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Abbittibbi: Rendez-vous au Boomtown Café

Photo: Josie Desmarais/Métro

Mieux vaut tard que jamais. Plus de 35 ans après sa parution originale, Boomtown Café, le premier album du groupe Abbittibbi, dont faisait partie le chanteur Richard Desjardins, est enfin disponible à grande échelle dans une version remastérisée.

Rendez-vous manqué avec l’histoire, ce disque oublié est finalement publié au goût de ses créateurs avec un son fidèle à l’enregistrement original de 1981.

C’était avant Tu m’aimes-tu et la consécration du poète, avant la reformation du groupe dans les années 1990, l’album Chaude était la nuit, les tournées et le succès populaire tant attendu.

Les cheveux longs, maigres comme des clous, mais du front tout le tour de la tête, les membres d’Abbittibbi se retrouvent à Montréal aux débuts des années 1980 avec la ferme intention de prendre leur place dans le panthéon du rock québécois aux côtés des Offenbach, Harmonium et Beau Dommage.

Bien rodé après des années dans les bars et reconnu pour ses concerts mémorables, le groupe vise gros.

«On avait toute espérance que ça soit un succès, de quelque façon que ce soit, se souvient le bassiste Rémi Perron. On avait travaillé fort pour y arriver. On était jeune et on en avait dedans.»

«Subventionnés par le bien-être social et [leurs] blondes», ils s’attellent à cet album qui doit enfin leur permettre de percer et de vivre convenablement de leur art après des années de vaches maigres. Vaste programme.

Une maison de disques leur demande un album par année pendant cinq ans (soit l’équivalent d’une chanson par mois, alors que, comme il le raconte dans la nouvelle pochette de l’album, il fallait quatre mois à Desjardins pour en écrire une seule), une autre de se débarrasser de leur chanteur et de leur saxophoniste.

Finalement, c’est grâce à deux productrices associées à la station CKVL, à l’époque haut lieu de la musique country au Québec, qu’ils peuvent enfin endisquer les tounes qu’ils promènent depuis des années dans les clubs et les hôtels de leur région natale et du nord-est ontarien.

Le résultat s’avère décevant. Le son est compressé pour correspondre aux standards de la radio AM, la pochette est «catastrophique», la promotion inexistante et les productrices disparaissent sans laisser de traces.

«Le son a été écrasé pour que ça sorte d’un petit speaker de deux pouces, explique Richard Desjardins, qui a signé la majorité des textes et des mélodies de l’album. On a perdu la géographie sonore de l’album, on a perdu les basses, les hautes. Tellement qu’on ne le proposait même pas à nos chums cet album-là.»

«Ça aurait mérité mieux. C’était un son unique», juge le flûtiste et saxophoniste Claude Vendette, qui a plus tard œuvré pour le Cirque du Soleil.

Au lieu de se retrouver au sommet des palmarès, l’album aux accents folk rock (mais aussi prog par moment) sombre dans l’oubli et devient plutôt la perle rare des collectionneurs de vinyle.

Josie Desmarais/Métro

«Un orchestre pas d’album, c’est comme un guitariste pas de guitare. Ça ne marche pas.»  Richard Desjardins, à propos des raisons qui ont mené à la dissolution d’Abbittibbi après l’échec de son premier album.

Abbittibbi ne touchera jamais une cenne de redevances et on ne saura jamais combien de copies ont été vendues.

C’est un dur retour à la case départ pour les musiciens, qui, dépités, finissent par partir chacun de leur côté.

«Il fallait vivre aussi, rappelle le violoniste Theodor Busch. Après l’album, on s’attendait à faire enfin un salaire. Mais l’album a floppé. On ne peut pas continuer à jouer éternellement pour cinq piasses par soir.»

C’est après cet échec que Desjardins a commencé à travailler sur ses premiers projets en solitaire. Il a toutefois conservé dans sa besace plusieurs chansons de Boomtown Café (Le beau grand slow, Y va toujours y avoir, Le chant du bum) qu’il utilisera par la suite dans ses albums solos.

Après l’accueil triomphal réservé à son deuxième opus, Tu m’aimes-tu, il rappellera ses vieux chums abitibiens pour partager ce succès si longtemps espéré. Le groupe reprendra vie le temps de deux albums et d’une vaste tournée.

«Dans ce métier-là, on espère beaucoup sans jamais rien attendre, résume celui qui s’est aussi fait documentariste avec L’erreur boréale et Le peuple invisible. C’est la seule façon de garder sa santé mentale. Mais Boomtown Café est toujours resté un peu dans nos têtes. La preuve, c’est qu’on est ici 35 ans plus tard et qu’on en parle encore.»

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