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Olivier Assayas: «Hollywood gâche le plaisir»

Photo: Filmcoopi
Matt Prigge - Metro World News

Dans Personal Shopper, le réalisateur français Olivier Assayas reforme un duo avec l’actrice américaine Kristen Stewart.

En 2015, sous la direction d’Assayas, Stewart a remporté le César de la meilleure actrice de soutien pour son rôle dans Sils Maria, où elle interprétait l’assistante personnelle d’une comédienne célèbre (Juliette Binoche).

Personal Shopper,  un film de fantômes, sort des sentiers battus. Loin d’être un film d’horreur classique, il s’agit davantage d’une étude de caractère, d’un drame psychologique et, en quelque sorte, d’un documentaire sur Kristen Stewart. Celle-ci interprète une jeune femme qui tente d’entrer en contact avec l’esprit de son frère récemment décédé. Entre-temps, elle gagne sa vie en achetant des vêtements haut de gamme pour une cliente workaholic.

Discussion avec le réalisateur français.

Kristen Stewart attire les paparazzis et les curieux. Ce n’était pas un problème pour Sils Maria, tourné au fin fond de la Suisse. Mais Personal Shopper a été réalisé à Paris ou dans des gares très passantes. Comment avez-vous géré le tournage?
Les paparazzis et les admirateurs semblent toujours trouver une façon de savoir où elle se trouve. Ça peut devenir dérangeant, puisque cela nuit à la concentration de Kristen. Elle se met à s’inquiéter de ceci ou de cela. Mais ça n’a pas été un problème dans les gares. Les gens ne s’imaginaient pas qu’une actrice célèbre comme elle pouvait être à leurs côtés. On camouflait la caméra et on la plaçait au milieu de la foule. C’était plutôt drôle.

Le film a parfois les caractéristiques d’un documentaire. Parfois, la caméra la suit simplement dans ses activités banales. Les scènes traditionnelles sont aussi très libres.
Je voulais documenter les émotions de Kristen. C’est une actrice si authentique! Tout doit être vrai pour elle. Dans le film, on la voit bâtir ses émotions. J’ai voulu documenter ce processus.

C’est une approche très différente du cinéma hollywoodien, dans lequel on semble suivre un plan prédéterminé.
Oui, mais ce n’est pas la faute des cinéastes, c’est la faute du système. Ce qui est déprimant, c’est que le système hollywoodien est basé sur le contrôle. Et il n’y a rien de plus ennuyant que le contrôle. Faire des films est amusant. Et Hollywood en retire tout le plaisir. (Rires) C’est trop sérieux.

Réaliser un film, même un film sérieux, c’est comme un jeu d’enfant. C’est partager quelque chose avec beaucoup de gens. C’est donner l’occasion de participer à quelque chose de plus grand que nous tous. C’est là qu’on trouve la beauté du cinéma. Hollywood gâche tout cela. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais travaillé là-bas.

«En Amérique, le réalisateur est un employé. Vous êtes un employé des studios, des producteurs, etc. La raison pour laquelle j’ai voulu faire des films, c’est justement pour n’être l’employé de personne. Ce n’est pas moi.» – Olivier Assayas

Vous projetez de faire un film de gangsters, Idol’s Eye, tourné aux États-Unis et qui mettrait en vedette Sylvester Stallone, Rachel Weisz et Robert Pattinson. Êtes-vous sûr de pouvoir garder la maîtrise du projet?
J’ignore si ce film va se faire ou non. Mais je dois être en contrôle. C’est ce qui rend la concrétisation du projet difficile. Parce que ça coûte cher. Si c’était un film à plus petit budget, ce serait plus facile.

Dans Personal Shopper, le personnage de Kristen Stewart passe beaucoup de temps à regarder des documentaires et des vidéos sur son téléphone. Faites-vous la même chose?
Non, ce n’est pas mon truc. Mais comme tout le monde, je regarde des vidéos de YouTube sur mon téléphone. Je crois que ce qui rend si agréable le fait de regarder un film sur son téléphone, c’est le son, qui fait partie intégrante de l’expérience immersive du cinéma. Lorsqu’on regarde un film avec un casque sur les oreilles, c’est très intime.

On porte pourtant peu d’attention à la question du son au cinéma…
C’est une dimension qui est terriblement mal comprise, en particulier par les critiques. (Rires) Les gens sont davantage concentrés sur l’image et moins intéressés par la bande sonore.

Vos films comportent beaucoup de prises de son en direct. Portez-vous une attention particulière à l’environnement sonore?
Je suis extrêmement attaché au son direct, aux voix originales. Je n’utilise pas le doublage en postproduction. Mais le résultat final n’est jamais totalement fidèle à la réalité. On pense qu’on filme la réalité ou qu’on reproduit nos perceptions à l’écran, mais ce n’est pas ça du tout. C’est une interprétation de la réalité.

Histoire de fantômes

Peu de gens croient à l’existence des fantômes comme entité avec qui on peut entrer en contact. C’est aussi le cas d’Olivier Assayas, qui propose une explication au-delà… du sens littéral. «J’y crois comme métaphore pour exprimer quelque chose d’autre, le fait de devoir composer avec des présences invisibles à l’intérieur comme à l’extérieur de nous, décrit-il. Nous sommes constamment en conversation avec quelque chose ou quelqu’un qui n’est pas là.»

«Avec Personal Shopper, je voulais voir si je pouvais pousser ce concept plus loin, explique le réalisateur. C’était important d’établir rapidement que le film se déroule dans un univers où les portes entre la réalité et l’invisible sont grandes ouvertes. Tout d’un coup, il y a cette lumière étrange que le personnage de Kristen ne voit pas. Ça fixe l’idée que le film ne porte pas sur l’existence des fantômes, mais sur comment on peut entrer en contact avec
l’invisible.»

 

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