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Prank: La bonne blague

Photo: Collaboration spéciale

métro à veniseNotre journaliste Natalia Wysocka se trouvait ces derniers jours à la Mostra de Venise, célèbre festival international de cinéma en Italie.

Selon ses inventifs créateurs, Prank, c’est «exactement comme Die Hard. Mais sans le gratte-ciel». C’est aussi un film «basé sur une idée pas mal cool». À savoir, celle d’un garçon solitaire qui joue. Joue de la clarinette, joue à la balle au mur. Toujours tout seul. Jusqu’à ce qu’il se lie d’am… hmm, peut-être pas. Disons d’un genre de semblant d’amitié avec un trio de jeunes qui «terrorisent la cité de Sorel», en enchaînant les coups pendables.

C’est un drame sur l’adolescence, mais pas l’un de ceux où les malheurs s’empilent les uns sur les autres, tragédie sur tragédie, catastrophe sur catastrophe, sans aucune porte de sortie. C’est une comédie sur la jeunesse, mais pas de celles où tout est juste niaiseux pour être niaiseux, pet, pet, pouet, pouet. C’est un mélange d’influences et de styles où des kids font de ces folies qu’on trouve somme toute banales quand on n’a pas encore atteint cet âge adulte (bâillement) fait de responsabilités et de sérieux. Un film qui se déroule à cette tendre époque où l’essentiel de nos journées consiste à traîner avec les copains et à se mettre au défi de manger des hot-dogs le plus rapidement possible, en trois, quatre bouchées, GO! Où, en se cherchant une activité, il apparaît absolument normal de lancer une phrase comme: «Me semble que ça serait un bon après-midi pour faire de la drogue.»

Premier long métrage de Vincent Biron, Prank (terme qui signifie «farce», «vilain tour») est fait de multiples canulars réalisés par un trio de jeunes «cool», auquel s’est greffé par la force du hasard (et parce qu’il possède un chouette téléphone intelligent) un ado gentil et timide.

C’est alors qu’il traversait des moments tristes, en prenant soin de son père malade, que le cinéaste a eu l’idée de ce film. Pour l’épauler dans sa délirante entreprise, il a fait appel à ses amis scénaristes Alexandre Auger, Eric K. Boulianne et Marc-Antoine Rioux. Ou, comme il les appelle, «les gars qui me font le plus rire au monde».

Le réalisateur et directeur photo leur a alors présenté ce qu’il avait en main. «Un concept général. Un titre. Une idée assez vague des personnages.» Ensemble, le quatuor de potes a pondu une histoire à la fois marrante et attendrissante, faite de répliques assez extraordinaires comme:

«Il a la face d’un gars qui achète des chips au ketchup» ou:

«Tu bois du café au moins?
– Ben, j’prends des cappuccinos glacés…»

Porté par un esprit punk et DIY, leur labeur d’amour, labor of love, s’est retrouvé à la Mostra. Surprise.

Lors du 5 à 7 organisé lundi dernier par Téléfilm Canada au Lido, pour célébrer la forte présence des cinéastes d’ici à Venise, Vincent nous a d’ailleurs lancé, autour d’une rondelle géante de parmesan (assurément que les malfrats de Prank auraient trouvé un gag à faire avec ça) : «On a vraiment fait le film qu’on voulait faire. On ne pensait jamais être pris dans un festival!»

De retour au pays, il rectifie: «Je m’attendais peut-être à l’être dans certains festivals. Par exemple à Toronto, parce qu’il y a une section variée. Mais Venise, c’était une belle surprise. On était vraiment le film décalé, étrange de la sélection!»

(La sélection en question, c’était La semaine de la critique. Le prix, remis par le public, est finalement allé au film colombien Los Nadie, de Juan Sebastián Mesa.)

«Les gens sont très prompts à proclamer que le cinéma est mort, qu’il n’y a plus rien de bon. Peut-être que je suis un optimiste invétéré, mais je trouve qu’il y a quelque chose de très vibrant qui se passe présentement au Québec et sur la scène internationale. Il y a un éclatement du médium; des voix qui proclament que la poésie cinématographique peut être très vaste.»  –Vincent Biron, réalisateur, coscénariste et directeur photo de Prank

C’est avec un t-shirt sur lequel on pouvait lire «I cœur Béla» (comprendre: Béla Tarr), que Vincent Biron s’est pointé à la première mondiale de son film en sol italien. Il faut dire que l’estimé cinéaste hongrois est célébré en grand dans Prank. Parce que, comme le remarquent les personnages, Le cheval de Turin, c’est un film qui «fait réfléchir. Et c’est important, réfléchir. C’est deep, la vie».

Les sélectionneurs de la Semaine de la critique ont d’ailleurs vanté la «grande cinéphilie» du réal et de ses collaborateurs, qui placent sur le même piédestal des films comme Le cheval de Turin, justement, et Bloodsport. Hey, pourquoi on ne pourrait pas savourer l’un comme l’autre, après tout? «Malheureusement, déplore Vincent, il existe une tendance à se ranger dans un camp ou dans l’autre, qui relève un peu de l’école secondaire. “Moi, je fais partie de telle gang, donc je n’aime pas tel film!” Même quand j’étais ado, je trouvais ça absurde. Pourquoi se contenter d’avoir des amis d’un groupe, alors qu’on peut être riche des expériences de tout le monde? De la même façon, au cinéma, je trouve plaisir dans toutes sortes de trucs. Et je le revendique haut et fort.»

Il le revendique aussi à plein d’endroits. Aujourd’hui, il présente son bébé aux représentants de la presse et de l’industrie au Festival international du film de Toronto, communément appelé le TIFF. Un grand et glamour rassemblement où il a gagné un prix, en 2010, pour son premier court métrage, Les fleurs de l’âge. «Mon Dieu, je me sens vieux de dire ça, mais je commence à être un habitué de ce festival!» s’exclame-t-il.

Vieux, clairement pas – il est né en 1984 –, mais possédant une feuille de route plus qu’honorable, assurément. Car en plus d’avoir signé plusieurs courts, le cinéaste s’est notamment occupé de la direction photo du Bestiaire, de Denis Côté et, en partie, de celle de X Quinientos, du réalisateur montréalais d’origine colombienne Juan Andrés Arango, présentement projeté au TIFF.

À ce même TIFF, Vincent Biron espère que Prank sera bien reçu. Et il a de bonnes chances de l’être. D’abord parce que, après l’avoir vu, on peut dire que c’est un film vraiment trop le fun. Mais aussi parce que, comme le remarque son créateur, il est «teinté par une sensibilité nord-américaine». Plusieurs l’ont d’ores et déjà placé dans la lignée des comédies trash et tendres de Kevin Smith. Un réalisateur culte qui, bien qu’il nous ait donné des œuvres légèrement moins… euh, marquantes ces dernières années (serrement de cœur en pensant au douloureusement catastrophique Tusk), reste l’une des grandes influences du metteur en scène québécois. «J’ai vu Clerks quand j’avais 15 ans, se souvient-il. Savoir que ce film avait été présenté à Cannes m’a permis de réaliser que ça pouvait aussi être ça, l’art. Que l’art n’était pas obligé d’avoir des visées transcendantes et spirituelles. Que ça pouvait être du divertissement et parler de la vie de façon très simple. Et si je pouvais concilier ces deux choses dans mes films, ça me rendrait vraiment très, très heureux!»

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