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Jean-Claude Labrecque: un homme de lumière

Dans son nouveau documentaire, le cinéaste Michel La Veaux signe un hommage vibrant à Jean-Claude Labrecque, l’un des grands bâtisseurs de la culture québécoise moderne.

Adolescent et grand passionné du septième art, Michel La Veaux avait déjà ciblé deux artistes qui allaient longtemps l’inspirer : Michel Brault et Jean-Claude Labrecque, des directeurs photo et cinéastes d’ici qu’il affectionne (toujours) énormément pour leur audace, leur humanité et leur maîtrise du langage cinématographique. Son coup de cœur pour Labrecque remonte d’ailleurs à un visionnement du classique Le chat dans le sac (1964), premier long métrage éclaté et largement improvisé de Gilles Groulx, mis en images par Labrecque.

«La photographie de ce film est aussi impressionnante que les images de Raoul Coutard, qui était le directeur photo de Jean-Luc Godard pendant la Nouvelle Vague», nous explique La Veaux lors d’un entretien en prévision de la sortie de LABRECQUE, une caméra pour la mémoire, un portrait exhaustif et fort éloquent de cet artiste entré à l’ONF à l’âge précoce de 18 ans, et qui a collaboré avec plusieurs piliers de notre cinématographie (Pierre Perrault, Claude Jutra et Anne Claire Poirier).

«En 1964, à une époque où la pellicule n’était pas très sensible ou versatile comme elle l’est aujourd’hui, Labrecque avait réussi haut la main le pari d’éclairer Le chat dans le sac. C’est un travail de photographie exemplaire qui ne nuisait pas aux acteurs avec une technique lourde, en tournant avec la lumière naturelle, mais toujours accompagnée d’une technique d’éclairage artificiel.»

La complicité des deux hommes est manifeste dans ce documentaire, qui prend la forme d’un fascinant retour dans le temps ponctué d’extraits de films et d’anecdotes, tantôt savoureux, tantôt touchants. Selon La Veaux, qui a travaillé comme assistant caméra sur trois films de Labrecque, le cinéaste, aujourd’hui âgé de 79 ans, a fait partie d’une «nouvelle vague québécoise». Ces derniers auront insufflé un élan d’audace et d’effervescence à notre paysage cinématographique, ouvrant la voie aux générations suivantes. «C’était des artistes inventifs, qui ne se contentaient plus de travailler avec des techniques de base, des gros projecteurs et de la lourdeur, précise La Veaux. Ce qui était important pour eux, bien plus que de faire un gros show technique, c’était d’aller chercher les émotions, de proposer un regard humaniste grâce au cinéma.»

Témoin d’une époque charnière, au cours de laquelle le Québec a connu de profondes transformations sociales et politiques, les films intimistes de Labrecque ont été consacrés à des poètes et des politiciens d’envergure, à la fois bouleversants et brillants (Marie Uguay, Félix Leclerc, Gaston Miron), à une initiative étudiante à l’époque de Duplessis pour obtenir l’instruction gratuite (L’Histoire des trois) ou encore à la célèbre visite du général «Vive le Québec libre» de Gaulle en 1967. La Veaux en a sélectionné une douzaine pour son portrait de l’artiste. «Labrecque a toujours affirmé qu’il filmait les gens à hauteur d’homme, et c’est une notion à laquelle peu de gens prêtaient attention à l’époque. Je voulais donc choisir des films qui puissent refléter sa façon de travailler.»

«Pour moi, c’est un personnage aussi important de la culture québécoise que Gilles Vigneault ou ou tous les auteurs dramatiques de pièces de théâtre. C’est un personnage majeur.» – Michel La Veaux, réalisateur à propos de Jean-Claude Labrecque

Les extraits choisis nous font revivre des moments décisifs de notre histoire, toujours empreints du regard humaniste de Labrecque, qui se tenait bien loin des analyses politiques ou journalistiques auxquelles plusieurs réalisateurs contemporains nous ont habitués. «Pensons à l’audace de la caméra quand Labrecque filme de Gaulle, suggère La Veaux. Il a voulu monter à bord de la voiture avec le chef d’État français et le premier ministre Daniel Johnson, et
Johnson a fini par mettre le chargeur de caméra entre ses pieds. Ces types de plans, ce sont des choix de cinéaste. Labrecque voulait posséder l’événement.»

Parmi les autres grands moments immortalisés par Labrecque, notons le relais 4 x 100 mètres remporté par les Américains aux Jeux olympiques de Montréal en 1976 et la campagne électorale de Bernard Landry en 2003 (À hauteur d’homme, lauréat du Jutra du meilleur documentaire). «Le film sur Landry, c’est un grand film sur la dignité humaine, souligne La Veaux. Sur la dignité d’un homme qui perd, qui ne sera plus premier ministre.»

C’est à la fois une grande leçon de cinéma et une grande leçon sur l’histoire du Québec moderne que nous livrent Labrecque et La Veaux dans cet humble portrait. Et tout comme Labrecque a toujours préféré les éloges par le biais de la caméra plutôt qu’avec la parole, La Veaux nous rappelle sa maîtrise des codes du cinéma, composant plusieurs plans-hommages d’une grande puissance technique et émotive.

«Beaucoup de gens, aujourd’hui, avec les caméras abordables, tournent 80 heures de matériel et c’est à la table de montage que tout se passe. Moi, comme Labrecque et Brault, c’est plutôt par ma caméra, mes cadrages, ma lumière et ma profondeur de champ que ça se décide. Pour moi, “faire du cinéma”, ç’a toujours été ça.»

LABRECQUE, une caméra pour la mémoire

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