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Alexandre Poulin: À la recherche du temps perdu

Photo: Josie Desmarais/Métro

Amours usées, relations virtuelles, intimidation, mais surtout, envie de ralentir: Alexandre Poulin explore Les temps sauvages sur son quatrième album.

Entre son troisième album, Le mouvement des marées, et son dernier opus, Les temps sauvages, l’auteur-compositeur-interprète Alexandre Poulin est devenu papa. «Bon, j’espère que je ne vais pas écrire 10 chansons sur ma fille», a-t-il médité avant de se remettre à l’écriture, avant de se rendre compte qu’être parent, ça joue surtout sur «la perception des choses». Ainsi, une pièce comme Les serpents, sur laquelle il chante «C’est promis, t’oublieras la gang de p’tits crisses / qui s’en prennent à toi dans la cour d’école», il assure qu’il n’aurait pas pu l’écrire avant. «J’ai moi-même vécu de l’intimidation quand j’étais jeune – comme bien du monde –, mais je ne m’étais jamais demandé comment mes parents l’avaient vécu. Le fait de devenir parent a apporté ce regard-là.»

Et de manière plus large, c’est le temps qui teinte surtout ce nouveau disque – parce que rien ne vous force davantage à le voir passer à une vitesse folle qu’un petit être qui croît sous vos yeux, fait-il remarquer. «Je lisais un article l’autre jour, qui disait qu’un être humain voyait aujourd’hui plus d’images avant de sortir de son lit que dans toute une journée il y a 20 ans, raconte Poulin. On n’a plus vraiment le temps de réfléchir, quand on a cinq minutes à tuer et qu’on a notre téléphone dans la main. Je ne suis pas contre les réseaux sociaux et la technologie, loin de là, mais j’avais envie de plaider pour un retour à l’essence, à la famille.»

Le titre Les temps sauvages exprime d’ailleurs cette dualité dans sa vision : «C’est une époque intense. Le mot “sauvage” peut évoquer la liberté, l’émotion brute de tenir ton enfant pour la première fois – ou encore les émotions sauvages liées à une rupture, ou une attaque sauvage.»

La chanson Couleurs primaires, justement, évoque les attaques terroristes qui ont secoué Paris l’an dernier – Alexandre Poulin, qui y a beaucoup d’amis, s’y trouvait depuis deux semaines quand le Bataclan a été attaqué. «Mais ce n’est pas une chanson là-dessus à proprement parler, nuance-t-il. C’est une pièce que je voulais essoufflante, parce qu’on est tellement bousculés, bombardés, tout va toujours tellement vite. Et je suis né de même, je veux toujours trouver une note positive dans ce que j’écris.» Aussi fredonne-t-il : «Moi, je crois […] qu’ensemble on peut faire pencher la balance / Sinon l’équilibre du monde n’a pas de sens».

 «Pour une première fois, je suis sorti du studio avec l’album que je voulais faire. Non pas que je n’étais pas satisfait les autres fois, mais j’avais une idée précise de ce que je voulais que Les temps sauvages soit, et c’est à ça qu’on est arrivés.» – Alexandre Poulin, qui a coréalisé son album avec Mathieu Perreault et Guido Del Fabbro, et qui avait «envie de sortir du canevas folk-americana pour aller ailleurs»

Combat pour l’amour
Qu’on se rassure: même si les chansons d’amour des Temps sauvages jettent souvent un regard sur des aspects moins reluisants de la vie de couple (l’usure du temps dans Nos cœurs qui battent, l’infidélité sur laquelle on ferme les yeux dans Paratonnerre), celle d’Alexandre Poulin se porte très bien. «Mais autour de moi, j’ai plusieurs amis proches, parfois avec des jeunes enfants, qui se sont laissés», révèle-t-il.

Selon le chanteur de 38 ans, les amours qui s’usent sont probablement «un des grands défis à surmonter de notre génération». «Bien sûr, il y a des fois où il faut effectivement qu’une relation s’arrête, concède-t-il. Mais on vit tellement dans une ère de consommer-jeter qu’on ne se bat plus pour grand-chose, parce qu’on est soumis à tellement d’offres, à tellement de contacts. Quand on n’a qu’à aller sur Facebook ou Tinder pour trouver la prochaine option, c’est dur de défendre son couple, de se battre pour ce qu’on a construit, mais je pense que, pour bien du monde, ça vaut la peine.»

Les belles histoires
Ce n’est pas un hasard si Alexandre Poulin a choisi de se joindre, pour la réalisation de son album, à Guido Del Fabbro, musicien qui a touché au cinéma, au théâtre et travaillé avec des artistes comme Pierre Lapointe. «J’avais envie d’aller dans ces ambiances-là, car je fais un peu de la chanson histoire», dit-il.

Une de celles-ci, Une histoire de monstres, racontée par un albinos aux dons de guérisseur, fils d’une femme-caoutchouc et d’un bon géant, a particulièrement des airs de conte de fées. «Ç’a été une belle surprise, cette chanson-là, se souvient Poulin. La dernière année avait vraiment été intense avec la tournée, des rénos… Je me suis isolé dans un chalet dans le bois, comme je fais souvent, avec mon ordi, une fenêtre, la neige. J’ai construit un univers bizarre de cirque, et tout est parti de cet univers. Je ne savais pas de quoi ça allait parler, j’étais juste curieux de suivre les personnages, comme dans un roman. J’en avais écrit les trois quarts quand j’ai réalisé que c’était une chanson qui parlait de la peur de l’étranger et de la différence.»

Une autre «surprise» a été Les amours satellites, où il nous fait entrer dans l’intimité d’un couple dont les membres vivent sur des continents différents. «Ça faisait un bout que ça me travaillait, cette idée de deux amoureux qui ne se sont jamais vus, lui à Brossard, elle à Tokyo, raconte-t-il. Deux personnes qui vivent en parallèle de leur vie parce qu’ils font tout rapidement pour se retrouver devant leur écran. Qu’est-ce qu’il reste d’humain là-dedans, est-ce que c’est une vraie relation? Je trouve ça perturbant, mais je ne connais pas la réponse.» C’est d’ailleurs pour cette raison que l’artiste a coupé un couplet qui concluait l’histoire : «Je ne voulais pas donner de réponse. C’est l’fun de laisser les gens se construire une finale, comme une chanson dont vous êtes le héros. La bonne réponse n’existe pas.»

Infos

L’album Les temps sauvages est offert dès vendredi.

Lancement au cabaret du Lion d’Or jeudi soir à 17h dans le cadre de Coup de cœur francophone

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