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Viens avec moi: dans les méandres du showbiz

Photo: Josie Desmarais/Métro

Les Hôtesses d’Hilaire nous invitent à plonger dans les méandres marécageux du show-business avec Viens avec moi, opéra-rock ambitieux explorant les frontières floues qui séparent l’art et le divertissement, la popularité et l’intégrité.

Viens avec moi est d’abord un album-concept (avec ses 19 chansons!) paru en mai dernier.

Sa version scénique met en parallèle la vie de Kevin, jeune pêcheur de la péninsule acadienne qui décide de tenter sa chance à l’émission de télé-réalité fictive Pousse ta note, et Serge, leader d’un groupe psychédélique qui cherche à vivre de son art dans le merveilleux monde de la musique indépendante.

Toute ressemblance avec des faits réels n’est absolument pas accidentelle!

Pour ceux qui n’auraient pas encore fait le lien, Kevin est directement inspiré de Wilfred Le Bouthillier, aspirant chanteur qui a été propulsé sous les projecteurs après sa victoire à Star Académie en 2003.

Et Serge, bien sûr, c’est la caricature de Serge Brideau, chanteur des Hôtesses d’Hilaire, facilement reconnaissable sur scène avec sa carrure de lutteur et son goût prononcé pour les robes.

Deux univers bien différents, mais qui ont en commun la musique et la quête de succès.

Incarné par le comédien Robin-Joël Cool, aussi membre du groupe Mentana, Kevin connaîtra la gloire, mais finira par s’affranchir des griffes de Julia, la «evil TV producer» incarnée par Anna Frances Meyer (chanteuse des Deuxluxes), notamment grâce à une intervention mystique de Lucien Francoeur et à l’usage de champignons magiques.

(Pour ceux qui l’ignoraient, l’univers et la musique des Hôtesses d’Hilaire sont fortement teintés par les plus beaux trips d’acide des années 1970.)

De son côté, Serge, le «roi de l’underground acadien», finira par être juge à Pousse ta note, évidente parodie de La Voix. Comme quoi l’intégrité artistique et le succès commercial sont parfois des routes perpendiculaires.

«Je voulais montrer que c’est facile de tomber dans l’excès de vanité quand tu es artiste, explique Serge Brideau, qui a lancé le projet avec les quatre autres Hôtesses, le réalisateur Pierre-Guy Blanchard et l’ingénieur du son Benoit Bouchard. 

«La ligne est vraiment fine entre l’art et le divertissement, et la musique est une des formes d’art où les lignes s’embrouillent le plus facilement. Il faut avoir l’audace et la prétention de monter sur scène et de dire aux gens: regardez-moi, écoutez-moi, j’ai quelque chose à dire. Il y a 10 000 chansons par jour qui sortent sur l’internet, mais la tienne est plus importante. Avoir cette arrogance-là, c’est déjà un peu vaniteux.»

«Les gens de la musique indépendante sont aussi égocentriques que les gens qui vont à La Voix, c’est juste qu’ils cachent mieux leur jeu.» –Serge Brideau, leader des Hotesses d’Hilaire

Viens avec moi s’intéresse donc à tous ces dilemmes qui pendent au nez de tout artiste.

«Si tu chantes pour des salles vides, pour qui tu chantes? Donc tu veux avoir des salles pleines. Mais pour ça, faut se démarquer, constate Serge Brideau. C’est épuisant se démarquer dans l’ostie de tempête qu’il y a sur les réseaux sociaux, la surabondance de divertissement dans laquelle on vit. L’art n’est pas nécessairement du divertissement. Ça peut l’être, mais c’est dangereux de se perdre là-dedans.

«C’est comme cruiser une fille. Si t’essaies de deviner ce qu’elle a besoin d’entendre pour coucher avec, c’est pas honnête, c’est pas cool. Mais si tu es toi-même, si elle est elle-même, si vous êtes honnêtes tous les deux, si l’amour se passe, c’est une belle histoire. Comme entre un artiste et son public.»

Pour cette première incursion dans le monde de la comédie musicale, les Hôtesses d’Hilaire ont fait appel aux services du Théâtre du Futur (Clotaire Rapaille: l’opéra-rock, L’assassinat du président), formé du multi-instrumentiste Navet Confit et des comédiens Olivier Morin et Guillaume Tremblay.

Une association logique quand on compare l’univers éclaté des deux groupes.

«On a des atomes crochus, précise Serge Brideau. Navet Confit a été le réalisateur de notre premier EP en 2011. C’est un ami. Guillaume Tremblay a reçu son diplôme avec Robin-Joël Cool. On est allé voir leur pièce Les secrets de la vérité et, après le show, on s’est regardé et on s’est dit que ça prenait ces gars-là. Ils avaient compris quelque chose.»

Un moyen aussi de pousser plus loin le projet «imaginé autour d’une bière chez Hilaire [le père de Serge qui a donné son nom au groupe]».

«Avec une idée, la voir et l’entendre dans sa tête, c’est déjà quelque chose. Mais travailler avec des gars qui écoutent l’album, qui le transforment en spectacle, qui voient des choses que toi, tu ne vois pas, qui pensent à des affaires auxquels tu penses pas, c’est là que c’est magique. C’est là que je tripe.»

L’avis de Wilfred
Viens avec moi est campé dans la région de Tracadie, au Nouveau-Brunswick.

L’endroit a vu naître les gars des Hôtesses d’Hilaire, mais aussi Wilfred Le Bouthillier, dont l’ombre plane sur l’ensemble du projet.

Le vainqueur de la première mouture de Star Académie a été le premier à écouter l’album. Et il a bien aimé, même si c’est à des années-lumière de son style personnel.

«Je le connais depuis l’école, c’est un gars hyper sympathique, confie Serge Brideau. Je voulais l’engager dans le projet. Et il comprend bien ce qu’on veut dire. Il n’y a aucune amertume, il a vu ce qu’on a essayé de démontrer: il n’y a rien de noir et blanc, tout est gris, surtout quand tu tombes dans l’ego. Les gens de la musique indépendante sont aussi égocentriques que les gens qui vont à La Voix, c’est juste qu’ils cachent mieux leur jeu.

«Et je ne suis pas meilleur qu’un autre, conclut le chanteur. C’est pas parce que je fais de la musique indépendante que c’est plus legit. Il y a quand même une action vaniteuse là-dedans, je vends mon image aussi. Je suis constamment dans la vente de ma personnalité pour pouvoir faire mon art, autant que lui [Wilfred]. J’ai juste pris un autre chemin.»

L’opéra-rock Viens avec moi est présenté le 1er novembre, à 20h, au Club Soda, dans le cadre de Coup de cœur francophone.

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