un gâteau avec des bougies. Puis, un gâteau à moitié dévoré. Puis elle, en pleurs. Sa mère n’est jamais venue.

De la même façon, à l’aide de deux ou trois scènes très brèves, on comprend pourquoi la directrice de l’école, Vonda Viland, s’investit à ce point et, de cette façon, dans son travail. Un jour, elle a été cette jeune fille.

Grande authenticité
Le film n’offre pas de dénouement heureux exprès pour la caméra. Pas de «tout va bien, soucis réglés, fin». Les moments de joie sont soulignés, mais pas de manière à donner de faux espoirs. Ainsi, l’élève le plus prometteur, un talentueux guitariste charismatique et au grand cœur, se verra félicité pour ses efforts puis perdra la carte, sa situation familiale ne cessant de dégénérer entre un beau-père violent et une mère accro au crystal meth. Au générique, c’est toutefois lui qu’on entend chanter, source, on le devine, de grande fierté.

Une fierté équivalente à celle que semble ressentir cet étudiant qui, avec le temps, a appris à maîtriser sa colère. «Quand tu es arrivé ici, tu étais très fâché, lui rappelle la directrice. Tu tapais sur les gens. Et on s’était dit quoi? Voilà : que tu allais taper sur des murs à la place. Aujourd’hui, tu t’es fâché et qu’est-ce qui est arrivé?» Énorme sourire : «Je me suis simplement éloigné. Je n’ai tapé sur rien ni personne.»

Hommage au pouvoir de l’éducation, ce film brille par de telles scènes où ressort toute la résilience de ces jeunes. Quand ils cueillent leur diplôme sous les applaudissements et les câlins de leurs copains. Quand ils se rassemblent, émerveillés, pour prendre des photos d’un arc-en-ciel. Pas du tout des bad kids.

Présenté au Centre Phi
Mercredi à 19 h 30

https://www.youtube.com/watch?v=do81KKGTV7U

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