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Another Brick in The Wall: transition difficile du rock à l’opéra

Photo: Yves Renaud/Collaboration spéciale

Plus de 35 ans après sa sortie, l’album The Wall de Pink Floyd renaît sous une nouvelle forme. Production la plus coûteuse de l’histoire de l’Opéra de Montréal, Another Brick in the Wall remplit ses promesses en matière de spectacle, mais comporte quelques bémols.

Montée dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, cette nouvelle mouture est née de la rencontre entre le metteur en scène Dominic Champagne, le compositeur Julien Bilodeau et Roger Waters, tête dirigeante de Pink Floyd à l’époque et idéateur de cette fable sur l’aliénation.

Un avertissement d’abord: ceux qui espéraient une interprétation orchestrale de The Wall seront déçus: pas de Another Brick in the Wall Part 2 (We don’t need no education!) accentué à grands coups de violons. Ce n’était pas le but de l’exercice, qui s’inscrit plutôt dans la tradition de l’art lyrique.

Bilodeau a créé une trame inédite sur laquelle se déroule le récit inspiré de la vie de Waters. On reconnaît ça et là quelques notes, mais l’essentiel est complètement neuf à nos oreilles. Si l’ensemble est parfois inégal, il permet tout de même d’apprécier et de souligner les textes puissants de Waters, qui ont été conservés en grande partie.

L’opéra s’amorce par un concert de Pink (le baryton Étienne Dupuis, qui porte le spectacle du début à la fin), rockeur désabusé et exaspéré par la foule, qui finit par cracher au visage d’un spectateur. (Pour la petite histoire, l’incident s’est vraiment produit lors du passage de Pink Floyd au Stade olympique en 1977.)

Débute ainsi une lente descente aux enfers au cours de laquelle le protagoniste revisite les traumatismes qui l’ont mené à vouloir se couper des autres: d’abord, la mort de son père (Jean-Michel Richer) lors de la Deuxième Guerre mondiale et son enfance sous l’autorité d’une mère surprotectrice (France Bellemare). Pink s’émancipe grâce à une mystérieuse femme (Caroline Bleau), mais tombe dans «l’enfer de la drogue» lorsqu’elle le quitte pour un autre. Incapable de supporter ses blessures, le chanteur bâtit peu à peu un mur pour s’isoler du monde extérieur.

La séparation du réel finit par le faire basculer dans la folie où il se réincarne en leader totalitaire capable des pires excès. Cette plongée constitue l’essentiel du deuxième acte, là où se déploient avec le plus d’originalité les effets de mise en scène: projections saisissantes et costumes délirants. Soulignons également l’apport constant du choeur, qui vient ajouter un côté dramatique à un ensemble parfois froid.

Champagne et Bilodeau avaient le difficile mandat de produire une oeuvre originale à partir d’un disque très connu (et du film marquant d’Alan Parker), et ce, dans une discipline aussi codifiée que l’opéra. Le résultat final se veut une célébration de l’oeuvre de Roger Waters plutôt qu’une véritable réinvention.

Les fans de Roger Waters et/ou d’art lyrique y trouveront certainement leur compte, mais pour les autres (dont fait partie l’auteur de ces lignes), Another Brick in the Wall risque de les laisser sur leur faim.

À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place-des-Arts, du 11 au 27 mars

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