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Mixed Feelings aux RIDM : Payer le prix de sa pensée critique

Photo: Collaboration spéciale

Dans Mixed Feelings, présenté aux Rencontres internationales du documentaire ce week-end (RIDM), le réalisateur Guy Davidi célèbre la volonté et le courage d’un artiste engagé, à contre-courant du régime israélien.

Un artiste peut-il créer des œuvres à teneur hautement politique, qui démolissent la pensée dominante d’une société en combat perpétuel, sans s’attirer les foudres du public et la colère des instances gouvernementales? À en croire l’exemple du réalisateur israélien Guy Davidi, nommé aux Oscars en 2013 pour 5 Broken Cameras, il semblerait que non.

Quatre ans après avoir présenté ce documentaire aux RIDM, le cinéaste est de retour à Montréal ce week-end pour proposer Mixed Feelings, le portrait d’un artiste prêt à tout pour éviter la censure. Ancien acteur ayant enseigné à tous les grands du pays dans les années 1980, Amir Orian donne ses ateliers d’art dramatique à Tel-Aviv dans son salon, soit le quartier général du théâtre expérimental qu’il a fondé. Davidi nous plonge au cœur des répétitions enflammées de la pièce Huis clos de Jean-Paul Sartre que prépare Orian avec ses étudiants (à noter : d’anciens combattants de l’armée israélienne), mais les accrochages à la suite de l’opposition non dissimulée du professeur à l’égard des attaques d’Israël sur Gaza pendant la période de tournage prennent rapidement le dessus.

Il y a l’étudiant pris d’un amour «intense» pour l’État d’Israël, celle qui voit dans les discours d’Orian «un monologue antisémite» et le mec plus ouvertement pugnace, rappelant à l’ordre son instituteur en lui disant : «On n’est pas venus ici pour être de meilleures personnes. On est venus pour être comédiens.» Nous avons joint Davidi pour discuter de l’importance de la pensée critique dans l’art et de la guérison qu’offre la créativité.

Vous avez suivi un cours de mise en scène avec Amir Orian en 2005. À quel moment avez-vous songé à faire un portrait de l’homme?
Après mon cours, nous sommes devenus amis, et je l’aidais bénévolement à documenter certains événements de son théâtre. Je constatais de nombreux affrontements avec ses étudiants à cause de ses opinions. Il n’a aucune autocensure et s’exprime de façon éloquente. Ça brusque les Israéliens, car ce qu’il dit est à mille lieues de tout ce qu’on leur a présenté à l’école. Cela cause invariablement des frictions avec ses étudiants, et je trouve ça fascinant. Il continue de le faire, même si cela limite son revenu.

«Plusieurs anciens étudiants d’Amir reviennent le voir plusieurs années après et lui confient que ses interventions ont eu un énorme impact sur leur vision du monde. Ça me donne le droit d’être optimiste pour la suite des choses.»
– Guy Davidi, cinéaste

Comme Amir, vous travaillez à développer la pensée critique d’autres artistes, notamment par votre ancien projet Video Act. Il semble y avoir plusieurs parallèles entre votre pratique artistique et celle d’Amir.
Absolument. Je crois que là où nous nous rejoignons le plus, c’est dans notre vision de l’art – ce qu’une œuvre devrait accomplir. Le moteur d’Amir est de changer l’opinion des gens par le biais de ses projets. Cela me touche énormément. Nous cherchons tous les deux à créer une zone d’inconfort chez le spectateur, à le mettre au défi.

Lorsque votre dernier film [5 Broken Cameras] était en nomination aux Oscars, Limor Livnat, la ministre de la Culture de l’époque, s’est insurgée contre votre suggestion d’un boycott. Elle a affirmé que les artistes devraient s’autocensurer. Cette déclaration a-t-elle eu un impact sur votre production artistique?
Ç’a été une bonne chose, car le monde entier a pu se rendre compte qu’une forme de répression existait bel et bien. Cela a également démontré que nos films mettent de la pression sur le gouvernement. Cela dit, j’ai eu énormément de misère à financer Mixed Feelings à l’aide des fonds de cinéma nationaux et les chaînes télé, par exemple. On accorde de moins en moins d’espace aux films politiques en Israël. La droite n’a plus peur de briser des tabous tels que la liberté d’expression.

Mixed Feelings
Présenté dans le cadre des RIDM à l’Université Concordia vendredi et samedi à 19 h

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