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Esprit punk à la Cinémathèque québécoise

Photo: Courtoisie

La désillusion et la dérision, la mode et la musique, l’énergie et le désespoir. Avec Cinéma Punk : Le chaos et la fureur, cycle projeté à la Cinémathèque québécoise, la programmatrice invitée Charlotte Selb observe comment un mouvement surtout connu pour sa musique s’est manifesté à l’écran. One, two, three, four!

En novembre 2012, alors que Charlotte Selb était directrice de la programmation aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, le festival avait présenté Punk Syndrome. Un documentaire sur le groupe finnois punk Pertti Kurikan Nimipäivät. Elle se souvient de ce moment. Comme elle se souvient, surtout, de la fête d’une folle énergie qui avait suivi au bar de la Cinémathèque québécoise. Là où le band avait joué devant des spectateurs plus qu’enthousiastes. «C’était super le fun. Il y avait un contraste avec le public habituel de la Cinémathèque. Un petit choc.»

Cinq ans plus tard, Charlotte Selb a eu envie de revenir à cette ambiance en discutant avec l’un des programmateurs de l’endroit, Guillaume Lafleur, de Out of the Blue. Un film réalisé par Dennis Hopper, sorti en 1980, récompensé à Cannes, mais quasi oublié. Une rareté, difficile à trouver en Amérique du Nord. «Dans les archives de la Cinémathèque, Guillaume a déniché une copie 35 mm.» Étincelle. Et si on concoctait un cycle dédié au cinéma punk?

C’est ainsi que, en tant que commissaire invitée, elle a bâti sa série, Le chaos et la fureur. Optant pour des œuvres parues entre la fin des années 1970 et le début de la décennie suivante. La fin, comme le rappelle Charlotte, des belles idées, utopies et illusions hippies. Montrant, par le biais de sa sélection, diverses facettes de ce «mouvement qui se fait, selon les différentes postures, enragé, furieux, destructeur, nihiliste.»

Parfois drôle aussi. Comme dans Repo Man, réalisé par Alex Cox et mettant en vedette Emilio Estevez. Un film aux codes détournés. «Une grosse blague, un gros pied de nez. À plein de choses! Aux illusions de la jeunesse, à l’industrie du cinéma.»

Parlant d’industrie, la jeune femme souligne que Hollywood a, sans trop de surprise peut-être, exploité la popularité du mouvement. Le rendant souvent de façon caricaturale, peu réaliste. Parfois alarmiste. Comme Class of 1984, du Canadien Mark L. Lester. «Une œuvre réactionnaire, où les punks sont les méchants, menacent la société, veulent tuer tout le monde. C’est complètement absurde tellement c’est extrême.» Charlotte a pourtant voulu le projeter la semaine passée, car même si c’est n’est pas un long métrage qu’elle aime nécessairement beaucoup, «il fait partie de ce qui se passait à l’époque, quoi».

«C’est un cinéma intime, spontané, fait dans le désordre. on ramasse une caméra, on improvise, on tourne.» – Charlotte Selb

Montée en collaboration avec l’équipe interne («qui a fait beaucoup de recherche de films, trouvé les copies, négocié, tout ça»), Le chaos et la fureur aura été l’occasion de parcourir des longs métrages teintés de l’esprit DIY. Et dans lesquels, invariablement, la musique occupe une grande place. Que ce soit de manière centrale, par la bande sonore. Comme dans Repo Man, qui regroupe une multitude de grands noms, Black Flag, Iggy Pop, Suicidal Tendencies. Ou «simplement avec les aléas du tournage». Notamment dans Driller Killer, d’Abel Ferrara.

Un film sorti en 1979 dans lequel joue, rappelle Charlotte, le cinéaste du Bronx lui-même, son meilleur pote, leurs copines de l’époque et, musique, le band de son coloc.  «C’est vraiment un truc à petit budget complètement improvisé, complètement chaotique. C’est la raison pour laquelle on le présente d’ailleurs : son mode de production suit un esprit très punk. On tourne à mesure que l’argent tombe.»

À l’opposé du spectre, maintenant : Sid and Nancy, d’Alex Cox. Biopic retraçant la relation passionnelle-houleuse du Sex Pistol Sid Vicious et de son amoureuse Nancy Spungen. Un film dont la direction photo était assurée par le renommé Roger Deakins, qui a ensuite travaillé avec les frères Coen – et Denis Villeneuve. Une œuvre «culte/pas culte», comme la décrit Charlotte. «Les vrais de vrais punks en sont souvent critiques. Ils trouvent que c’est trop mainstream. Que c’est une version féerique. Mais moi, je trouve le film quand même assez noir!»

À ce long métrage plus «grand public», la programmatrice invitée préfère «les classiques classiques». Dont Suburbia, de Penelope Spheeris. Une cinéaste qui porte «un regard intelligent et nuancé, à la fois empathique, tendre et lucide sur cette jeunesse». Qui aborde, ajoute Charlotte, les contradictions de ce mouvement d’une façon qui n’est ni moralisatrice ni angélique. Qui a été tourné dans une banlieue de Los Angeles avec de vrais jeunes de la rue – ainsi que Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers.

Originaire quant à elle de la campagne alsacienne, ayant grandi avec le grunge, Charlotte Selb confie que si elle s’intéresse à ce courant, ce n’est pas nécessairement parce qu’elle en est fan. «Je suis sûre que dans la salle, la moitié des spectateurs connaissent mieux le punk que moi! s’exclame-t-elle. C’est plus que les mouvements culturels, en général, m’intéressent. Et que je trouve intéressant, aussi, de voir comment ils s’incarnent au cinéma.»

Cinéma punk : Le chaos et la fureur
Repo Man samedi; Driller Killer et Sid and Nancy dimanche; et Suburbia mardi à la Cinémathèque québécoise

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