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Votez Bougon: Histoire de famille sur fond de cynisme

Photo: Eric Myre/Collaboration spéciale

Au-delà des montées de lait contre le système, des arnaques inventives et des jokes de graines, les Bougon, c’est une famille tricotée serré.

Dans Votez Bougon, le film inspiré de la populaire série télé, les crottés préférés du Québec sont ambitieux. Crosser les crosseurs. Pas mal comme plan. Mais dans tout cela, le lien qui les unit sera mis à rude épreuve.

«Ce que je retiens le plus, c’est que le noyau familial, qui est extrêmement fort, se fragilise en deux secondes, dès qu’il y en a un dont la ligne diverge de celle des autres», a raconté Hélène Bourgeois Leclerc, qui campe le rôle de la coquine-tout-croche Dolorès Bougon.

Sans trop en révéler (le film sort en salle le 16 décembre), disons que l’action de Votez Bougon tourne autour de Papa (Paul) Bougon, qui se lance en politique avec l’aide de sa tribu. Une petite arnaque qui prend rapidement de l’ampleur et qui n’aura pas seulement des répercussions dans les poches des contribuables.

«Ça arrive un peu par accident et ça nourrit l’orgueil de papa, a expliqué le réalisateur Jean-François Pouliot. Et cet orgueil va lui faire oublier la seule valeur qu’on a tous en commun, la famille.»

Donc, peu importe les jabs lancés en pleine face des politiciens et de tous ceux qui se bornent à les réélire, le point central du film demeure la famille. «C’est facile de faire des plans rapprochés pour aller chercher les émotions, mais Jean-François [Pouliot] faisait davantage des plans où on voit tous les membres de la famille, a indiqué Mme Bourgeois Leclerc. Il allait vers nous parce que le personnage principal, c’est la famille. Ce n’est pas l’histoire de papa et de maman qui vivent des choses en parallèle, mais bien l’histoire de tout le monde.»

«Nous voulions garder le côté ‘‘Bougon’’ et surtout pas réduire le degré de vulgarité. Plus tu mets ça à broil, plus tu la banalises, et ce n’est plus le sujet du film. Ça devient juste le bruit continu dans la ruelle et tu peux raconter ton histoire.» – Jean-François Pouliot, réalisateur de Votez Bougon

Prophétique
«Qu’a mange d’la marde ta démocratie.» – Paul Bougon, fondateur du Parti de l’écœurement national

«Je sais que je suis en train de me faire faire l’amour par en arrière sans autorisation.»  – Bernard «Rambo» Gauthier, fondateur du Parti citoyens au pouvoir du Québec

En 2006, François Avard et Jean-François Mercier (Louis Morissette a aussi travaillé au scénario, mais nous n’avons pas eu l’occasion de lui parler) ont écrit le squelette de l’histoire qui allait éventuellement devenir Votez Bougon. Moins optimistes que la moyenne des ours, MM. Avard et Mercier n’étaient pas si étonnés de voir que leur cynique satire politique imaginée il y a 10 ans ressemblait drôlement à la réalité d’aujourd’hui.

Que ce soit à propos de la récente élection américaine… «Ce qui me surprend, ce n’est pas la montée du populisme, c’est que les gens continuent de voter, a lancé M. Mercier. Hillary Clinton est celle qui a eu le plus de votes quand c’est clair qu’elle est un bandit.»

«L’autre en face [Donald Trump], au moins, c’était clair. C’était un bandit, un menteur, un raciste, un sexiste», a rajouté M. Avard.

…ou à propos de la corruption. «Dans les années 1960, l’Amérique était plus naïve, mais il y avait autant de corruption. C’était la même crisse d’affaire, a dit M. Mercier. Les gens sont plus au courant aujourd’hui, mais de toute façon, tu apprends que ton premier ministre est un crosseur et il n’y a aucune conséquence. Pourquoi se cacher?»

«Les libéraux baissent dans les sondages quand ils commencent à être honnêtes», a opiné M. Avard.

Mme Bourgeois Leclerc, pour sa part, préfère voir le tableau sombre peint par Votez Bougon comme une occasion de brasser un peu les gens. «Comme c’est un film directement ancré dans ce qui est en train de se passer, j’espère que plutôt que de décourager les gens, il leur donnera le goût de s’impliquer davantage. Peut-être donner un coup de fouet à notre conscience sociale.»

«Si le film était sorti l’année dernière, on l’aurait qualifié de farce politique. Aujourd’hui c’est un reportage, s’est quant à lui amusé le réalisateur. Ils sont en train de voler nos punchs.»

Eh oui, 2016, c’est aussi ça la vie…

«Même ceux qui n’ont pas d’argent ne veulent pas que les choses changent. Ils se disent: ‘‘Moi, quand je vais avoir de l’argent, je ne voudrai pas me le faire enlever’’». – Jean-François Mercier, scénariste de Votez Bougon avec François Avard et Louis Morissette.

Les gags perdus

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Jean-Francois Mercier, Francois Avard et Louis Morissette [Photo: Josie Desmarais/Métro]

En raison des contraintes du cinéma, plusieurs gags ont été coupés de la version finale de Votez Bougon, dont un qu’un des scénaristes, Jean-François Mercier, affectionnait particulièrement.

«Junior [joué par Antoine Bertrand] essayait de se pogner des filles en faisant des fêtes d’enfants en magicien. Évidemment, il était un esti de magicien pourri, a raconté l’humoriste bien connu. Et à un moment donné, une colombe s’envole. Tout le monde crie, les enfants ont peur. Junior casse tout dans la maison en essayant d’attraper l’oiseau pour finalement se rendre compte qu’il est empalé sur la raquette de tennis qu’il tient à la main.»

François Avard est plus laconique, mais tout aussi efficace quand vient le temps de parler de la blague qu’il aurait aimé avoir dans le film. «Il y avait une fille qui disait à Junior: ‘‘ta graine m’a mordue’’.»

Ça arrive dans les meilleures familles.

Sans controverse, ce n’est pas les Bougon

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Hélène Bourgeois-Leclerc [Photo: Josie Desmarais/Métro]

Visiblement, la Régie du cinéma québécois n’a pas été choquée par le contenu de Votez Bougon puisqu’elle a donné un classement «général», mais tout de même «déconseillé aux jeunes enfants», au film qui sort en salle le 16 décembre.

Cela ne veut pas dire que le film ne dérangera pas. Que seraient les Bougon sans une ou deux controverses (on se souvient tous du furet)?

Honnêtement, le scandale ne vient jamais où tu l’attends», a indiqué Jean-François Mercier, qui a scénarisé le film avec François Avard.

Peut-être, mais il y a quelques scènes qui viennent en tête. Nous n’entrerons pas dans les détails puisque le film n’est pas encore sorti, mais il y a un passage qui implique Junior, Mononque et des membres de la communauté musulmane qui risque de faire grincer des dents, même si l’intention est davantage de critiquer les médias. «Des fois, tu fais un gag pour dénoncer des affaires, mais avec les sensibilités exacerbées, peut-être que c’est trop en demander aux gens de voir un second degré», a reconnu M. Mercier.

Il y a aussi les blagues à caractère sexuel, la spécialité de Dolorès Bougon, jouée brillamment et courageusement par Hélène Bourgeois Leclerc. «Comme femme, comme actrice, je suis allée au bout de ma vulgarité, a-t-elle affirmé. Mais la vulgarité chez les Bougon ne se limite pas à montrer des parties du corps ou à en parler de façon grotesque. C’est aussi dénoncer l’hypocrisie. C’est ce qui me plaît le plus.»

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