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Ciel, le premier roman de Sophie Labelle

Photo: Josie Desmarais

Ciel est une pré-ado qui habite avec son père et son frère dans Rosemont, tout près du parc Maisonneuve. Elle livre les journaux le matin avant d’aller à l’école et entretient une relation amoureuse à distance avec son copain, qui habite en Islande. Ah, et aussi, Ciel est trans. 

Ciel – comment survivre aux deux prochaines minutes est le premier roman jeunesse de l’auteure trans Sophie Labelle, qu’on connaît déjà pour sa BD web Assignée garçon. D’ailleurs, si vous êtes fan de ses planches, vous êtes déjà familier avec les personnages de Ciel, Frank, Eirikur et Stéphie, entre autres.

On les retrouve ici dans un livre, que l’auteure qualifie elle-même de «très drôle», qui relate leur passage du primaire au secondaire, avec tous les petits et grands obstacles que cela implique : amour, rupture, travail à temps partiel, réseaux sociaux, etc. Bref, un passage obligé pour tout adolescent, qu’il soit trans ou cisgenre.

«Il y a des facettes des expériences trans qui sont universelles», admet Sophie Labelle. «Les gens vont parler de personnes trans comme si c’était un groupe à part de marginaux qu’il faut analyser, qu’il faut comprendre. Il y a toutes sortes de facettes de nos expériences qui se retrouvent dans les expériences non trans.»

Parce que l’auteure est trans et que plusieurs personnages le sont aussi, est-ce que cela veut dire que ce roman jeunesse ne s’adresse qu’aux jeunes trans? Bien sûr que non. 

«J’avais en tête de m’adresser aux jeunes trans en premier lieu. Je voulais écrire quelque chose qu’ils pourraient lire et aimer, explique Sophie Labelle. Je voulais qu’ils lisent à propos de personnages qui leur ressemblent, sans qu’il y ait la lourdeur des représentations d’eux-mêmes que ces jeunes-là vont voir à la télé, notamment dans des documentaires très graves, très froids, très analytiques, très objectifiants.»

En fait, ce livre pourrait même aider certains jeunes non trans à mieux comprendre leurs amis. «J’espère vraiment que les personnes non trans qui vont lire mon roman vont pouvoir mettre des visages qu’ils connaissent sur mes personnages, reconnaître des gens qui sont déjà dans leur entourage.» 

Qui sait, peut-être que quelqu’un se reconnaîtra dans le personnage de Ciel, qui est un peu inspiré de son auteure. 

«J’ai mis beaucoup de moi-même dans le personnage de Ciel», avoue-t-elle. Un exemple? «Le fait que je tourne vraiment beaucoup de choses très sérieuses en dérision. J’aime utiliser l’autodérision. Par exemple, les enjeux de genre, de trans, j’aime prendre ça avec légèreté, explorer ces enjeux-là d’une manière intime et ludique. C’est comme ça que je vois le personnage.»

Autre aspect directement inspiré de son expérience personnelle : la gestion des commentaires haineux sur les réseaux sociaux. Dans son roman, Ciel est une jeune youtubeuse qui vlogue sur les enjeux LGBT. 

Lorsqu’elle publie une capsule sur les toilettes qui ne sont pas adaptées pour les personnes trans, elle reçoit des dizaines et des dizaines de commentaires désobligeants et malveillants, quelque chose qui touche Sophie Labelle droit au cœur. 

«J’ai eu mon lot de harcèlement sur l’internet. Je crois que c’est quelque chose dont on ne parle pas assez avec les jeunes. Toutes les personnalités connues sur le web vont subir leur lot de harcèlement, et si ce n’est pas sexuel, c’est violent, c’est des menaces de mort. De manière très, très ordinaire. Je reçois des menaces de mort pratiquement chaque jour», explique-t-elle.

Son meilleur conseil, à cet égard, c’est de bien s’entourer. Avoir des réseaux de support. C’est ce qui lui a permis de composer avec «ces raids de harcèlement».

Où est la littérature LGBT?
À cette question, Sophie Labelle répond du tac au tac : «Ce n’est pas tant qu’elle n’existe pas, c’est qu’elle n’existe plus.» Elle s’explique : «Il y a beaucoup de livres avec des personnages trans qui ne s’adressent pas aux personnes trans. Des livres qui se veulent éducatifs, qui ont été écrits pour la cause. Ils se trouvent à être très didactiques, très pédagogiques.»

Elle ajoute : «Durant les derniers siècles, il y a eu un énorme travail de réécriture de légendes, de romans. On trouve plein de romans pré-Renaissance qui avaient des personnages non conformes dans le genre, qui avaient des personnages trans. Et qui vont souvent être analysés comme étant des personnages gais dont on va effacer la non-conformité de genre pour les faire rentrer dans une narrativité très cisnormative.»

Selon elle, c’est donc un «travail de réécriture» qui doit se faire, de «réappropriation d’un espace» qui, au fil de l’histoire, a été enlevé à la communauté LGBT.

C’est un peu ça, le but de Ciel – comment survivre aux deux prochaines minutes, «c’est de donner de la force, du courage, aux jeunes trans pour parler de certains enjeux. Et leur montrer qu’il y a des manières de parler de ces enjeux-là qui soient ludiques, et qui soient également empowering pour eux».

La fin du livre laisse la porte ouverte à de nouvelles aventures pour Ciel et ses amis, plusieurs intrigues venant tout juste de s’installer. Aura-t-on droit à une suite prochainement? «On veut un tome deux. On est en train de penser à une série», conclut Sophie Labelle.

 Disponible en librairie dès maintenant.

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