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Les ados ont du fun

Photo: Laurent Guerin / Les Films Séville

Avertissement: ce film comporte des scènes de sexe, de la drogue, de l’alcool et des ados avec les hormones dans le tapis. La supervision des parents n’est pas conseillée.

«Le propos du film n’est pas noble», affirme d’emblée Sophie Lorain, réalisatrice de Charlotte a du fun, son nouveau long métrage mettant en vedette la jeune Marguerite Bouchard et écrit par Catherine Léger. Dans ce film, exit les tabous sur la sexualité des jeunes, les sujets abordés à moitié et les conseils moralisateurs. La réalité des ados est exposée telle «une tape sur la yeule» avec des mots crus et des scènes de sexe. Beaucoup de scènes de sexe.

Pour résumer le film simplement, disons que c’est l’histoire de Charlotte (Marguerite Bouchard) qui apprend à gérer sa sexualité (ou son absence de sexualité) comme elle l’entend, à «être libre». Elle est entourée d’amies de fille qui ont leur propre utopie/dystopie au sujet de l’amour. Elles sont toutes les trois embauchées dans un magasin de jouets où travaillent des gars cute de leur âge… et c’est là que tout dérape.

C’est exactement de ce dérapage dont l’auteure, qui travaillait sur ce scénario depuis plusieurs années, voulait parler : «J’avais envie de parler aux jeunes filles d’amour et de sexualité. On ne sait pas comment leur parler de ça. Je parle souvent du double standard. J’ai souffert à l’adolescence de ce double standard-là. J’ai souffert du fait qu’on dise aux gars, à l’adolescence, vous allez avoir les hormones dans le tapis, faites juste vous calmer et vous retenir. Et on dit aux filles tu as le droit de dire non, tu as le droit d’attendre d’être en amour, le prince charmant va venir. Tout ça, ce mensonge-là qu’on dit aux filles, ça ne faisait pas de sens. L’idée, c’était d’avoir cette conversation-là.»

«[Dans Charlotte a du fun] il y a une intensité du sentiment amoureux qu’on recherche toute notre vie après. La grande histoire d’amour. Genre, j’aime tellement ce gars-là que je vais manquer mon cours de maths pour aller le voir.» – Catherine Léger, scénariste

Est-ce du jamais vu comme film? Même si les filles ne sont pas prêtes à dire ça, Catherine et Sophie reconnaissent qu’elles n’ont rien trouvé de semblable au Québec : «Quand on a cherché des repères, un film qui parle de la sexualité des jeunes filles, une comédie, d’une manière positive sans qu’il n’y ait de jugement moral, sans que la fille soit victime, (et esthétiquement bien fait, ajoute Sophie), il n’y en avait pas beaucoup. Il n’y en avait pas du tout.» Marguerite est d’accord : «On n’en a pas beaucoup vu, des films aussi détaillés, qui montrent quelque chose d’aussi vrai, d’aussi honnête.»

«Charlotte jouit, elle jouit beaucoup.»
Cette phrase, c’est Catherine Léger qui l’a précisée au montage dans une petite note, afin que son propos soit bien illustré.
D’ailleurs, Marguerite Bouchard, 17 ans, a été un peu surprise lorsqu’elle a lu le scénario et a vu le nombre de scènes osées qu’elle aurait à tourner. «Je suis quand même assez pudique dans la vie», tient à préciser celle qu’on voit plus qu’une fois en bustier dans le film.

Travailler avec Sophie Lorain l’a cependant mise en confiance. «Quand [Sophie] m’a dit qu’elle me voulait pour le rôle, elle m’a dit : “Ce n’est pas juste un petit bisou, est-ce que tu es prête?” Je me suis dit que ça allait être tough, mais je ne voulais pas passer à côté de cette chance-là. Pour moi, ça allait au-delà de faire des scènes [osées], ça passait un message que je trouvais important.»

La réalisatrice a su la mettre en confiance tout en la poussant à aller plus loin dans son jeu. «Je lui ai dit, à Marguerite, que quand même que je ne te vois pas les fesses ou le pubis ou les seins, va falloir que, quand tu es dans l’orgasme, que je le vois! Des fois, elle me demandait si c’était correct, et je lui disais d’en mettre plus ou moins. C’est de dealer avec toutes ces insécurités-là.»

Être aussi exposée a été l’un des plus gros défis de jeu de Marguerite, mais pas le seul. «C’est aussi difficile de devoir jouer des émotions très vraies, des émotions dramatiques, mais d’une façon légère, avec une pointe d’humour. C’est un film avec des propos très crus, véridiques et très intenses, mais c’est apporté comme un bonbon.» Entre la comédie et le drame, son jeu balance, et ça, c’est grâce aux mots de l’auteure.

De son côté, Catherine Léger n’a réalisé l’ampleur de ses propos qu’après les auditions. «Quand j’écrivais, j’étais toujours dans le plaisir de l’écriture. Là où j’ai eu mon premier choc, c’est dans les auditions. Il y avait des propos crus. Quand j’ai vu des jeunes filles de 16 ans dire ces mots-là, j’ai eu comme une petite surprise. Mon imaginaire et la réalité venaient de se rencontrer.»

Résultat? Un film qui sonne vrai et qui dresse un portrait très juste de la vie d’ado.

Questions évidentes

Il y a deux questions que Sophie Laurin s’attendait à se faire poser. Première question : pourquoi est-ce que le film est tourné en noir et blanc?

«J’étais très consciente que le film risquait de faire un peu coup-de-poing, le propos étant très chargé. Je ne voulais pas tomber dans la vulgarité. Alors, on l’a travaillé en noir et blanc pour adoucir tout ça, pour l’amener dans un côté un peu plus fable, un peu plus conte. Ça l’amène dans quelque chose d’un peu plus poétique», explique-t-elle, tout simplement.

Question numéro deux : où sont les parents dans le film? On remarque rapidement qu’il n’y a aucun parent, aucun prof ou figure adulte dans le film. Un choix assumé et mûrement réfléchi de la part de Sophie Laurin et Catherine Léger.

Cette dernière explique : «Ça faisait quelque temps que je travaillais sur le scénario. Il y avait des trucs qui marchaient moins bien et je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Quand Sophie l’a lu pour le réaliser, elle a dit : “Ça marche, mais tu ne peux pas avoir d’adultes dans ce film-là.” Il y en avait au départ. C’était une erreur de ma part. Ça a réglé beaucoup de problèmes, du point de vue du regard moral. C’est comme si la morale était dans le film et on ne voulait pas ça. Ça a forcé l’écriture à être vraiment l’histoire de Charlotte.»

«Vivez votre vie. L’amour, la sexualité, tout ça est complexe et difficile à saisir, surtout à cet âge-là. Et ne vous culpabilisez pas de ça.» – Sophie Lorain, réalisatrice

Celle qui joue Charlotte est bien d’accord avec le choix de la réalisatrice et de la scénariste : «Tu sais souvent, dans un film qui porte sur un adolescent, ce que ça va faire: c’est que les adultes vont apporter leur point de vue. Avoir un professeur ou un parent, il va dire : “Hé, ne fais pas ça, je ne suis pas d’accord.” Pis moi, ce que j’aime de ce film-là, c’est qu’il n’y a pas d’adulte. Oui, c’est une gang de jeunes qui se ramassent avec des problèmes, mais ils les règlent, ils s’en sortent bien, ils s’arrangent entre eux.»

Charlotte a du fun
En salle le 2 mars

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