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Harold López-Nussa: «la musique a un 
pouvoir incroyable»

Photo: Collaboration spéciale

Ses doigts dansent avec aisance et précision sur les touches noires et blanches de son instrument. À 35 ans, le pianiste cubain Harold López-Nussa est déjà qualifié de «virtuose» et de «prodige» du jazz. Qu’à cela ne tienne, le musicien – qui s’exprime dans un français impeccable, appris auprès de sa grand-mère française – n’a qu’un seul souhait : rassembler des publics de tous horizons avec sa riche musique aux influences métissées.

Vous faites beaucoup d’improvisation sur scène. À quoi peut-on s’attendre de votre spectacle à Montréal?
En ce moment, on se concentre sur la promotion de notre dernier album, qui s’intitule Un Día Cualquiera, qu’on pourrait traduire par «Une journée ordinaire». On va donc plutôt jouer des morceaux de cet album, ainsi que des standards de la musique cubaine et des morceaux d’albums précédents. On essaie de donner un spectacle différent tous les soirs. Je ne sais pas exactement ce qu’on va jouer ce samedi.
On a la chance de faire une grande tournée avec le trio pour promouvoir l’album. C’est merveilleux d’avoir autant de dates, on est sur la route presque tout le temps jusqu’en novembre, donc on essaie tous les soirs de faire quelque chose de différent, même si on joue les mêmes morceaux. On essaie de changer l’ordre, la structure des morceaux et de garder de l’espace pour l’improvisation.

D’où vient le titre de votre plus récent album?
(Rires) En faisant ce disque, on ne s’est pas dit : «Il faut que ce soit un album parfait.» On a seulement essayé de transposer ce qu’on fait tous les jours, quand on se rencontre chez moi, à La Havane, dans les clubs à Cuba, ou dans les festivals à l’extérieur de Cuba. C’est le plaisir de jouer, de partager la musique entre trois amis. Ce trio, avec Gaston Joya à la basse et mon frère [Ruy López-Nussa] à la batterie, 
c’est une de mes formations préférées.

On a créé cet ensemble au tout début de ma carrière, il y a plus de 10 ans. À l’époque, on n’a pas pu jouer souvent ensemble, surtout parce que Gaston travaillait sur d’autres projets. Après, on a trouvé le temps d’être tous les trois. C’est spécial pour moi, mais en même temps, c’est une chose qu’on fait naturellement. C’est notre vie normale, c’est-ce qu’on fait, et on a envie de partager ça avec le public.

Qu’est-ce que ça vous apporte de jouer avec 
des musiciens dont vous êtes très proche?
Beaucoup de choses. On a joué ensemble pas seulement pour mes propres projets, mais 
aussi pour des albums de chanteurs et de chanteuses de Cuba, et on a fait des musiques de film. On se connaît très bien. Mon frère et Gaston ont étudié dans la même classe à l’école. On a grandi avec les mêmes problèmes, avec les mêmes situations de vie. On a un peu tous les trois la même histoire musicale, on a étudié dans les mêmes écoles, on est de la même génération. On partage beaucoup de choses. On se sent vraiment à l’aise ensemble… Donc, il y a tout le temps une complicité très forte entre nous sur scène.

Les artistes pop s’expriment souvent par leurs paroles. Comme votre musique est instrumentale, que souhaitiez-vous raconter sur cet album?
C’est vrai que, comme il n’y a pas de paroles, c’est compliqué d’avoir le même message pour tout le monde, parce que tout le monde peut interpréter à sa façon la musique. C’est la beauté du jazz et de la musique instrumentale. Mais en fait, quelque chose m’a inspiré pour presque toutes mes compositions. Ça peut être des choses qui m’arrivent, des expériences avec ma famille, mes filles, mes amis ou avec quelqu’un que j’ai perdu… Ou encore une émotion de beauté, de joie, de tristesse, ou un peu de tout ça ensemble. Il y a une histoire dans chaque morceau que je transforme en mélodie, en harmonie, en rythmique. De temps en temps, j’essaie d’expliquer les morceaux pendant les spectacles, mais sinon, c’est aux gens de les traduire par leur propre façon d’écouter, de voir.

La musique a un pouvoir incroyable. Les concepts d’économie, de race, de religion ne comptent soudainement plus. La musique rassemble des gens de partout, et ça, pour moi, c’est formidable. Les gens qui viennent à notre concert partagent leur soirée avec nous. S’ils partent à la maison avec de la joie, c’est pour moi un cadeau exceptionnel, c’est ce qui est le plus important. On essaie de donner un peu de joie.

«Quand je joue de la musique, je me sens libre. 
Je n’ai pas de barrières, je peux me lancer, 
m’exprimer, essayer, aller là où je veux. Le jazz donne cet état de liberté. C’est passionnant.» – Harold López-Nussa

Vous avez d’abord étudié 
la musique classique. 
Comment est née votre passion pour le jazz?
J’écoutais beaucoup de jazz à la maison. Mon père est batteur de jazz à Cuba, mon oncle aussi joue du jazz, et ma mère était prof de piano. Mais c’est vrai, j’ai commencé avec la musique classique à l’école. J’avais trop peur à l’époque de jouer du jazz, en raison de l’improvisation. Ça ne me venait pas naturellement d’improviser. J’étais vraiment stressé! (Rires) Je me rappelle la première fois que j’ai appris quelques accords à la main gauche, mon oncle m’a dit: «Bon, maintenant tu peux improviser avec ta main droite.» «Mais qu’est-ce que je dois faire?» lui avais-je répondu. «Tu improvises, tu profites!» m’avait-il dit. Ça me faisait vraiment peur! J’ai commencé le piano à l’âge de 8 ans, j’ai dû attendre jusqu’à 18 ans pour oser me lancer et essayer d’improviser. (Rires) Puis, j’ai commencé, petit à petit. J’ai eu la chance d’avoir le soutien de ma famille et de mes amis. Et c’est devenu une passion très grande, énorme, d’improviser, d’être dans cet état de risque constant, où on ne sait pas exactement ce qui va se passer.

Vous êtes qualifié de 
«virtuose» et de «prodige» du jazz. Comment vivez-vous avec ces compliments?
(Rires) Je n’aime pas trop cette façon de qualifier les gens… Je ne sais pas… Je suis seulement un musicien qui essaie de mieux faire les choses chaque jour, d’apprendre, d’aider, et surtout de partager sa musique avec le public. Il y a trop de musiciens exceptionnels dans le monde, et nous ne sommes pas en compétition.

En dehors du jazz, qu’écoutez-vous comme musique? Quelles sont vos influences?
J’essaie d’écouter un peu de tout, de la musique classique bien sûr, ça me vient de l’école et c’est resté une passion. Mais aussi de la musique cubaine, beaucoup, de la pop, du merengue… Je suis fan de Sting et de Prince. J’essaie de ne pas me cantonner dans un seul style de musique. J’aime découvrir de nouvelles choses. J’aime beaucoup la musique populaire pour danser. La musique, c’est magnifique!

Sur votre site web, votre biographie fait mention des relations américano-cubaines, qui se sont détériorées depuis l’élection de Donald Trump. Que souhaitez-vous pour l’avenir de Cuba?
J’ai la chance de beaucoup travailler aux États-Unis avec mon label, ce qui est un peu grâce au rapprochement entre Obama et Cuba. Mais on a sorti notre plus récent album dans un contexte complètement différent, avec Trump au pouvoir. Pourtant, je trouve que les Américains, les Cubains, et les Canadiens aussi, on a beaucoup en commun. Je suis présentement en tournée aux États-Unis, et je vois que le public a envie d’écouter la musique qui vient de Cuba. Le jazz, on l’écoute partout. On n’a pas le choix d’avoir des disques à Cuba, mais on cherche tout le temps à trouver les nouveaux albums qui sortent ailleurs. La musique nord-américaine influence beaucoup la musique cubaine, et vice-versa. J’espère surtout que les peuples vont pouvoir davantage se rassembler, mais ça, c’est compliqué!

Harold López-Nussa
En spectacle ce samedi 
à 19h et à 21h45 au Upstairs

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