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Ivan Ave: À la maison, même loin

Photo: Even Suseg

Collectionneur de vinyles devenu DJ, danseur de breakdance devenu rappeur, le Norvégien Ivan Ave doit son nom d’artiste à une blague d’intérieur, une inside joke. Son «Ave» ne signifie pas avenue, mais plutôt average, moyen. Sauf qu’Ivan est tout sauf ça.

Ce jour-là, Ivan Ave roule sa valise vers l’appart de sa douce-moitié, pour «une dernière nuit à Oslo avant de s’envoler pour Montréal». Ce sera son premier passage dans la métropole. Mais il a déjà un lien affectif, créatif avec elle. En effet, Also, son tout nouveau simple «qui traite d’ambivalence», a été coproduit par Kiefer et Kaytranada, de son vrai nom Kevin Celestin, le réalisateur, compositeur et DJ montréalais gagnant du prix Polaris en 2016 pour 99,9%. «On ne se connaissait pas vraiment. Je suis simplement entré en contact avec lui parce que je savais qu’il avait entendu certains de mes trucs, et même partagé de ma musique, raconte-t-il, relaxe. Je me suis dit, pourquoi ne pas lui demander s’il était partant pour une collaboration? Il a été vraiment cool, terre à terre. C’est un de mes réals préférés. Plein d’amour à ce dude.» À Ivan maintenant.

En 2009, vous avez fait paraître un EP, Brains, en compagnie de votre comparse d’Oslo, Fredfades, sous le nom d’Ivy League. Vous avez dit être le premier surpris par le succès que cet album a remporté. La façon dont votre musique voyage, et à quel point elle le fait bien, vous surprend-elle encore? Ou vous avez toujours rêvé, voire su, que cela arriverait un jour?
Hm, je veux dire, on y rêve, c’est sûr. Mais c’est vraiment une surprise chaque fois que je monte sur une scène à l’extérieur de mon pays. Quand je suis loin de la maison et que je vois les gens réagir à mes chansons, même s’ils ne les connaissent pas, c’est au-delà de mes espérances, surtout compte tenu du type de musique que je fais. Je suis ému et content de voir qu’il est possible de prendre son temps, de construire et de créer lentement, mais sûrement. Ému de voir que si on reste soi-même, il y a des inconnus qui nous comprennent. Qui sont là avec nous. Vraiment là.

Dans Find Me Pt.2, pièce tirée de votre album Helping Hands, paru l’an dernier, vous évoquiez la crise des réfugiés européenne et le sort réservé à ces hommes et femmes qui arrivent en bateau et qui, au lieu de se faire accueillir par des «hellos», se butent à des portes fermées et à des «hell no’s». C’est, on imagine, un sujet qui vous affecte toujours et dont vous voulez parler dans vos compositions à venir?
Absolument. Malheureusement, les choses ne se sont nullement améliorées depuis. En fait, je vais sortir une nouvelle chanson et un nouveau vidéoclip la semaine prochaine et j’y aborde justement ce sujet. C’est vraiment devenu clair pour moi, en voyant la façon dont le monde tourne ces temps-ci, que je dois davantage aborder, dénoncer, les choses qui me mettent en colère. Et si je peux mettre un peu de cette rage dans ma musique et la transformer en quelque chose de constructif, ce sera déjà ça de pris.

Au-delà de vos paroles, aimeriez-vous que ces sentiments se traduisent dans vos sonorités, ou vous pensez continuer dans ce mélange de hip-hop et de jazz auquel vous nous avez habitués?
Eh bien, l’album auquel je travaille présentement est loin d’être fini, donc je ne sais pas exactement moi-même comment il va sonner. Mais je tends davantage vers les synthés. Peut-être aussi vers des influences des années 1980.

Est-ce que ce sont des sonorités que vous affectionnez particulièrement ces temps-ci, et que vous faites tourner au cours de vos DJ set?
Je joue définitivement plus de boogie et de house dans mes soirées maintenant. J’ai envie de rendre hommage au R&B des années 1980. Mais je ne pense pas que je vais un jour m’éloigner trop de la musique qui m’a vu grandir. Donc, ce sera probablement un peu jazzy malgré tout.

Vous êtes devenu en quelque sorte un ambassadeur du hip-hop norvégien. Sur votre pièce The Circle, vous disiez être bien dans votre cercle, justement. Ne pas frimer, ne pas frayer avec des gens qui ne sont pas là pour de bonnes raisons. Comment vous sentez-vous par rapport à tout ça?
Il n’y a pas nécessairement «une scène hip-hop norvégienne». Je dirais que c’est davantage fragmenté. Il y a plein de gens super qui font de la musique super, de l’art génial, mais ma musique est très personnelle, en ce qui a trait à ses paroles, oui, mais surtout à ses sonorités et à son style. Et je ne sors pas vraiment de mon cercle parce que je sens qu’au cœur de lui, de ma bande, de mon crew artistique (nommé par ailleurs Mutual Intentions), on a une compréhension commune des sons, de la création. Donc, à ce niveau, c’est juste naturel pour moi de rester dans «mon habitat».

«Je l’avoue, j’applique le vieux cliché qui dit “écris sur ce que tu connais”. Mais j’évite de parler de mon petit déjeuner. J’essaye de partir de quelque chose de réel, de personnel, et de le transformer en poésie.» –Ivan Ave

Vous vous distinguez par votre flow fluide, détendu, qui s’accorde à vos ambiances dans la tradition du hip-hop old school, teinté de jazz, par vos textes aussi. Plusieurs soulignent la qualité de votre anglais. Vous avez étudié aux États-Unis un moment. Est-ce ce qui a marqué, entre autres, votre style? Que gardez-vous de cette expérience?
Hm, oui. J’ai habité à New York pendant un bout, puis j’ai habité au Wisconsin, où j’ai terminé mon bac en sociologie. Je pense que, à l’époque, je ne sentais pas vraiment que cette expérience influençait ma créativité d’une quelconque façon. En fait, je n’ai réellement commencé à composer de la musique qu’en revenant à Oslo après ces années. Mais ça m’a, sans aucun doute, appris à mieux parler anglais. Ça m’a également appris à mieux composer avec la solitude. Parce que je me sentais très, très seul, dans le Wisconsin! (Rires) Enfin, ça m’a permis de comprendre que c’est OK d’être soi-même. De traverser cette période déprimante (parce que ça l’était) m’a fait voir que, en matière d’art, il faut faire exactement ce que l’on veut, et tenir son bout. Ne pas essayer de se prendre pour un autre ou d’imiter ce qu’on n’est pas.

Vous commencez plusieurs de vos pièces par des répétitions qui donnent un sentiment d’enregistrement en live. La chanson I Do, par exemple, avec ses «What? What? What?». Pourquoi ce procédé?
Ah, c’est simplement de cette manière que je commence à rapper une pièce quand j’enregistre. J’aime l’idée de ne pas trop triturer ces passages, de laisser ces instants qui évoquent ce qui est arrivé dans le studio à ce moment, l’énergie qui régnait, ce qui «était vraiment en moi»! (Rires)

Sur la page qui annonce votre concert, sur le site du Centre Phi, il y a un lien vers un article du site musicismysanctuary. Et l’auteur et DJ Lexis y note que «pendant que tout le monde parlait du dernier album de Kanye West et que son fil de nouvelles était pollué d’infos sur les Kardashian et Yeezy, tout ce qu’il voulait, lui, c’était écouter votre disque à vous». Quel rapport entretenez-vous avec Kanye?
J’ai grandi avec sa musique, comme la plupart des gens de mon age qui aiment le hip-hop. Ses premiers albums ont été essentiels à ma vie. Je ne le suis plus trop, mais à mes yeux, il restera toujours un rebelle, un créatif. Même si je ne l’écoute plus, ce dude a changé des choses. Donc ouais, shout out à Kanye! (Rires)

Et votre concert, il aura l’air de quoi? Vous danserez un peu?
Hmm, ça je ne peux pas le garantir, même si j’aime bien le faire parfois. En fait, je vais faire un passage de rap, ensuite un DJ set, ensuite je vais rapper encore. Mais en gros, je vais partager des sonorités. Que j’ai composées, ou que j’ai découvertes et aimées. J’aime garder ça relaxe.

Ivan Ave
Au Centre Phi
Jeudi soir à 20h
Premières parties: 
Walla P et Lou Phelps

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