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La littérature, une question de survie pour le Québec

Photo: Centre d'archives BAnQ

Il y a 95 ans, le gouvernement du Québec sous l’impulsion d’Athanase David, créait un prix littéraire et scientifique. Cette récompense visait à encourager les auteurs à écrire. Elle est l’ancêtre du prix David et des prix du Québec. Retour dans le temps.

La littérature au tournant des années 1920
À l’époque de l’adoption – à l’unanimité – de la Loi pour encourager la production d’oeuvres littéraires ou scientifiques, il existe «tout un marché de la littérature», expose Jonathan Livernois, professeur de littérature à l’Université Laval. Ce marché n’est toutefois pas aussi florissant qu’aujourd’hui. Pour aider les auteurs, le gouvernement de l’époque achète leurs livres. Mais il s’agit d’une période où il est difficile de vivre de l’écriture, comme le fait remarquer Athanase David, le député de Terrebonne qui propose le projet de loi. Devant ses collègues de l’Assemblée nationale, il s’exclame, pour souligner le besoin de soutenir les auteurs d’ici: «Aujourd’hui même, le plus grand poète de France n’est-il pas un miséreux?»

Une question de survie
«La littérature, après avoir dominé un peuple, peut dominer les siècles, déclame le député de Terrebonne en ce 26 janvier 1922, jour de l’adoption de la loi. Notre littérature existe, et nous en avons besoin pour la survie de notre nation.»

Jonathan Livernois croit qu’Athanase David souhaite, avec cette mesure, trouver une façon «de stimuler le milieu intellectuel, ce qui passe par certains prix; les prix en littérature, mais également les prix en sciences sociales et en sciences, comme la botanique». Dans un article sur la politique culturelle du député, paru dans Les cahiers des dix en 2003, l’historien Fernand Harvey rappelle que la culture, pour M. David, était indissociable d’un tout incluant la santé publique, l’éducation et l’économie.

Des prix pour promouvoir le Québec
Pour Athanase David, la littérature a aussi le pouvoir de faire connaître le Québec. Il prend, devant ses confrères, l’exemple de Maria Chapdelaine, une «œuvre impérissable» qui a connu un grand succès, inspirée d’une rencontre entre un auteur Français, Louis Hémon, et une «paysanne, une Canadienne».

Jonathan Livernois

«C’est une époque aussi, où, mine de rien, le tourisme se développe. Il y a, par la littérature, par les sciences, une volonté d’en finir avec une infériorité intellectuelle et économique des Canadiens français», avance M. Livernois.

La loi prévoit qu’un montant de 5000$ soit alloué aux prix – ce qui, en dollars de 2016, équivaut à 70 000$. Malgré la suggestion d’autres députés, ces prix ne porteront toutefois pas officiellement le nom de Prix David. Ce ne sera qu’en 1968 que le prix couronnant l’ensemble de l’œuvre d’un auteur d’ici portera le nom de son instigateur. Déjà, en 1967, les prix scientifiques avaient été séparés du concours artistique et littéraire. En 1977, l’ensemble de ces prix est regroupé sous l’appellation des Prix du Québec.

Les premiers lauréats
Lors de la première remise des prix, le 14 juin 1923, 10 lauréats sont honorés. La compétition n’était pas très forte: le gouvernement rappelle que les candidats avaient une chance sur deux de remporter les honneurs. C’est le poète Paul Morin qui remporte la plus grande partie de la bourse (2000$) pour son ouvrage Poèmes de cendre et dor. Le frère Marie-Victorin a lui aussi gagné un prix, avec Les filicinées de la province de Québec. Quatre ouvrages sur les dix récompensés sont en anglais. Cinq des auteurs primés sont des membres de l’Église. Plusieurs des gagnants ne sont toutefois pas passés à l’histoire, reconnaît M. Livernois.

Les gagnants ont été reconnus par un jury de neuf personnes que Jonathan Livernois qualifie de «très importantes» – dont Édouard Montpetit et Stephen Leacock. «Le nom le plus important pour moi, c’est l’abbé Camille Roy, note le professeur. C’est vraisemblablement un des premiers à avoir enseigné la littérature canadienne à l’université, à l’Université Laval.»

En ce qui a trait à l’impact d’une telle récompense, M. Livernois, croit qu’il est indéniable. «Je ne connais pas le détail des ventes associées, [mais] c’est une consécration».

Athanase David
En 1922, Athanase David est le député libéral de Terrebonne et le secrétaire de la province de Québec. Jonathan Livernois le qualifie de «proto-ministre de la culture», tant ses réalisations dans le domaine ont été variées – il faudra toutefois attendre 1961 pour que le ministère des Affaires culturelles du Québec soit créé, sous le gouvernement de Jean Lesage. Toujours en 1922, M. David parraine entre autres la Loi relative à la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique.

Athanase David est le grand-père de Françoise David, qui s’est retirée la semaine dernière de ses rôles de députée de Gouin et de co-porte-parole de Québec Solidaire, et de Hèlène David, députée libérale d’Outremont.

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