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Rafaël Ouellet voyage dans la mémoire avec son film Camion

Photo: Yves provencher/métro

Avec Camion, son quatrième long-métrage, Rafaël Ouellet signe un film à la fois dur, tendre, plein de pardon et rempli d’espoir. Entretien avec un cinéaste à la signature unique.

Camion commence par un accident. Germain Racine, au volant de son camion à lui, roule et entre en collision frontale avec une automobiliste. Sous le choc, celui qui a passé sa vie à conduire son truck dans le bois ne voudra même plus le regarder. Bonne pour la scrap, cette affaire-là, croit-il.

Pendant ce temps, en ville, dans son univers monochrome gris bleuté, son fils Samuel fait des ménages la nuit. Et puis, à Saint-John, au Nouveau-Brunswick, son autre fils, Alain, drague les filles, crèche au motel et joue au poète. Les trois hommes, qui ne se voyaient, ni ne se parlaient presque plus, se retrouvent réunis par l’accident survenu dans le Bas-du-Fleuve. De nouveau ensemble dans la maison familiale, ils renoueront avec leurs souvenirs et se remémoreront le passé, histoire d’avancer et de vaincre l’immobilité dans laquelle ils se sont tous enlisés. Chacun à leur façon.

Il n’y a pas à dire, dans ce «film d’hommes», Rafaël Ouellet donne des rôles de choix à Julien Poulin, Stéphane Breton et Patrice Dubois. Des rôles qu’il a longtemps mûris, tout comme son récit. Pour la première fois de sa carrière, le cinéaste et scénariste qui nous a donné le poétique Cèdre penché et les envoûtants Derrière moi et New Denmark, avoue avoir «pris son temps».

«New Denmark, de la première idée au montage, m’a pris moins d’un an, alors que Camion m’en a pris cinq, dit-il lorsque nous le rencontrons dans un bistro de Villeray. Je n’avais jamais procédé ainsi, et je me rends compte que c’est important. C’est important de prendre son temps quand on veut sortir une œuvre plus aboutie, plus accomplie et plus rassembleuse.» Reste qu’il ne renie pas l’école qui l’a formé. «Ça n’empêche pas de tourner des films rapidement, de faire des labos. Je vais continuer de les faire, mes New Denmark à moi», assure-t-il.

Autre chose qui a changé avec ce dernier-né : Rafaël Ouellet a vaincu sa «phobie d’être quétaine» et a mis une toune ici, un peu plus d’émotion là. «Pour tous mes autres films, il y a toujours quelqu’un qui me disait : ‘’Pourquoi tu ne mets pas une chanson dans cette scène?’’ Moi je répondais systématiquement : ‘’Mais ça va être cucul!’’ Finalement, j’ai décidé de faire confiance à mon bon goût et à celui des gens qui m’entourent et d’y aller de front.»

En agissant ainsi, le cinéaste a signé une œuvre bouleversante qui, seulement avec son titre, capte complètement l’attention. Un titre qui est venu au réalisateur d’emblée et qui évoque moult choses. «Le film est peuplé de métaphores de gens inertes, arrêtés, brisés, qui doivent se reconstruire. Mais c’est le camion du début, celui de l’accident, qui est le déclencheur.»

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Le drame de Ouellet parle aussi, beaucoup, du temps qui passe. Du sentiment qui nous saisit parfois, en vieillissant, d’être complètement déconnecté du reste du monde. Un collègue de travail de Samuel, très branché, parle des New New You «un nouveau groupe avec un musicien qui a une guitare à trois manches» (un chic clin d’œil de… Jacob Tierney!). Son frère, quant à lui, fait ses adieux à une fille par texto, et se trouve du coup très «moderne».

Il est aussi question d’un livre de bibliothèque, emprunté depuis 1990, d’un jeu vidéo d’une autre époque, de vieux films de famille maison. «Le jeu, les cartes de hockey, les vieux souvenirs… c’est sûr qu’il y a une nostalgie, mais elle va de pair avec le thème du film qui est, entre autres, de savoir d’où on vient, confie Ouellet. Souvent, les gens veulent mettre une croix sur leur passé. J’ai des amis en ville qui ont rompu avec leur famille afin de mieux se réinventer. Moi, je crois qu’on peut tellement mieux se réinventer en respectant nos racines!»

Il y a quelque temps, Rafaël a lui-même renoué avec ses propres souvenirs, à Dégelis. «Je suis descendu chez mes parents et j’ai retrouvé le seul journal intime que j’ai tenu dans ma vie. Celui de 1994, de l’été de mes 20 ans. C’est l’été où j’ai décidé de passer de la radio à la télévision, l’été où je suis allé à Woodstock, l’été d’un paquet d’affaires. Relire ça, c’est des centaines de dollars de thérapie! Mais c’est le genre de chose qu’il faut que tu laisses mûrir. Si tu y reviens chaque année, ça ne donne rien alors que, si tu laisses dormir pendant 10 ans, 20 ans même, il y a plein d’affaires qui te reviennent en pleine gueule…»

Camion
En salle vendredi prochain

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