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X Quinientos: 3 x soi

Photo: Filmoption International / Montage : Steve Côté

L’inconfort, la violence et l’incompréhension qui viennent avec le déracinement. Mais aussi la possibilité de se réinventer, de se comprendre, de s’accepter. Avec X Quinientos, toute première coproduction entre le Québec, la Colombie et le Mexique, le cinéaste montréalais Juan Andrés Arango explore l’immigration, sa dureté, son impact.  Et se demande comment faire partie d’un groupe en gardant son individualité, comment s’extirper d’un habitat pour se sentir enfin chez soi. Comment se trouver en changeant.

Juan Andrés Arango possède une grande feuille de route en tant que directeur photo. Une grande feuille de route tout court. Originaire de Bogota, il a quitté son pays à 15 ans pour étudier dans une autre Colombie. La Britannique. Une expérience marquante, mêlant adolescence et immigration, qui l’habite encore aujourd’hui. Et qui se traduit par cette «curiosité très forte pour la transformation humaine».

Une transformation comme celle que traversent les personnages de son deuxième long métrage, X Quinientos. Une œuvre qui a été présentée dans (chiffre impressionnant) 45 festivals depuis septembre et qui fait suite à La Playa D.C. Un drame qui a été projeté en 2012 à Cannes, dans la sélection Un certain regard.

C’est le regard que le cinéaste quadragénaire portait, lui, sur la jeunesse, sur la question identitaire, sur l’univers du hip-hop, qui a capté l’œil de Yanick Létourneau. Et qui a donné envie au producteur québécois, cofondateur de la société de prod Périphéria, de travailler au second long métrage du réalisateur. Il avait trop aimé cette grande incorporation de vérité dans la fiction, cette recherche préalable immense et «ces allers-retours entre les endroits réels et les plateaux de tournage que faisait Juan».

«Je voulais que la Caméra soit toujours très, très proche des protagonistes. Que, d’une certaine façon, elle nous révèle les villes à travers leurs expériences, qu’elle réagisse à leurs sentiments. Des fois, elle devient très calme. d’autres, très agitée.» -Juan Andrès Arango

Oui, les allers-retours, les déplacements, l’éloignement, Juan Andrés connaît. Depuis son premier exil canadien, il a vécu à Barcelone, à Amsterdam, à Mexico. Il y a 12 ans, il a choisi de s’installer à Montréal. C’est chez lui, maintenant, vraiment chez lui.

Leur chez-soi, les trois protagonistes dont il raconte les parcours en parallèle dans X Quinientos ont du mal à le définir, à l’habiter. Mais d’abord, rapide mise en contexte desdits parcours qui composent le film.

Parcours 1 : Un pêcheur colombien de 19 ans revient à Buenaventura, sa ville natale déchirée par les guerres de gangs. Il veut aider et protéger sa tante, son petit frère, mais l’engrenage de la violence l’aspire.

Parcours 2 : Une adolescente philippine arrive à l’aéroport Trudeau, accueillie par sa grand-mère qui rêvait de ces retrouvailles, qui rêvait de lui offrir une meilleure vie. Mais de cette vie, elle ne veut guère.

Parcours 3 : Un jeune homme d’origine mazahua, incapable de composer avec le deuil de son père, quitte son village pour Mexico. Chez son cousin, il se fait intimider. Sur le chantier de construction, il se fait un ami. Un punk qui l’entraîne dans les soirées, qui lui permet de voir son vrai lui.

Le manteau clouté, le jean déchiré et la crête bleutée que ce dernier personnage préfère désormais à sa coupe sage et à ses vêtements modestes, le cinéaste les voit-il comme un costume ou plutôt comme une identité enfin trouvée? «À l’adolescence, ce qui est extérieur est tellement essentiel, tellement important, remarque Juan Andrés. Ça commence comme une transformation extérieure et physique qui devient, forcément, une transformation plus profonde. Une transformation qui peut marcher… ou pas.»

Car il n’est pas garanti que tout changement extérieur-intérieur aura un effet positif. La jeune fille qui arrive à Montréal en est un exemple. «Elle essaie d’entrer dans une vie qui n’est pas la sienne. Mais finalement, pour se sentir bien, elle devra revenir à ses origines.»

Ce sont du reste les origines, l’âme et l’esprit des endroits où il tourne que Juan Andrés veut transmettre. «Respecter l’énergie, être juste, tourner d’une façon respectueuse envers les communautés, c’est essentiel pour moi. Je ne veux pas arriver et envahir un endroit, mais plutôt travailler avec les gens de la place.» Et quand il dit «gens de la place», c’est réellement ça. Dans le générique, il remercie de façon «toute spéciale les 181 punks qui étaient présents au concert de Criatura», un groupe originaire du Chimalhuacan.

Ses acteurs principaux, eux, à l’aise, naturels, bien dirigés, sont tous des non-professionnels trouvés au fil des recherches. Dont Jembie Almazan, qui incarne la jeune femme philippine, qui étudie en sciences de la santé au Collège Dawson et qui n’a jamais joué devant la caméra. Un choix qui pourrait faire ciller certains producteurs. Mais pas Yanick Létourneau.

Notamment parce qu’il est habitué à travailler en documentaire et, incidemment, avec des non-acteurs (il a, entre autres, produit les récents Montréal New Wave, d’Erik Cimon, et Gulîstan, terre de roses, de Zaynê Akyol). Puis parce qu’il dit «aimer la notion de risque». «Ça ne me fait pas peur. Ce projet, par exemple, implique trois pays, 50 jours de tournage. Mais c’est profondément stimulant. On est confronté à l’autre. Ça nous sort de notre petite certitude confortable, ça nous ouvre les yeux à plein de possibles.»

X Quinientos
En salle aujourd’hui

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