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Là où le sang se mêle: ode à la résilience autochtone

Photo: Josie Desmarais

En présentant la pièce Là où le sang se mêle, le metteur en scène Charles Bender voulait non seulement raconter la triste histoire des pensionnats autochtones mais aussi contribuer à une mission plus vaste: la guérison des Premières Nations.

Créée par Kevin Loring, membre de la nation Nlaka’pamux de la Colombie-Britannique, la pièce s’articule autour de Floyd et Quêteux, deux survivants des écoles résidentielles qui, des décennies plus tard, sont forcés de se replonger dans leurs douloureux souvenirs.

«Il fallait que cette histoire soit racontée au Québec, où on a peut-être moins parlé des pensionnats et de la commission de vérité et réconciliation qu’au Canada anglais. C’est une pièce qui devait absolument être présentée au public», estime Charles Bender, qui a traduit la pièce en français après l’avoir jouée en anglais en 2012.

Huron-Wendat, M. Bender a lui-même rencontré plusieurs survivants, notamment à titre d’animateur lors de certaines activités de la commission vérité et réconciliation, qui a recueilli des témoignages des victimes de 2010 à 2015.

Il a pu constater les effets désastreux de la politique du gouvernement fédéral qui, pendant des décennies, a retiré à leurs familles des centaines de milliers d’enfants autochtones pour les envoyer de force dans des écoles religieuses. «Les histoires que les personnages racontent, je les avais toutes entendues avant de faire la pièce. Ce sont des propos très vrais, très ancrés dans la réalité», confie celui qu’on peut aussi voir dans la série Mohawk Girls.

«Les écoles résidentielles, c’est énorme pour les autochtones. C’est un des événements les plus destructeurs qu’ils ont dû traverser. C’est pratiquement une bombe atomique, un génocide culturel qui a fait des dommages horribles et qui continue à avoir des effets désastreux, tant en communauté qu’à l’extérieur.»

Ainsi, deux décennies après son passage au pensionnat, Floyd (Marco Collin) noie toujours son désarroi dans l’alcool. Sa fille (Soleil Launière), qui lui a été retirée par les services sociaux, tentera de reprendre contact avec lui et avec ce passé destructeur. «L’alcoolisme et les problèmes de suicide font partie des effets intergénérationnels des pensionnats. Les enfants ou petits-enfants des survivants en subissent les contrecoups, parce que leurs parents n’ont jamais appris à élever des enfants. On ne leur a jamais dit: “Je t’aime”.»

«De la même manière qu’on peut prendre une caméra pour raconter une histoire, on peut se servir des codes du théâtre pour témoigner de la réalité autochtone.» –Charles Bender, acteur et metteur en scène, à propos de la place de la dramaturgie 
dans la culture autochtone contemporaine

Là où le sang se mêle, saluée par le prix du Gouverneur général en 2009, est avant tout une pièce sur la résilience, croit Charles Bender. Malgré un sujet sombre, le spectacle comporte donc des zones de lumière. «La résilience chez les autochtones passe beaucoup par le rire. Ce sont des gens taquins qui aiment rire, même des choses les plus sombres. C’est présent dans la pièce, où on peut rire sans jamais renier les larmes si elles se présentent.»

«La résilience, c’est accepter de se guérir, de dire ce qu’on a sur le cœur, de se décharger du poids qu’on a sur les épaules, avec l’aide de sa communauté, pour que ce poids devienne léger afin qu’on puisse le vivre d’une manière saine.»

Dans cette optique, le metteur en scène a choisi de placer ses acteurs au centre d’un cercle de partage traditionnel, à l’image de ceux qui ont aidé les véritables victimes des pensionnats à se libérer des sévices qu’ils ont subis.

Les comédiens seront entourés à 360° par les spectateurs. Avant chaque représentation, un aîné sera responsable du protocole nécessaire pour «nettoyer l’esprit de chacun, de manière à s’assurer qu’on va être généreux dans son écoute et son partage».

«À n’importe quel moment, les acteurs peuvent s’adresser directement au spectateur, ce qu’on ne peut pas faire à travers un écran ou lorsqu’il y a un “quatrième mur”, soutient Charles Bender. C’est aussi ça, un cercle de partage: on n’a pas le choix de prendre en compte qu’il y a des cœurs qui battent autour de nous, d’être généreux dans notre écoute et dans notre partage.»

«Le public est concentré non seulement sur ce qui se passe sur la scène mais aussi sur les réactions des autres spectateurs autour du cercle. C’est important, puisque si on va au théâtre, c’est pour vivre une rencontre avec le public qui respire avec toi au même moment. C’est un acte 
communautaire.»

Là où le sang se mêle
À la salle Fred-Barry 
du Théâtre Denise-Pelletier
Du 16 janvier au 3 février

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